LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 janvier 2024
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 76 F-D
Pourvois n°
A 22-24.238
B 22-24.239
C 22-24.240
D 22-24.241
E 22-24.242
F 22-24.243
H 22-24.244
G 22-24.245
J 22-24.246
K 22-24.247
M 22-24.248 JONCTION
Aides juridictionnelles totales en demande
au profit de MM. [R], [K], [JO],
Mmes [O], [M], [LM], [G],
[I], [P], [T] et [JV].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 octobre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JANVIER 2024
1°/ M. [Z] [R], domicilié [Adresse 10],
2°/ M. [H] [K], domicilié [Adresse 7],
3°/ M. [KU] [JO], domicilié [Adresse 6],
4°/ Mme [Y] [O] veuve [W], domiciliée [Adresse 4], venant aux droits de [E] [W],
5°/ Mme [Y] [M] veuve [D], domiciliée [Adresse 9], venant aux droits de [N] [D],
6°/ Mme [Y] [LM] veuve [A], domiciliée [Adresse 8], venant aux droits de [V] [A],
7°/ Mme [F] [G] veuve [J], domiciliée [Adresse 11], venant aux droits [N] [J],
8°/ Mme [C] [I] veuve [KB], domiciliée [Adresse 1], venant aux droits de [U] [KB],
9°/ Mme [Y] [P] veuve [B], domiciliée [Adresse 2], venant aux droits de [KN] [B],
10°/ Mme [LA] [T] veuve [S], domiciliée [Adresse 5], venant aux droits de [L] [S],
11°/ Mme [X] [JV] veuve [JV], domiciliée [Adresse 3], venant aux droits de [IP] [JV],
ont formés respectivement les pourvois n° A 22-24.238, B 22-24.239, C 22-24.240, D 22-24.241, E 22-24.242, F 22-24.243, H 22-24.244, G 22-24.245, J 22-24.246, K 22-24.247 et M 22-24.248 contre onze arrêts rendus le 22 octobre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans les litiges les opposants à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, établissement public administratif, dont le siège est [Adresse 12], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvois, deux moyens communs de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], et des dix autres demandeurs, de la SCP Boucard-Maman, avocat de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Valéry, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 22-24.238, B 22-24.239, C 22-24.240, D 22-24.241, E 22-24.242, F 22-24.243, H 22-24.244, G 22-24.245, J 22-24.246, K 22-24.247 et M 22-24.248 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Douai, 22 octobre 2021), M. [R] a été engagé par les Houillères du Nord Pas-de-Calais en qualité de mineur de fond, à compter du 10 mai 1975. Il a été admis au bénéfice de la retraite le 30 novembre 1990.
3. Lors de la cessation d'activité des Houillères, l'Association nationale pour la gestion des retraites de Charbonnages de France (ANGR) a été créée le 17 février 1989 pour gérer la politique sociale.
4. La loi n° 2004-105 du 3 février 2004 a dissous l'ANGR et créé l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).
5. Le salarié a, avec dix autres mineurs retraités ou personnes venant à leurs droits, saisi la juridiction prud'homale le 2 avril 2015 de demandes de condamnation de l'ANGDM au paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Les demandeurs aux pourvois font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à la condamnation de l'ANGDM à réparer leur préjudice d'anxiété consécutif à leur exposition aux poussières d'amiante et de silice, alors « que l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs est un établissement public de l'Etat à caractère administratif qui, aux termes de l'article 1er de la loi n° 2004-105 qui l'a créée, a pour mission de garantir, au nom de l'Etat, en cas de cessation définitive d'activité d'une entreprise minière ou ardoisière, l'application des droits sociaux des anciens agents de cette entreprise et de leurs ayants droit tels qu'ils résultent des lois, règlements, conventions et accords en vigueur au jour de la cessation définitive d'activité de l'entreprise, et qui, en application de l'article 2 de cette même loi, assume les obligations de l'employeur envers ceux-ci ; qu'aux termes de l'article 2, 11° du décret n° 2004-1466 du 23 décembre 2004, l'Agence se substitue aux entreprises dans les contentieux relatifs aux droits et prestations relevant de sa compétence ainsi que dans ceux liés à la cessation d'activité des entreprises et relevant de sa compétence, notamment les contentieux relatifs au droit du travail ; qu'il résulte de ces dispositions que les demandes des exposants en indemnisation d'un préjudice d'anxiété subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, relèvent bien de la compétence de l'ANGDM ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2004-105 du 3 février 2004 portant création de l'ANGDM, « Il est créé un établissement public de l'Etat à caractère administratif dénommé "Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs" qui a pour mission de garantir, au nom de l'Etat, en cas de cessation définitive d'activité d'une entreprise minière ou ardoisière, quelle que soit sa forme juridique, d'une part, l'application des droits sociaux des anciens agents de cette entreprise, des anciens agents de ses filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines et de leurs ayants droit tels qu'ils résultent des lois, règlements, conventions et accords en vigueur au jour de la cessation définitive d'activité de l'entreprise et, d'autre part, l'évolution de ces droits.
L'agence peut, par voie conventionnelle, gérer les mêmes droits pour le compte d'entreprises minières et ardoisières en activité. »
9. Selon l'article 2 de cette loi, l'ANGDM assume les obligations de l'employeur, en lieu et place des entreprises minières et ardoisières ayant définitivement cessé leur activité, envers leurs anciens agents et ceux de leurs filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines en congé charbonnier de fin de carrière, en dispense ou en suspension d'activité, en garantie de ressources ou mis à disposition d'autres entreprises.
Elle remplit, en outre, les autres obligations sociales des entreprises minières et ardoisières ayant cessé définitivement leur activité à l'exception de celles manifestement liées à une situation d'activité de ces entreprises.
10. L'article 2 du décret n° 2004-1466 du 23 décembre 2004 relatif à l'ANGDM détaille les droits et prestations garantis par cette agence et précise, en son 11°, qu'elle se substitue aux entreprises dans les contentieux relatifs aux droits et prestations relevant de sa compétence ainsi que dans ceux liés à la cessation d'activité des entreprises.
11. Dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1806 du 21 décembre 2007, portant dissolution et mise en liquidation de Charbonnages de France, le paragraphe 11 prévoit que l'ANGDM se substitue aux entreprises dans les contentieux relatifs aux droits et prestations relevant de sa compétence ainsi que dans ceux liés à la cessation d'activité des entreprises et relevant de sa compétence, notamment les contentieux relatifs au droit du travail.
12. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la mission confiée par la loi à l'ANGDM se limite à garantir l'application des droits sociaux résultant du statut des mineurs.
13. L'arrêt souligne d'abord qu'il est établi que l'ANGDM n'a pas repris les contrats de travail antérieurs à la dissolution de la société minière. Il retient ensuite qu'il résulte des dispositions légales et réglementaires que l'ANGDM est substituée aux entreprises dans les contentieux relatifs aux droits et prestations relevant de sa compétence, ce qui ne concerne pas l'indemnisation au titre d'un préjudice d'anxiété lié à l'exercice de l'activité professionnelle ainsi que dans les contentieux liés à la cessation d'activité des entreprises s'ils relèvent de sa compétence, notamment les contentieux du droit du travail. Il ajoute qu'il se déduit de l'adverbe « notamment » que la prise en charge des contentieux relatifs au droit du travail se limite aux contentieux relevant de l'agence, ce qui n'est pas le cas de l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété lié à l'exercice de l'activité professionnelle.
14. Relevant que les salariés invoquaient un préjudice moral en lien causal direct avec un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel en a exactement déduit qu'au regard de son statut et de ses missions spécifiques, l'ANGDM, qui ne pouvait être considérée comme l'employeur, seul tenu des obligations contractuelles, n'était pas débitrice de l'obligation de sécurité dont se prévalaient les anciens mineurs.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne MM. [R], [K] et [JO] et Mmes [O], [M], [LM], [G], [I], [P], [T] et [JV] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt-quatre.