LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 février 2024
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 251 F-D
Pourvoi n° P 22-18.753
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 FÉVRIER 2024
M. [H] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.753 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société SNCF réseau, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Z], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société SNCF réseau, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois , conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,11 mai 2022), le 2 juin 2006, M. [Z] a été engagé en qualité d'agent commercial par l'EPIC SNCF réseau, devenu la société SNCF réseau.
2. Le 29 avril 2015, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes au titre du harcèlement moral, de la violation de l'obligation de sécurité ou de l'irrespect des engagements conventionnels de l'employeur, alors : « qu'il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, selon lesquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016 ; qu'en décidant que les demandes formées au titre du harcèlement moral, de la violation de l'obligation de sécurité ou des engagements conventionnels ne pouvaient être considérées comme recevables au motif qu'elles n'avaient pas un lien suffisant avec les premières demandes du salarié quand il ressortait de ses propres constatations que M. [Z] avait saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 29 avril 2015 de sorte que l'instance introduite avant le 1er août 2016 était soumise au principe de l'unicité de l'instance et donc de la recevabilité en appel des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, et l'article R. 1452-7 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient, d'une part, que le salarié n'avait pas invoqué, dans ses conclusions d'appel, l'application de l'article R. 1452-7 du code du travail, d'autre part, qu'il concluait au contraire à la seule application des dispositions du code de procédure civile.
6. Cependant, le moyen est de pur droit et il n'est pas contraire à la position soutenue devant la cour d'appel par le salarié aux fins de faire reconnaître la recevabilité de ses demandes.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article R. 1452-7 du code du travail alors applicable, les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
9. Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.
10. Pour déclarer irrecevables les demandes relatives au harcèlement moral, à l'inégalité de traitement et à l'exécution fautive du contrat de travail, la contestation du licenciement, l'arrêt constate que l'employeur prétend que ces demandes formées pour la première fois devant la cour d'appel par le salarié ne sont pas recevables en raison de l'abrogation de l'article R. 1452-7 du code du travail qui permettait au stade de l'appel d'examiner toutes les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail.
11. L'arrêt ajoute qu'il résulte du jugement critiqué que le conseil des prud'hommes a statué sur les demandes relatives au défaut d'information lors de l'embauche, à l'inégalité de traitement et à l'exécution fautive du contrat de travail sous l'angle de la reconnaissance de son diplôme d'acheteur. Il précise que si la demande formée devant la cour à titre de blocage de carrière peut être reliée à la demande sur l'inégalité de traitement, en revanche les demandes formées au titre du harcèlement moral, de la violation de l'obligation de sécurité ou des engagements conventionnels ne peuvent être considérées comme ayant un lien suffisant avec les premières demandes pour être déclarées recevables.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes le 29 avril 2015, ce dont elle aurait dû déduire que l'instance ainsi introduite était soumise au principe de la recevabilité en appel des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [Z] formées au titre du harcèlement moral, de la violation de l'obligation de sécurité ou de l'irrespect des engagements conventionnels de l'EPIC SNCF réseau, en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société SNCF réseau aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SNCF réseau et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.