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29/03/2024 | FRANCE | N°M2400294

France | France, Cour de cassation, Chambre mixte, 29 mars 2024, M2400294


COUR DE CASSATION CH9




CHAMBRE MIXTE




Audience publique du 29 mars 2024


Rejet


M. SOULARD, premier président


Arrêt n° 294 B+R


Pourvoi n° C 21-13.403










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E






AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 29 MARS 2024


La société Adisseo France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pour

voi n° C 21-13.403 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :


1°/ à la direction générale des douanes et droits indirects, dont ...

COUR DE CASSATION CH9

CHAMBRE MIXTE

Audience publique du 29 mars 2024

Rejet

M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 294 B+R

Pourvoi n° C 21-13.403

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, DU 29 MARS 2024

La société Adisseo France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-13.403 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à la direction générale des douanes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), dont le siège est [Adresse 4],

3°/ au ministère de l'action et des comptes publics, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Par arrêt du 21 juin 2023, la chambre commerciale a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 22 février 2024, indiqué que cette chambre mixte serait composée de la première chambre civile, de la chambre commerciale et de la chambre criminelle.

La demanderesse au pourvoi invoque, devant la chambre mixte, les moyens de cassation formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Adisseo France.

Un mémoire en défense au pourvoi a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et du ministère de l'action et des comptes publics.

Une constitution en lieu et place de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin a été déposée au greffe de la Cour de cassation par la SAS Hannotin avocats pour la société Adisseo France.

Un mémoire complémentaire en demande a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SAS Hannotin avocats, avocat de la société Adisseo France.

Un mémoire complémentaire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et du ministère de l'action et des comptes publics.

Des observations complémentaires en demande ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SAS Hannotin avocats, avocat de la société Adisseo France.

Des observations complémentaires en défense ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et droits indirects, de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et du ministère de l'action et des comptes publics.

Le rapport écrit de Mme Agostini, conseiller, et l'avis écrit de Mme Guéguen, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties.

Un avis 1015 du code de procédure civile a été mis à disposition des parties et des observations ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SAS Hannotin avocats, avocat de la société Adisseo France.

Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, assistée de Mme Ploffoin et de M. Dureux, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SAS Hannotin avocats, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SAS Hannotin avocats et la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ont répliqué, après débats en l'audience publique du 1er mars 2024 où étaient présents M. Soulard, premier président, MM. Bonnal, Vigneau, Mme Champalaune, présidents, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, Vaissette, doyens de chambre, M. Wyon, Mmes Daubigney, Thomas, Dard, Ducloz, conseillers, Mme Guéguen, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2021), la société Adisseo France (la société), spécialisée dans la nutrition animale, a importé des vitamines B12 et D3 destinées à être incorporées à des aliments pour animaux.

2. Contestant la position tarifaire exemptée de droits de douane sous laquelle ces marchandises avaient été déclarées par la société, l'administration des douanes a sollicité la communication de documents relatifs aux importations effectuées à compter du 9 septembre 2008 et a procédé au prélèvement d'échantillons des produits importés. Le résultat de ces contrôles a été consigné dans des procès-verbaux de constat établis les 8, 9 et 22 septembre 2011 et le 8 juin 2012.

3. Le 15 octobre 2012, l'administration des douanes a notifié le résultat de son enquête à la société, l'invitant à lui communiquer ses observations dans un délai de trente jours, ce que la société a fait par une lettre du 11 novembre 2012.

4. Le 10 décembre 2012, l'administration des douanes lui a notifié un procès-verbal d'infractions de fausses déclarations d'espèces et de valeur de marchandises importées et, le 5 mars 2013, a émis un avis de mise en recouvrement (AMR) d'un montant de 585 532 euros.

5. La société a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, les deuxième et troisième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

7. La société Adisseo fait grief à l'arrêt d'écarter les moyens tendant à l'invalidation de la procédure de contrôle mise en oeuvre par l'administration des douanes à son encontre, alors :

« 3°/ que la société faisait valoir que sous l'empire des textes applicables au litige, seuls les agents des douanes agissant en tant que douane judiciaire avaient le pouvoir de mener des interrogatoires et qu'à défaut de pouvoir procéder eux-mêmes à ces interrogatoires, les agents des douanes devaient demander à des policiers de le faire, ou encore au procureur de la République ou au juge d'instruction de conférer à des douaniers des pouvoirs de police judiciaire, lesquels incluent le droit de procéder à des interrogatoires ; qu'en affirmant que les interrogatoires réalisés par les agents des douanes étaient réguliers sans répondre à cet argument péremptoire de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis en ce compris les écritures des parties ; qu'en l'espèce, la société Adisseo faisait valoir que jusqu'en 2014 seule la douane judiciaire pouvait procéder à des interrogatoires, que depuis mai 2014 le nouvel article 67 F confère à l'administration des douanes un droit, très encadré, de mener des interrogatoires libres et en déduit que l'article 67 F n'existait pas à l'époque des faits et qu'à défaut de pouvoir procéder elle-même à des interrogatoires, la Douane devait demander à des policiers de le faire, ou encore au procureur de la République ou au juge d'instruction de conférer à des douaniers des pouvoirs de police judiciaire, lesquels incluent le droit de procéder à des interrogatoires ; que pour rejeter cette argumentation, la cour d'appel a affirmé que la société Adisseo invoquait les dispositions de l'article 67 F du code des douanes résultant de la loi du 27 mai 2014 qui ne sont pas applicables aux contrôles réalisés en l'espèce ; qu'en statuant ainsi lorsque la société Adisseo relevait justement que ce texte ne s'appliquait pas au litige mais démontrait bien que les agents des douanes n'avaient pas, à l'époque des faits, le pouvoir de mener des interrogatoires, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en tout état de cause, que tout accusé a droit notamment à être informé dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix (...), interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge (...) ; que pour juger que les interrogatoires avaient été menés dans le respect du droit à un procès équitable, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que les inspecteurs avaient procédé à des auditions sans exercer une quelconque contrainte dès lors que les personnes entendues, sans être personnellement mises en cause, avaient accepté de répondre et n'a pas recherché, ainsi qu'il le lui était demandé si ces personnes n'avaient pas subi une contrainte de fait en n'étant pas informées de leur droit de refuser l'interrogatoire ou encore de ne pas y répondre ; que, ce faisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. La question posée par le pourvoi est celle de savoir si et à quelles conditions les agents des douanes, lorsqu'ils n'agissent pas en qualité d'agents de la douane judiciaire sur le fondement de l'article 28-1 du code de procédure pénale, tiennent des dispositions de l'article 334 du code des douanes, le pouvoir de procéder à l'audition des personnes concernées et de recueillir les déclarations de celles-ci, faites spontanément ou en réponse aux questions posées par eux, en rapport avec l'objet de leurs contrôle et enquête.

9. Alors qu'elle considérait que les agents de l'administration des douanes tenaient de l'article 334 du code des douanes le droit de procéder à des enquêtes, pour les besoins desquelles ils pouvaient effectuer des auditions, la chambre criminelle juge désormais que les dispositions de ce texte ne concernent que la forme sous laquelle doivent être consignés les résultats des contrôles et enquêtes menés. Elle en déduit que, lorsqu'ils exercent le droit de communication que leur confère l'article 65 du code des douanes, ces agents ne peuvent recueillir que des déclarations spontanées relatives aux éléments communiqués (Crim. 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-85.747, publié).

10. La chambre commerciale considère quant à elle que l'article 334 confère aux agents des douanes la faculté de mener des auditions en rapport avec l'objet de leurs contrôle et enquête (Com., 8 novembre 2017, pourvoi n° 14-15.569).

11. Cette divergence d'appréciation doit être résolue.

12. Aux termes de l'article 334 du code des douanes, les résultats des contrôles opérés dans les conditions prévues à l'article 65 de ce code et, d'une manière générale, ceux des enquêtes et interrogatoires effectués par les agents des douanes sont consignés dans les procès-verbaux de constat, qui énoncent la date et le lieu des contrôles et des enquêtes effectués, la nature des constatations faites et des renseignements recueillis, la saisie des documents, s'il y a lieu, ainsi que les noms, qualité et résidence administrative des agents verbalisateurs. Ils indiquent, en outre, que ceux chez qui l'enquête ou le contrôle a été effectué ont été informés de la date et du lieu de la rédaction de ce rapport et que sommation leur a été faite d'assister à cette rédaction ; si ces personnes sont présentes à la rédaction, ils précisent que lecture leur en a été faite et qu'elles ont été interpellées de le signer.

13. Selon l'article 336, 2, du même code, les procès-verbaux de constat ne font foi que jusqu'à preuve du contraire de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent.

14. L'effet utile de ces textes commande que les agents des douanes puissent, pour l'efficacité des contrôles et enquêtes, procéder à des auditions en lien avec l'objet de ceux-ci, sous réserve qu'ils n'exercent pas un pouvoir de contrainte.

15. L'article 67 F du code des douanes, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, encadre désormais les conditions dans lesquelles une personne, soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction douanière, peut être entendue sur ces faits sans être placée en retenue douanière. Ce texte a pour objet d'étendre aux auditions ainsi réalisées par les agents des douanes les garanties prévues à l'article 61-1 du code de procédure pénale en faveur des personnes soupçonnées, entendues en audition libre par les officiers et agents de police judiciaire. Il ne saurait en être déduit qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, les auditions réalisées par les agents des douanes en lien avec l'objet de leurs contrôle et enquête étaient prohibées.

16. Néanmoins, sous le contrôle du juge compétent, les droits de la défense doivent être respectés. Il en est ainsi même si le contentieux concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toutes natures recouvrées par l'administration des douanes échappe au champ d'application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tant en son volet civil que pénal.

17. Il résulte de ce qui précède que, indépendamment de l'adoption de la loi du 27 mai 2014, les agents de l'administration des douanes, lorsqu'ils n'agissent pas en qualité d'agents de la douane judiciaire, tiennent des dispositions de l'article 334 la faculté de recueillir des personnes concernées par leurs contrôle et enquête, en dehors de toute mesure de contrainte et dans le respect du principe des droits de la défense, les renseignements et déclarations, spontanées ou en réponse aux questions posées, en lien avec l'objet de leurs contrôle et enquête.

18. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les auditions critiquées ont été réalisées sans exercice d'une quelconque contrainte sur les personnes entendues qui représentaient la société, que toutes ont accepté de répondre et que les réponses apportées aux questions posées par les agents des douanes ont été consignées dans les procès-verbaux de constat, sans observation des intéressés après leur relecture et signature.

19. La cour d'appel, devant laquelle le lien des auditions avec l'objet du contrôle n'était pas contesté, en a justement déduit qu'agissant sur le fondement de l'article 334 du code des douanes, dans le respect des droits de la défense, sans contrainte, les agents de l'administration des douanes avaient valablement recueilli les déclarations des personnes mandatées à cet effet par la société contrôlée.

20. Les griefs du moyen, contraires à ce qui est énoncé aux points 14 à 17, sont inopérants.

21. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

22. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour être régulière, la prise en compte du montant d'une dette douanière, c'est-à-dire son inscription dans les registres comptables, doit être préalable à la communication du montant de ces droits au débiteur et que c'est la date renseignée sur le courrier communiquant les droits qui importe et non pas celle de sa réception par le débiteur ; qu'en l'espèce, il est constant que les droits de douane de la société Adisseo ont été inscrits dans le registre comptable le 16 octobre 2012 alors que l'avis de résultat d'enquête communiquant le montant des droits de douane est daté du 15 octobre 2012 ; que pour juger que la prise en compte de la dette douanière était antérieure à sa communication, la cour d'appel a retenu que l'avis de résultat d'enquête avait été reçu par la société Adisseo le 17 octobre 2012 ; qu'en statuant ainsi lorsque la date de communication des droits est celle mentionnée sur l'avis adressé au débiteur et non la date de réception de cet avis, la cour d'appel a violé les articles 217 et 221 du code des douanes communautaire dans leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

23. Selon l'article 217 du règlement (CEE) n° 2913/92 du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire modifié par le règlement CE n° 2700/2000 du 16 novembre 2000, alors applicable, le droit à l'importation doit être calculé par les autorités douanières dès que celles-ci disposent des éléments nécessaires et faire l'objet d'une inscription par ces autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu.

24. Il résulte de l'article 221 du même code que le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte par l'administration des douanes.

25. La Cour de justice de l'Union européenne juge que la prise en compte qui consiste en l'inscription du montant des droits, par les autorités douanières, dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, doit nécessairement précéder la communication au débiteur du montant des droits à l'importation et qu'un tel déroulement chronologique des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits doit être respecté sous peine de générer des différences de traitement entre les redevables et de nuire au fonctionnement harmonieux de l'union douanière (arrêt du 23 février 2006, Molenbergnatie, C-201/04, point 47).

26. Elle juge également que, si la méconnaissance de l'article 221, paragraphe 1, du code des douanes communautaire par les autorités douanières d'un État membre peut faire obstacle au recouvrement du montant des droits légalement dus ou à la perception d'intérêts de retard, une telle méconnaissance n'a aucune conséquence sur l'existence de ces droits (arrêt du 20 octobre 2005, Transport Maatschappij Traffic, C-247/04, point 28) et que les autorités douanières conservent la faculté de procéder à une nouvelle communication de ce montant dans le respect des conditions prévues au même texte et des règles de prescription en vigueur à la date à laquelle la dette douanière a pris naissance (ordonnance du 9 juillet 2008, Gerlach, C-477/07, point 30).

27. Il en résulte que, lorsque l'administration des douanes communique une dette douanière dans un avis de résultat d'enquête, qui, en application de l'article 67 A du code des douanes, vaut document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée, elle doit nécessairement, pour que la dette soit exigible, l'avoir prise en compte au préalable. Néanmoins, si cette dette a été prise en compte postérieurement à l'avis de résultat d'enquête mais préalablement à un acte la communiquant de nouveau au redevable, tel un procès-verbal de notification d'infraction, celui-ci régularise la communication de la dette douanière au redevable.

28. Si l'arrêt constate que la dette a été inscrite dans le « registre de prise en compte, de communication de la dette douanière et de mise en oeuvre du droit d'être entendu » pour un montant de 585 532 euros le 16 octobre 2012 et que l'avis de résultat d'enquête informant la société du montant des droits éludés est daté de la veille, il relève par ailleurs qu'un montant identique de droits éludés lui a été communiqué par notification d'un procès-verbal d'infraction daté du 10 décembre 2012.

29. Il en résulte que la communication a été régularisée postérieurement à la prise en compte de la dette douanière.

30. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

31. Le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Adisseo France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adisseo France et la condamne à payer au ministre de l'action et des comptes publics, la direction générale des douanes et des droits indirects et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières la somme globale de 4 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcée par le premier président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre mixte
Numéro d'arrêt : M2400294
Date de la décision : 29/03/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

DOUANES - Droits - Recouvrement - Prise en compte et communication - Communication précédée de la prise en compte - Régularisation

DOUANES - Procès-verbaux - Procès-verbaux de constat - Déclarations - Recueil - Condition

Il résulte de l'article 221 du code des douanes communautaire que le montant des droits doit être communiqué au débiteur dès qu'il a été pris en compte par l'administration des douanes et que, pour être recouvrés par la voie de l'avis de mise en recouvrement, les droits qui en font l'objet doivent avoir été régulièrement communiqués au débiteur. La Cour de justice de l'Union européenne juge que la prise en compte, qui consiste en l'inscription du montant des droits par les autorités douanières, doit nécessairement précéder la communication au débiteur du montant des droits à l'importation (CJUE, arrêt du 23 février 2006, Molenbergnatie, C-201/04, point 47). Elle juge également que la méconnaissance du déroulement chronologique des opérations de prise en compte et de communication n'a aucune conséquence sur l'existence de ces droits (CJUE, arrêt du 20 octobre 2005, Transport Maatschappij Traffic, C-247/04, point 28) et que les autorités douanières conservent la faculté de procéder à une nouvelle communication de ce montant dans le respect des conditions prévues au même texte (ordonnance du 9 juillet 2008, Gerlach, C-477/07, point 30). Il en résulte que lorsque la dette a été prise en compte postérieurement à l'avis de résultat d'enquête qui la communique au redevable, cette communication peut être régularisée, pour un même montant, par un autre acte, tel un procès-verbal de notification d'infractions


Références :

Sur le numéro 1 : Articles 221 et 334 du code des douanes.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 janvier 2021

N1 N2 Sur la prise en compte et la communication du montant des droits par l'administration douanière, cf : CJUE, 20 octobre 2005, Transport Maatschappij Traffic, C-247/04 ;

CJUE, 23 février 2006, Molenbergnatie, C-201/04 ;

CJUE, ordonnance du 9 juillet 2008, Gerlach, C-477/07.


Publications
Proposition de citation : Cass. ch. mixte., 29 mar. 2024, pourvoi n°M2400294


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (premier président)
Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:M2400294
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