LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 mai 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 453 F-D
Pourvoi n° B 22-21.479
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 MAI 2024
La société Air France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-21.479 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à Mme [W] [D] épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Air France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [D] épouse [Z], après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2022), Mme [D] épouse [Z] a été engagée en qualité de stagiaire hôtesse de l'air à compter du 9 février 1987 par la société Air Inter. A la suite de la fusion entre les sociétés Air Inter et Air France, la salariée a intégré la société Air France (la société). Elle occupait en dernier lieu le poste de chef de cabine principal.
2. Victime d'un accident du travail le 8 avril 2014, la salariée a été déclarée définitivement inapte à exercer sa profession de navigante comme personnel navigant commercial par le comité médical de l'aéronautique (CMAC) le 19 décembre 2014.
3. Elle a été licenciée le 12 février 2015 « suite à sa décision de ne pas solliciter un reclassement au sol, à la suite de la perte de sa licence pour inaptitude définitive prononcée par le CMAC le 17 décembre 2014. »
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à verser à l'intéressée diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel d'indemnité légale doublée, de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, alors :
« 1° / que le médecin du travail n'a pas à se prononcer sur l'inaptitude d'un salarié à exercer ses fonctions de personnel navigant commercial, lorsque l'inaptitude a été constatée par une décision définitive et objective du conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) qui s'impose tant au salarié qu'à l'employeur et qui interdit la poursuite des fonctions en raison de la perte de licence consécutive à l'inaptitude constatée ; que la cour d'appel qui a relevé que par décision du 17 décembre 2014, le CMAC a déclaré Mme [Z] inapte définitivement à exercer ses fonctions d'hôtesse et qu'elle a refusé de bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol, a cependant considéré qu'il appartenait à la société Air France de solliciter le médecin du travail afin qu'il puisse se prononcer sur l'inaptitude de la salariée et que l'absence de consultation du médecin du travail, rendait la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 et les articles L. 6511-4 et L. 6521-6 du code des transports ;
2°/ que l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement ni de consulter les délégués du personnel sur d'éventuelles possibilités de reclassement lorsque le salarié, déclaré définitivement inapte à exercer ses fonctions de personnel navigant commercial par le CMAC, refuse d'être reclassé dans un emploi au sol ; qu'en considérant, pour dire le licenciement abusif, que la société Air France aurait dû consulter les délégués du personnel sur des possibilités de reclassement et procéder à des recherches de reclassement, alors qu'elle relevait que Mme [Z], déclarée inapte définitivement à exercer ses fonctions d'hôtesse par le CMAC, a refusé de bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol, ce dont il résultait que l'employeur n'avait ni à consulter les délégués du personnel, ni à procéder à des recherches de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012. »
Réponse de la Cour
6. La cour d'appel a exactement décidé que les dispositions spéciales du code de l'aviation civile et du code des transports prévoyant la compétence du CMAC pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique n'ont pas le même objet que les dispositions d'ordre public du code du travail, de sorte que le médecin du travail doit se prononcer sur l'inaptitude du salarié.
7. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme en net à titre de rappel d'indemnité légale doublée, alors « que le salarié licencié à raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail à droit à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail, aux termes duquel les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail ; qu'il en résulte que le montant de l'indemnité spéciale est exprimé en mois de salaire brut ; qu'à supposer même que la société Air France ait pu être condamnée au paiement d'une indemnité spéciale de licenciement, la cour d'appel a condamné la société Air France à verser à Mme [Z] la somme de 42.289 euros nets à titre de rappel d'indemnité légale doublée ; qu'en statuant ainsi, alors que la salariée ne pouvait prétendre qu'à une indemnité spéciale de licenciement dont le montant devait être exprimé en brut, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail et l'article L. 1234-9 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-14 du code du travail, L. 1234-9 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et L. 241-2 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 :
9. Selon le dernier de ces textes, les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail intervenant à l'initiative de l'employeur sont assujetties aux cotisations sociales dès lors qu'elles constituent une rémunération imposable en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
10. Il en résulte que l'indemnité compensatrice versée en application de l'article L. 1226-14 du code du travail aux salariés licenciés pour inaptitude à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, nonobstant son caractère indemnitaire, est soumise à cotisations dans la mesure où, en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts, elle est assujettie à l'impôt sur le revenu.
11. L'arrêt condamne l'employeur au paiement d'une somme exprimée en montant net à titre d'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail.
12. En statuant ainsi, alors que cette indemnité devait être exprimée en montant brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur au paiement d'une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail
Enoncé du moyen
13. La société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à des congés payés ; qu'en allouant à la salariée une somme correspondant à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail et une somme au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. La salariée conteste la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté.
15. Cependant le moyen, qui est de pur droit, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
16. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
17. Après avoir dit que l'inaptitude était d'origine professionnelle et condamné l'employeur au paiement de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt condamne l'employeur à payer au salarié une somme à titre de congés payés afférents à cette indemnité.
18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
21. Il convient de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité spéciale de licenciement exprimée en montant brut et de rejeter la demande de condamnation de l'employeur aux congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail formée par la salariée.
22. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Air France au paiement des sommes de 42 289,41 euros nets au titre de rappel d'indemnité légale doublée et de 78,83 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Air France à payer à Mme [D] épouse [Z] la somme de 42 289,41 euros bruts à titre de rappel d'indemnité légale doublée ;
Déboute Mme [D] épouse [Z] de sa demande en paiement des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Condamne Mme [D] épouse [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.