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03/09/2024 | FRANCE | N°C2400881

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 septembre 2024, C2400881


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° W 23-83.394 FS-B


N° 00881




GM
3 SEPTEMBRE 2024




REJET




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 SEPTEMBRE 2024




La Caisse des dépôts e

t consignations, partie intervenante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 22 mai 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [M] [N] du chef, notamment, de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 23-83.394 FS-B

N° 00881

GM
3 SEPTEMBRE 2024

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 3 SEPTEMBRE 2024

La Caisse des dépôts et consignations, partie intervenante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 22 mai 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [M] [N] du chef, notamment, de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [M] [N], de la [1] et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Joly, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, MM. Samuel, Sottet, Coirre, Mme Hairon, conseillers de la chambre, MM. Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le tribunal correctionnel a déclaré Mme [M] [N] coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur et de refus de priorité au préjudice de Mme [G] [W], dont la constitution de partie civile a été déclarée recevable, et a renvoyé sur les intérêts civils.

3. La Caisse des dépôts et consignations (CDC), tiers-payeur, est intervenue à la procédure.

4. Prononçant sur les intérêts civils, le tribunal correctionnel a condamné Mme [N] à verser à Mme [W], agent public, certaines sommes en réparation de son préjudice et a déclaré la décision opposable à la CDC.

5. La CDC et Mme [W] ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le recours subrogatoire de la Caisse des dépôts et consignations, concernant l'allocation temporaire d'invalidité, ne s'impute pas sur le poste de déficit fonctionnel permanent, mais sur le poste d'incidence professionnelle seulement, alors :

« 2°/ que l'allocation temporaire d'invalidité servie par un organisme tiers payeur qui n'a pas vocation à réparer une perte de revenus, mais seulement les conséquences d'une invalidité subie par une victime apte à reprendre le travail, peut s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent ; qu'en ayant postulé que l'ATIACL ne pouvait être imputée sur le poste de DFP de Mme [W], puisqu'il s'agissait d'une rente d'invalidité et en s'appuyant sur la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation rendue en matière de faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

3°/ que l'ATIACL est une prestation servie à un agent de la fonction publique apte à travailler et donc à percevoir sa rémunération, mais qui subit une invalidité ; qu'en ayant dit que cette prestation ne pouvait s'imputer sur le poste de DFP de Mme [W], sans rechercher si l'avantage correspondant n'avait pas vocation à compenser le déficit fonctionnel subi par l'agent, en suite d'une invalidité ne l'empêchant pas de reprendre son poste de travail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

8. Pour rejeter la demande d'imputation de l'allocation temporaire d'invalidité versée par la CDC à Mme [W] sur le poste de préjudice de déficit fonctionnel permanent, l'arrêt attaqué énonce que cette prestation doit s'imputer prioritairement sur la part de l'indemnité compensant les pertes de gains professionnels futurs puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle.

9. Les juges ajoutent qu'il résulte de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui ne considère plus que les rentes versées à une victime d'accident du travail peuvent s'imputer sur le poste de préjudice indemnisant son déficit fonctionnel permanent, que le recours subrogatoire de la CDC ne permet pas d'imputer l'allocation temporaire d'invalidité versée à la victime sur ce poste.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.

11. D'une part, la Cour de cassation, qui décidait, depuis 2009, que la rente accident du travail indemnisait les postes de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle ainsi que celui du déficit fonctionnel permanent (2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-17.581, Bull. 2009, II, n° 155 ; Crim., 19 mai 2009, pourvoi n° 08-82.666, Bull. crim. 2009, n° 97) et qu'il en allait de même concernant l'allocation temporaire d'invalidité (2e Civ., 11 juin 2009, pourvoi n° 08-11.853, Bull. 2009, II, n° 161 ; Crim., 19 mai 2009, pourvoi n° 08-86.050, Bull. crim. 2009, n° 95 ; Crim., 17 novembre 2009, pourvoi n° 09-80.308, Bull. crim. 2009, n° 191), juge désormais que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou la pension d'invalidité ne réparent pas le déficit fonctionnel permanent (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 21-23.947 et n° 20-23.673 ; 2e Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 21-24.283, publiés au Bulletin).

12. D'autre part, le calcul de la rente accident du travail ou de la pension d'invalidité se fait, comme pour l'allocation temporaire d'invalidité, sur une base forfaitaire, de sorte qu'une distinction entre les modalités de recours des tiers payeurs selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre de ces prestations ne se justifie pas.

13. L'ensemble de ces considérations conduit à juger que l'allocation temporaire d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

FIXE à 2 500 euros la somme globale que la Caisse des dépôts et consignation devra payer aux parties représentées par la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trois septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400881
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

ACTION CIVILE

L'allocation temporaire d'invalidité versée à une victime ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Dès lors, elle ne s'impute que sur les postes de pertes des gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 22 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 sep. 2024, pourvoi n°C2400881


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400881
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