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11/09/2024 | FRANCE | N°12400558

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 septembre 2024, 12400558


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


COUR DE CASSATION






CF




______________________


QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________










Audience publique du 11 septembre 2024








NON-LIEU A RENVOI




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 558 F-D


Affaire n° Q 24-40.014








R É P

U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2024


Le premier président de la cour d'appel de Paris a trans...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

COUR DE CASSATION

CF

______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________

Audience publique du 11 septembre 2024

NON-LIEU A RENVOI

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 558 F-D

Affaire n° Q 24-40.014

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

Le premier président de la cour d'appel de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 31 mai 2024, la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 12 juin 2024, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

M. [X] [U], domicilié [Adresse 2],

D'autre part,

le préfet de Seine-et-Marne, domicilié [Adresse 1],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [U], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. [U], de nationalité marocaine, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative le 26 mai 2024 par le préfet de la Seine-et-Marne.

2. Par ordonnance du 29 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux a autorisé la prolongation de sa rétention pour une durée de vingt-huit jours.

3. M. [U] a relevé appel de cette ordonnance et, par mémoire distinct et motivé, il a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. Par ordonnance du 31 mai 2024, le premier président de la cour d'appel de Paris a transmis la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tel que modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 et interprété par la jurisprudence, portent-elles une atteinte injustifiée aux droits et libertés garanties notamment par les articles du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 34 et 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle, aux articles 1er, 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, tels que les principes de la liberté individuelle, de liberté d'aller et venir, du principe des droits de la défense, du droit à un recours juridictionnel effectif, du droit à un procès équitable ainsi que les principes d'égalité devant la loi et devant la justice ; mais également, aux principes constitutionnels ou à valeur constitutionnelle de clarté de la loi, de sécurité juridique, de prévisibilité devant la justice et devant la loi, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui commande au législateur de prémunir les sujets de droit de tous risques d'arbitraire, d'interprétation stricte de la loi, corollaire du principe de légalité :
- en ce qu'elles restreignent l'office du juge, en tant que garant de la liberté individuelle, en limitant la possibilité d'ordonner la mainlevée de la rétention administrative de l'étranger, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, que dans la seule hypothèse où il serait caractérisé que l'irrégularité de procédure constatée aurait porté "substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats",
- en ce qu'elles privent l'étranger de la garantie d'un recours utile par l'effet des restrictions édictées par les dispositions critiquées, et portent atteinte aux droits de la défense, puisque quelles que soient les irrégularités de procédure soulevées par l'avocat de l'étranger, celles-ci seront sans réelle incidence sur le sort du procès, par l'effet notamment de la notion nouvelle d'atteinte substantielle aux droits,
- en ce qu'elles n'assurent pas aux étrangers placés en rétention administrative des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables qui invoqueraient, nécessairement devant d'autres juridictions, des irrégularités de procédure identiques,
- en ce que l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne définit pas la notion d'"atteinte substantielle aux droits", ni celle d'atteinte "dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats", caractérisant par ailleurs une méconnaissance du législateur de l'étendue de sa compétence ».

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. La disposition contestée, modifiée par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, détermine les conséquences des violations des exigences de forme prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles en matière de rétention administrative, lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi d'une demande sur ce motif ou relève d'office une irrégularité. Elle prévoit que celui-ci ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque cette irrégularité a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats et est applicable au litige.

6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. Cependant, la question posée ne présente pas un caractère sérieux :

8. En effet, en premier lieu, si cette disposition n'autorise le juge à prononcer une mainlevée du placement ou du maintien en rétention que s'il constate que l'irrégularité en cause a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats, elle n'attente pas à son office de gardien de la liberté individuelle, appréciant souverainement si une telle atteinte aux droits de l'étranger a été portée et n'a pu être régularisée, et au droit de celui-ci à un recours juridictionnel effectif ou encore aux droits de la défense.

9. En deuxième lieu, cette disposition, ne donnant pas aux étrangers placés en rétention administrative des garanties moindres que celles apportées aux autres justiciables, ne porte pas davantage atteinte au principe d'égalité devant la loi et la justice.

10. En troisième lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut en elle-même être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

11. En dernier lieu, l'exigence cumulative d'une atteinte substantielle aux droits de l'étranger et d'une absence de régularisation avant la clôture des débats n'est pas source d'insécurité juridique et ne caractérise pas une méconnaissance du législateur de l'étendue de sa compétence.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre et signé par lui et Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400558
Date de la décision : 11/09/2024
Sens de l'arrêt : Qpc seule - non-lieu à renvoi au cc

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mai 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 sep. 2024, pourvoi n°12400558


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400558
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