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11/09/2024 | FRANCE | N°42400467

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 septembre 2024, 42400467


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


MB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 septembre 2024








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 467 F-D


Pourvoi n° U 22-10.225








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E




_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________

_________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 SEPTEMBRE 2024


Mme [U] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-10.225 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2021 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

MB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 septembre 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 467 F-D

Pourvoi n° U 22-10.225

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

Mme [U] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-10.225 contre l'arrêt rendu le 18 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Step finances, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Step finances, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 2021) et les productions, Mme [L] a apporté à des sociétés en participation, créées au sein de deux programmes de défiscalisation conçus par les société DOM-TOM défiscalisation (la société DTD) et Erivam qui lui avaient été présentés par la société Step finances, des fonds destinés à l'acquisition de centrales photovoltaïques, leur installation et leur location à des sociétés d'exploitation situées outre mer, puis elle a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu des années 2008, 2009 et 2011, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, des réductions d'impôt du fait de ces investissements.

2. L'administration fiscale ayant remis en cause ces réductions d'impôt, Mme [L], soutenant que la société Step finances avait manqué à ses obligations, l'a assignée en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur première branche, réunis

Enoncé du moyen

4. Mme [L] fait grief à l'arrêt, s'agissant du produit DTD, de rejeter ses demandes formées à l'encontre de la société Step Finances, alors « que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à l'égard de son potentiel client d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du produit qu'il lui propose ; que le conseil en gestion de patrimoine doit présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés, ainsi que des risques afférents ; que, pour dire que la société Step Finances justifiait s'être acquittée de son obligation d'information à l'égard des investisseurs, la cour d'appel a retenu (arrêt, p. 6) qu'eu égard aux relations anciennes existant entre la société Step Finances et Mme [L], celle-ci disposait des compétences lui permettant de comprendre le mécanisme de l'opération DTD, et que la société Step Finances lui avait remis un dossier de souscription qui l'informait "du mécanisme consistant pour la société DTD, monteur, d'acquérir pour le compte de SEP du matériel photovoltaïque neuf destiné à être loué pendant cinq années à des locataires éligibles aux dispositions de la loi Girardin. L'investissement devait être réalisé avant le 31 décembre de l'année considérée. L'opération DTD répondait aux conditions posées par la loi Girardin" (arrêt, p. 6, 8ème §) ; que la cour d'appel a considéré que "si le dossier mettait l'accent sur la garantie offerte, la documentation remise rappelait que l'opération relevait des dispositions de l'article 199 undecies B et D du CGI" et qu'"elle n'occultait pas les risques inhérents à ce type d'opération. Il était précisé qu'en cas de non-respect des exigences fiscales le contribuable perdait les fonds apportés. Il ressort de ces éléments que la société Step Finances a décrit l'opération de manière exacte et complète" ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à établir que les informations fournies à Mme [L] faisaient clairement et loyalement état des risques de l'opération de défiscalisation, ce que contestait l'exposante qui soulignait en particulier (ses conclusions d'appel, p. 42) que les documents qui lui avaient été remis préalablement à la souscription du produit DTD ne développaient pas suffisamment le risque lié à l'opération proposée et qu'en particulier, le dossier de présentation indiquait que "l'objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la loi Paul-Girardin Industrielle", ce qui était de nature à tromper l'investisseur sur le risque de perte en capital et de non obtention de la réduction fiscale, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 (désormais 1103 et 1231-1) du code civil ;

5. Mme [L] fait les mêmes griefs à l'arrêt, s'agissant du produit Erivam, alors « que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à l'égard de son potentiel client d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du produit qu'il lui propose ; que le conseil en gestion de patrimoine doit présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés, ainsi que des risques afférents ; qu'en écartant toute responsabilité de la société Step Finances au titre de la commercialisation du produit Erivam, après avoir pourtant retenu que le dossier Erivam ne présentait que les conditions requises par la législation fiscale pour bénéficier de la réduction d'impôt annoncée mais ne mettait pas en évidence les risques de perdre l'avantage et de faire face à des redressements (arrêt attaqué, p. 8,7ème §), que Mme [L] ne pouvait « nier le fait qu'elle était parfaitement informée des risques de remise en cause des avantages fiscaux, compte tenu de ses précédents investissements outre-mer bénéficiant du régime de défiscalisation "Girardin", qu'elle a souscrits depuis 2004", et qu'ainsi, elle était "mal fondée à soutenir qu'elle ne pouvait avoir connaissance du risque fiscal encouru en souscrivant à cette opération qui relève des mêmes conditions" (Ibid., 8ème §), quand l'exécution par la société Step Finances de son obligation d'information devait être appréciée au regard des caractéristiques propres au produit Erivam, et en particulier au regard des risques impliqués par la souscription du produit mis en oeuvre par cette société, la cour d'appel a violé l'article 1147 (désormais 1231-1) du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

6. Il résulte de ce texte que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l'égard de l'investisseur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés.

7. Pour rejeter, en premier lieu, toute responsabilité de la société Step finances au titre de la commercialisation du produit DTD, l'arrêt relève que celle-ci a présenté à Mme [L] un dossier de souscription l'informant du mécanisme consistant pour la société DTD, monteur, à acquérir pour le compte de SEP du matériel photovoltaïque neuf destiné à être loué pendant cinq années à des locataires éligibles aux dispositions de la loi Girardin, que l'investissement devait être réalisé avant le 31 décembre de l'année considérée et que l'opération DTD répondait aux conditions posées par la loi Girardin, que si le dossier mettait l'accent sur la garantie offerte, la documentation n'occultait pas les risques inhérents à ce type d'opération et précisait qu'en cas de non-respect des exigences fiscales le contribuable perdait les fonds apportés.

8. Pour écarter, en second lieu, toute responsabilité de la société Step Finances au titre de la commercialisation du produit Erivam, l'arrêt relève que si le dossier Erivam ne présentait que les conditions requises par la législation fiscale pour bénéficier de la réduction d'impôt annoncée sans mettre en évidence les risques de perdre l'avantage et de faire face à des redressements, Mme [L] ne pouvait cependant nier le fait qu'elle était parfaitement informée des risques de remise en cause des avantages fiscaux, compte tenu de ses précédents investissements outre-mer bénéficiant du régime de défiscalisation "Girardin", souscrits depuis 2004.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les informations fournies faisaient clairement et complètement état des risques des opérations de défiscalisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rectifie l'erreur matérielle entâchant le dispositif du jugement déféré, l'arrêt rendu le 18 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Step Finances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Step finances et la condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400467
Date de la décision : 11/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 octobre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 sep. 2024, pourvoi n°42400467


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Cabinet Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400467
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