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11/09/2024 | FRANCE | N°52400871

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 septembre 2024, 52400871


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 septembre 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 871 F-D


Pourvoi n° X 23-11.658






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISr> _________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024


La société Flab Prod, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 septembre 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 871 F-D

Pourvoi n° X 23-11.658

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 SEPTEMBRE 2024

La société Flab Prod, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 23-11.658 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [V] [J], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Flab Prod, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 26 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 janvier 2023), Mme [J] a été engagée le 6 septembre 2011 par la société Flab Prod (la société) en qualité d'assistante comptable. Au dernier état de la relation de travail, elle était assistante de direction.

2. Elle a été licenciée pour faute grave le 27 juillet 2018.

3. Soutenant avoir subi un harcèlement moral et imputant à son employeur un manquement à son obligation de sécurité, elle a saisi la juridiction prud'homale le 28 juin 2019, aux fins de juger son licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser diverses sommes à ce titre.

Examen des moyens

Sur le deuxième et le troisième moyens, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de dire que la société n'a pas respecté son obligation de sécurité et de la condamner à payer à la salariée une certaine somme à ce titre

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de juger qu'il n'y a pas lieu, hormis la pièce n° 100, d'écarter des débats les autres pièces énumérées à cette fin par la société, soit les pièces n° 40 à 48, 55 et 67-1 à 67-5 produites par la salariée, alors « qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que les courriels produits n'étaient pas destinés à la salariée et supposaient, pour être lus, l'utilisation de mots de passe et identifiants internet de différents collaborateurs de l'entreprise auxquels la salariée n'avait pas accès dans l'exercice de ses fonctions ; que la cour d'appel ne pouvait, pour admettre la recevabilité de ces éléments de preuve, se borner à affirmer que ces pièces ne portaient qu'une atteinte limitée à la vie personnelle et au secret des correspondances et que leur production était nécessaire à l'établissement d'une présomption de harcèlement moral, sans apporter de précision sur la mesure effectuée, tant des limites de l'atteinte ainsi admise à la vie personnelle et au secret des correspondances, que du caractère indispensable de cette production à l'exercice par la salariée de ses droits ainsi que de la proportionnalité de l'atteinte au but poursuivi ; qu'à défaut d'avoir procédé à cette recherche, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 9 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code de procédure civile :

6. Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

7. Pour dire n'y avoir lieu d'écarter des débats, hormis la pièce n° 100, les autres pièces énumérées à cette fin par la société, l'arrêt constate que la salariée, qui était assistante de direction, a obtenu un document contenant les mots de passe des messageries des salariés de la société qui lui a permis de récupérer une partie des courriels produits et qu'elle aurait obtenu les messages échangés en son absence d'une personne dont elle refuse de dévoiler l'identité. Il retient que les conditions dans lesquelles la salariée a obtenu les pièces sont énigmatiques, mais qu'elles ne portent qu'une atteinte limitée à la vie personnelle et au secret des correspondances et que leur production est nécessaire à l'établissement des éléments de fait laissant supposer l'existence du harcèlement moral « au demeurant discriminatoire » invoqué, tous éléments soumis à la contradiction de l'employeur par l'apport de ses propres éléments de preuve.

8. En statuant ainsi, sans caractériser que la production de ces pièces était indispensable à la présentation, par la salariée, d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, ni que l'atteinte aux droits à la vie personnelle des salariées concernées, dont elle avait constaté que l'une d'elles avait porté plainte, était proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant n'y avoir lieu d'écarter, hormis la pièce n° 100, les autres pièces énumérées par la société produites par la salariée, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt disant n'y avoir lieu d'écarter, hormis la pièce n° 100, les autres pièces énumérées par la société produites par la salariée, entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant la société à payer certaines sommes à la salariée à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement nul, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte des débats la pièce n°100 et condamne la société Flab Prod aux dépens et à payer à Mme [J] les sommes de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité et de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne Mme [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400871
Date de la décision : 11/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 sep. 2024, pourvoi n°52400871


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400871
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