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11/09/2024 | FRANCE | N°C2400966

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 septembre 2024, C2400966


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° K 23-82.717 F-D


N° 00966




GM
11 SEPTEMBRE 2024




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 SEPTEMBRE 2024




Le

procureur général près la cour d'appel de Nancy, MM. [U] [X], [L] [G] et Mme [I] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2023, qui, pour attroupement, a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° K 23-82.717 F-D

N° 00966

GM
11 SEPTEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 11 SEPTEMBRE 2024

Le procureur général près la cour d'appel de Nancy, MM. [U] [X], [L] [G] et Mme [I] [K] ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 26 janvier 2023, qui, pour attroupement, a condamné les trois dernières personnes citées à quatre mois d'emprisonnement avec sursis.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. [U] [X], [L] [G] et Mme [I] [K], les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de MM. [D] [P], [O] [B] et Mme [N] [T], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Une information a été ouverte pour des infractions en lien avec des actions d'opposition à l'installation d'un site d'expérimentation de déchets radioactifs.

3. Par ordonnance du 8 avril 2021, le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel MM. [X], [G] et Mme [K] pour attroupement.

4. Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal correctionnel les a déclarés tous les trois coupables et a prononcé des condamnations à leur encontre.

5. Ces prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les moyens proposés par le procureur général

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour MM. [X], [G] et Mme [K]

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré MM. [X], [G] et Mme [K] coupables des faits de participation sans arme à un attroupement après sommation de se disperser, alors :

« 5°/ que l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; qu'en s'abstenant de motiver sa décision, par une réponse à l'articulation essentielle des conclusions déposées à l'audience, sur le point de savoir si les poursuites ainsi engagées ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression des prévenus, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale :

8. Il résulte du premier de ces textes que toute personne a droit à la liberté d'expression, et que l'exercice de cette liberté peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale.

9. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

10. Ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause (Crim., 26 octobre 2016, pourvoi n° 15-83.774, Bull. crim. 2016, n° 278 ; Crim., 26 février 2020, pourvoi n° 19-81.827, publié au Bulletin).

11. Pour déclarer les prévenus coupables de participation à un attroupement, l'arrêt attaqué énonce que les prévenus sont restés sur les lieux et ont continué de manifester après les sommations de dispersion dont la réalité résulte des éléments du dossier et des déclarations des membres des forces de l'ordre.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si l'incrimination pénale des comportements poursuivis ne constituait pas, en l'espèce, une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression des prévenus, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

13. La cassation est donc encourue de ce chef, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à MM. [X], [G] et Mme [K]. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par le procureur général :

DÉCLARE les pourvois NON ADMIS ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 800-2 du code de procédure pénale ;

Sur les pourvois formés par MM. [X], [G] et Mme [K] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 26 janvier 2023, mais en ses seules dispositions concernant MM. [X], [G] et Mme [K], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2400966
Date de la décision : 11/09/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 26 janvier 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 sep. 2024, pourvoi n°C2400966


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2400966
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