LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 491 F-D
Pourvois n°
K 22-18.451
W 22-22.049 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
La société Crédit mutuel aménagement foncier, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée CM-CIC aménagement foncier, a formé les pourvois n° K 22-18.451 et W 22-22.049 contre un arrêt rendu le 3 mai 2022 par la cour d'appel de Pau, (1re chambre civile), dans les litiges l'opposant respectivement :
1°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Crédit mutuel aménagement foncier, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, le pourvoi n° K2218451 et le pourvoi n° W2222049 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 mai 2022), pour les besoins de son activité de lotisseur, la société Landes aménagement, aux droits de laquelle vient la société Crédit mutuel aménagement foncier, anciennement dénommée la société CM-CIC aménagement foncier (la société), a acquis les 9 novembre 2007, 27 novembre 2007 et 18 juin 2008, trois terrains situés sur la commune de Parentis-en-Born (40) en vue d'y réaliser un lotissement composé d'habitations individuelles.
3. Ces acquisitions ont été soumises à la TVA sur le prix de vente et exonérées de taxe de publicité foncière et de droit d'enregistrement, en contrepartie de l'engagement pris par la société de construire des immeubles neufs dans un délai de quatre ans en vertu de l'article 1594-0 G du code général des impôts.
4. Le 28 juin 2013, la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a abouti à une proposition de rectification, motivée par le défaut de respect de l'engagement de construire, portant sur 33 des 72 lots, et, à l'issue de la procédure contradictoire, un rappel de droits d'enregistrement a été prononcé pour un total de 58 112 euros, intérêts de retard compris.
5. A la suite du rejet, le 25 juillet 2017, de sa réclamation, la société a assigné l'administration fiscale aux fins de décharge des impositions complémentaires mises à sa charge au titre des droits d'enregistrement et d'annulation de la décision de rejet.
Examen des moyens
Sur les moyens, pris en leur deux branches, des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
6. La société Crédit mutuel aménagement foncier fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant, notamment, à ce que soit annulée la décision de rejet de sa réclamation en date du 25 juillet 2007 et à ce que les impositions complémentaires mises à sa charge au titre des droits d'enregistrement à hauteur de 57 442 euros soient déclarées non fondées, alors :
« 1°/ que lorsque l'acquéreur d'un terrain a initialement entendu bénéficier de l'exonération de droits d'enregistrement prévue par les dispositions de l'article 1594-0 G du code général des impôts en vigueur en 2007 et 2008, puis a finalement voulu y substituer le régime résultant des dispositions de l'article 1115 du même code, la documentation administrative de base référencée 8 A 1141 en date du 15 novembre 2001 précise que "Ce changement de régime ne donne lieu, par ailleurs, à aucune formalité particulière (cf. DB 8 A 45)" ; que la société Crédit mutuel aménagement foncier faisait valoir dans ses conclusions d'appel que cette documentation était opposable à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de sorte qu'elle pouvait substituer le régime prévu par l'article 1115 du code général des impôts à celui prévu par l'article 1594-0 G du code général des impôts sans avoir à le signaler à l'administration fiscale ; qu'en se fondant, pour juger les redressements fondés, sur le fait que la documentation de base 8 A 45 du 15 novembre 2001 ne prévoyait pas que la substitution de texte appliqué serait automatique et qu'il incombait au contribuable de mettre en oeuvre la faculté de substitution correspondante, sans répondre aux conclusions invoquant la documentation de base 8 A 1141, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que, en tout état de cause, lorsque l'acquéreur d'un terrain a initialement entendu bénéficier des dispositions de l'exonération de droits d'enregistrement prévue par les dispositions de l'article 1594-0 G du code général des impôts en vigueur, puis a finalement voulu y substituer le régime résultant des dispositions de l'article 1115 du même code, la documentation administrative de base référencée 8 A 1141 en date du 15 novembre 2001 précise que "Ce changement de régime ne donne lieu, par ailleurs, à aucune formalité particulière (cf. DB 8 A 45)" ; que la cour d'appel, à supposer qu'elle soit regardée comme ayant examiné les conclusions invoquant cette documentation, pour les écarter, doit être considérée comme ayant violé l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'il résultait clairement de cette documentation que le bénéfice du changement de régime n'était soumis à aucune formalité, de sorte que la société n'avait pas à mettre en oeuvre formellement la possibilité de substituer un fondement à l'autre. »
Réponse de la Cour
7. Après avoir à bon droit énoncé qu'il ne résulte pas de la lecture de la documentation de base référencée 8 A 45 dont la société CM-CIC aménagement foncier se prévalait que la substitution d'un engagement de revendre à un engagement de construire soit automatique, dès lors qu'il y est expressément précisé que le marchand de biens ou le lotisseur peut demander le bénéfice de l'article 1115 du code général des impôts, en sorte qu'il s'agit d'une faculté qu'il lui incombe de mettre en oeuvre, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ces énonciations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que les impositions complémentaires au titre des rappels de droits d'enregistrement et des intérêts de retard mises à la charge de la société CM-CIC aménagement foncier étaient fondées.
8. Les moyens ne sont donc pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit mutuel aménagement foncier aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit mutuel aménagement foncier et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.