LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 septembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 500 F-D
Pourvoi n° F 22-13.019
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 SEPTEMBRE 2024
1°/ Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ le directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° F 22-13.019 contre l'arrêt n° RG 19/03362 rendu le 19 octobre 2021 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige les opposant à M. [J] [Y], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [Y], et l'avis de Mme Guéguen, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 octobre 2021), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. [Y] a joint à ses déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa Avenir PME certifiant qu'il avait investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.
2. Considérant que la SAS Finaréa Avenir PME n'avait pas cette qualité, de sorte que M. [Y] ne pouvait prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification.
3. Après rejet de sa réclamation contentieuse, M. [Y] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de La Rochelle du 26 août 2019 en ce qu'il a prononcé la nullité de la procédure diligentée contre M. [Y] et l'a déchargé des rehaussements prononcés, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales que l'administration est tenue, avant la mise en recouvrement, de communiquer au contribuable qui en fait la demande une copie des documents sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition mise à sa charge ; que cette disposition ne vise que les documents sur lesquels l'administration se fonde pour établir un redressement ; qu'en ne relevant pas que l'administration avait satisfait à son obligation de communication des documents qui ont fondé les rappels, après avoir constaté que le courrier du 4 juillet 2013 adressé par l'administration faisait état de la communication de quatre documents, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
2°/ qu'il résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales que l'administration est tenue, avant la mise en recouvrement, de communiquer au contribuable qui en fait la demande une copie des documents sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition mise à sa charge ; que cette disposition ne vise que les documents sur lesquels l'administration se fonde pour établir un redressement ; qu'en jugeant, par motifs adoptés des premiers juges, que l'administration n'a pas donné une liste détaillée des documents comptables obtenus lors du contrôle de la société Finaréa Avenir PME, ni les résultats précis de ce contrôle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
5. Selon ce texte, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.
6. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration fiscale que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.
7. Ce texte n'impose pas à l'administration fiscale de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.
8. Pour rejeter les demandes de l'administration fiscale, l'arrêt relève que celle-ci n'avait pas donné au contribuable une liste détaillée des documents comptables obtenus lors du contrôle de la société Finaréa Avenir PME, ni les résultats précis de ce contrôle, sur lesquels elle se fondait pour procéder au rehaussement contesté. Il ajoute que les indications données, insuffisamment précises et explicites, ne permettaient pas au contribuable d'avoir accès aux informations prises en compte par l'administration afin d'en discuter utilement le bien-fondé et que la seule circonstance que certaines des informations recueillies étaient accessibles ne libérait pas l'administration de son obligation d'indiquer l'origine, la nature et la teneur de celles qu'elle entendait utiliser pour procéder à une rectification.
9. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la liste détaillée des documents comptables obtenus lors du contrôle de la société Finaréa Avenir PME, ni les résultats précis de ce contrôle avaient été utiles pour fonder le redressement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Y] et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du Directeur général des finances publiques, la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.