LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 24-90.010 F-D
N° 01283
25 SEPTEMBRE 2024
MAS2
QPC PRINCIPALE : NON LIEU À RENVOI AU CC
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 SEPTEMBRE 2024
Le tribunal correctionnel de Bergerac, par jugement en date du 2 juillet 2024, reçu le 9 juillet 2024 à la Cour de cassation, a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité dans la procédure suivie contre M. [J] [W] du chef de conduite après usage de stupéfiants.
Des observations ont été produites.
Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [J] [W], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur les deux premières questions prioritaires de constitutionnalité
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 235-1 du code de la route, qui incriminent et répriment la conduite d'un véhicule lorsqu'il a été fait usage de stupéfiants, et non lorsque la personne est sous l'influence des effets psychotropes actuels d'un produit stupéfiant, ne méconnaissent-elles pas le principe de la liberté individuelle, et à travers elle le principe de la liberté d'aller et de venir, protégées par les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce que la limitation induite n'est ni adaptée, ni justifiée, ni proportionnée à l'objectif de protection des atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à l'intégrité physique des personnes, fixé par le législateur ? »
2. La deuxième question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l'article L. 235-1 du code de la route ne méconnaissent-elles pas le principe d'égalité devant la loi protégé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au regard du traitement répressif de la·conduite en état d'imprégnation alcoolique ? »
3. La disposition législative contestée est applicable à la procédure.
4. L'alinéa 1er du I de l'article L. 235-1 du code de la route, dans sa version issue de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, a été déclaré conforme à la Constitution par décision n° 2011-204 QPC du 9 décembre 2011 du Conseil constitutionnel.
5. Cependant, l'article L. 235-1 du code de la route, dans sa version applicable au litige, a été modifié, pour la dernière fois, par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019.
6. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
7. La première question ne présente pas un caractère sérieux.
8. En effet, il est loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour réprimer la conduite d'un véhicule lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants. A cette fin il a précisé que l'infraction est constituée dès lors que l'usage de produits ou plantes classées comme stupéfiants est établi par une analyse sanguine ou salivaire, sans qu'un taux en dessous duquel la consommation de stupéfiants serait considérée comme n'ayant pas d'incidence sur les facultés du conducteur soit défini, en cohérence avec l'interdiction générale d'usage des stupéfiants.
9. La limitation induite par cette incrimination à la liberté d'aller et venir est ainsi proportionnée au but recherché de protection de la santé et de la sécurité publique qui sont des objectifs de valeur constitutionnelle.
10. La deuxième question ne présente pas davantage un caractère sérieux.
11. En effet, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes.
12. Le conducteur ayant consommé de l'alcool, produit qui n'est frappé d'aucune interdiction, n'est pas dans la même situation que le conducteur ayant fait usage de produits stupéfiants, de sorte qu'il est loisible au législateur d'instituer des qualifications pénales différentes.
13. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
Sur la troisième question prioritaire de constitutionnalité
14. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions des articles L. 235-1 et L. 235-2 du code de la route ne méconnaissent-elles pas les droits de la défense protégés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, consacrant le principe des droits de la défense, combiné à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, consacrant le principe de la proportionnalité des peines, en ce qu'elles ne prévoient pas que la renonciation au droit de solliciter une contre-expertise toxicologique sanguine propre à établir le dosage des stupéfiants trouvés dans l'organisme s'effectuera après que la personne testée positive aux stupéfiants ait pu s'entretenir avec un avocat ou ait été mise en mesure de s'entretenir avec un avocat ? »
15. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure.
16. L'article L. 235-2 du code de la route, à l'exception de la dernière phrase de son cinquième alinéa, n'a pas été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
17. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
18. La question posée, sous couvert de la critique de dispositions législatives, ne tend qu'à discuter la conformité aux principes de valeur constitutionnelle invoqués des dispositions des articles R. 235-6 et R. 235-11 du code de la route, de nature réglementaire ne pouvant faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.
19. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.