LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 octobre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 581 F-D
Pourvoi n° M 23-15.788
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 OCTOBRE 2024
La société Restalliance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-15.788 contre l'arrêt rendu le 23 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Entreprise Guy Challancin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de la société Restalliance, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Entreprise Guy Challancin, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2023), en 2012, l'Union pour la gestion des établissements des caisses de l'Assurance Maladie (l'UGECAM) a attribué à la société Restalliance un marché de restauration et de nettoyage dans un centre de soins.
2. Par contrat du 2 juillet 2012, la société Restalliance a sous-traité à la société Entreprise Guy Challancin (la société Challancin) plusieurs prestations.
3. Le 13 septembre 2016, la société Challancin a mis en demeure la société Restalliance de lui régler ses prestations, puis l'a assignée en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. La société Restalliance fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société Challancin la somme de 63 178,93 euros, augmentée du taux d'intérêt pratiqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points à compter de l'expiration du délai de trente jours après la date d'émission des factures, alors « que dans un contrat synallagmatique, la disparition partielle de l'objet de l'obligation d'une des parties prive partiellement de cause l'obligation de l'autre partie ; qu'il en résulte une caducité partielle du contrat ; qu'en constatant qu'un étage de l'établissement du Prieuré à Avon avait été fermé à compter du 1er août 2015 par l'UGECAM, ce qui empêchait la société Challancin d'exécuter une partie de ses prestations, et ce qui privait l'obligation de la société Restalliance d'une partie de sa cause, sans pour autant en déduire que le contrat était atteint de caducité partielle et que les deux parties étaient partiellement libérées de leurs obligations, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134, devenu, 1103, du code civil, ensemble les articles 1126 et 1131 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
6. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la société Restalliance que celle-ci ait soutenu devant la cour d'appel que la fermeture d'un étage de l'établissement aurait privé son obligation au paiement d'une partie de sa cause et entraîné la caducité partielle du contrat.
7. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est, dès lors, irrecevable.
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La société Restalliance fait le même grief à l'arrêt, alors « que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de la société Restalliance, si la mise en place d'un paiement direct par le maître de l'ouvrage des prestations exécutées par la société Challancin n'interdisait pas à cette dernière de demander à la société Restalliance tout paiement de prestations non exécutées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »
Réponse de la Cour
9. Après avoir constaté que le contrat de sous-traitance précisait, dans son article 12, que le prix des prestations du sous-traitant serait composé d'un forfait mensuel et qu'il stipulait, à l'article 2-1, que, « [d]ans le cas où les prestations définies dans le Contrat de Restauration, de Distribution des Petits Déjeuners et de Bionettoyage et dont l'exécution est confiée au Sous-Traitant, seraient modifiées, l'Entrepreneur en informera le Sous-Traitant dans les plus brefs délais » et qu' « [u]n avenant au Contrat de Sous-Traitance sera alors conclu entre les Parties afin de déterminer les nouvelles modalités d'exécution des prestations ainsi que les répercussions financières éventuelles », l'arrêt retient que les stipulations de l'article 8 relatives aux prestations supplémentaires confortent l'obligation des parties de formaliser toute modification des prestations par la signature d'un avenant. Il relève qu'ayant été avisée par l'UGECAM qu'un étage du centre de soins serait fermé à compter du 1er août 2015, la société Restalliance a proposé à la société Challancin un avenant modifiant l'étendue des prestations convenues mais que, si un accord est intervenu dans un premier temps sur les conséquences de cette fermeture, entraînant une réduction des prestations, les parties au contrat de sous-traitance ne sont pas parvenues à signer un avenant, la société Restalliance ayant modifié d'autres prestations alourdissant la charge du sous-traitant sans l'en aviser préalablement. Il retient encore qu'en l'absence de signature d'un avenant, portant sur les modifications des prestations souhaitées par la société Restalliance et les répercussions financières en découlant, le contrat s'est poursuivi selon les modalités initiales. Il en déduit que la société Restalliance doit être condamnée à verser à la société Challancin la somme réclamée.
10. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, dès lors que la mise en place d'un paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation contractuelle au paiement du solde du prix résultant du contrat de sous-traitance, a légalement justifié sa décision de ce chef.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
11. La société Restalliance fait le même grief à l'arrêt, alors « que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en jugeant que la société Challancin n'avait pas manqué à la bonne foi au motif qu'elle pouvait refuser de signer l'avenant dès lors que le document envoyé par la société Restalliance modifiait d'autres prestations qui alourdissaient sa charge, quand, comme le soulignait la société Restalliance dans ses conclusions d'appel, sa mauvaise foi résultait également de sa demande en paiement pour des prestations qu'elle n'avait pas exécutées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1104, du code civil. »
Réponse de la Cour
12. Ayant retenu que la société Challancin n'avait pas fait preuve de mauvaise foi ou de déloyauté dans l'exécution du contrat en refusant de signer l'avenant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, dès lors que la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi n'autorise pas le juge à modifier les droits et obligations légalement convenus entre les parties, a légalement justifié sa décision de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Restalliance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Restalliance et la condamne à payer à la société Entreprise Guy Challancin la somme de 3 000 euros ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.