LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 961 F-D
Pourvoi n° X 22-20.762
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-20.762 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel d'Amiens (tarification), dans le litige l'opposant à la société [3], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 30 juin 2022), la société [3](la société), exploitant un établissement à [Localité 4], a contesté les taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, notifiés par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (la CARSAT), pour les années 2020 et 2021, sur la base des codes 74.5 BC et 74.5 BD de la nomenclature des risques, appliqués aux deux sections de l'établissement.
2. La société a saisi d'un recours la juridiction chargée du contentieux de la tarification.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La CARSAT fait grief à l'arrêt d'accueillir le recours de la société, alors « qu'il résulte de l'article D. 242-6-1 du code de la sécurité sociale que le classement d'un établissement dans une catégorie de risques professionnels est effectué en fonction de l'activité exercée selon une nomenclature des risques et des modalités fixées par arrêté ministériel ; qu'il résulte de la nomenclature visée par l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995, dans sa version applicable au litige, que le code risque 74.1 GB vise notamment les « Services divers rendus principalement aux entreprises non désignés par ailleurs » ; que ce code risque ne correspond pas aux sociétés, dont l'activité est spécifiquement identifiée, qui consiste à mettre à la disposition d'entreprises utilisatrices des salariés à temps partagé, ce qui suppose un contrat de mise à disposition entre l'entreprise à temps partagé et l'entreprise d'accueil ; qu'en jugeant pourtant que les salariés de la société, entreprise de temps partagé, étaient à juste titre classés sous le code risque 74.1 GB, la cour d'appel a violé les articles D. 242-6-1 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995. »
Réponse de la Cour
Vu les articles D. 242-6-1 du code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 17 octobre 1995, modifié, relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles, le premier dans sa rédaction issue du décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010, le second dans celle issue de l'arrêté du 15 février 2017 :
4. Selon le premier de ces textes, le classement d'un établissement dans une catégorie de risque est effectué en fonction de l'activité exercée selon la nomenclature des risques figurant en annexe du second.
5. Selon l'annexe du second de ces textes, dans sa rédaction applicable au litige, les salariés affectés à des travaux de « groupements d'employeurs. Coopératives d'activité et d'emploi. Services divers rendus principalement aux entreprises non désignées par ailleurs » portant le code risque 74.1 GB sont assujettis à une cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles au taux net de 0,8 en 2020 et de 0,9 en 2021 et les salariés relevant du « personnel permanent des entreprises de travail temporaire » portant le code risque 74.5 BC et de « toutes catégories de personnel de travail temporaire » portant le code risque 74.5 BD sont assujettis à une cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles au taux net, respectivement, de 0,9 et de 2,8.
6. Pour accueillir la demande de la société tendant à l'application du code risque 74.1 GB, l'arrêt relève que celle-ci exerce une activité de mise à la disposition d'entreprises utilisatrices de salariés à temps partagé dans le cadre des dispositions des articles L. 1252-1 et suivants du code du travail. Il retient que cette activité constitue un service aux entreprises qui bénéficient de la disposition d'un personnel qualifié qu'elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens. Il estime que cette activité ne fait l'objet d'aucun code risque spécifique et qu'elle ne se confond pas avec celle des entreprises de travail temporaire.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'activité exercée, ayant pour objet la mise à la disposition d'entreprises utilisatrices de personnel à temps partagé, n'avait pas la nature des services fournis aux entreprises qui n'incluent pas les activités liées à l'emploi visés par le code 74.1 GB, mais était assimilable à l'activité des entreprises de travail temporaire, exposant leurs salariés aux mêmes risques, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte des énonciations du paragraphe 7 que l'activité des deux sections de la société relevant, par assimilation, des codes 74.5 BC « personnel permanent des entreprises de travail temporaire » et 74.5 BD « toutes catégories de personnel de travail temporaire », il y a lieu de rejeter le recours de la société.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE le recours de la société [3] contre la décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne de refus de classement, pour les années 2020 et 2021, de l'activité de son établissement de [Localité 4] sous le code risque 74.1 GB « groupements d'employeurs. Coopératives d'activité et d'emploi. Services divers rendus principalement aux entreprises non désignées par ailleurs » et de maintien des codes risque 74.5 BC « personnel permanent des entreprises de travail temporaire » et 74.5 BD « toutes catégories de personnel de travail temporaire » aux deux sections de l'établissement de la société ;
Condamne la société [3] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel d'Amiens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société [3] tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel d'Amiens et la condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.