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23/10/2024 | FRANCE | N°12400555

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 octobre 2024, 12400555


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 23 octobre 2024








Rejet




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 555 FS-D


Pourvoi n° G 23-13.738














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____

_____________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024


L'association Union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-13.738...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 octobre 2024

Rejet

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 555 FS-D

Pourvoi n° G 23-13.738

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024

L'association Union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-13.738 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Valve Corporation, société de droit américain,

2°/ à la société Valve Corporation, société de droit américain, venant aux droits de la société Valve Sarl,

dont le siège est [Localité 1] (États-Unis),

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'association Union fédérale des consommateurs - Que choisir, de la SCP Spinosi, avocat de la société Valve Corporation, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes de Cabarrus, Dumas, Feydeau-Thieffry, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 octobre 2022), la société de droit américain Valve Corporation propose, via la plate-forme « Steam », un service de distribution en ligne de contenus numériques comme des jeux vidéo, développés par elle ou des tiers, des logiciels, des films et des séries télévisées téléchargeables sur l'ordinateur de l'utilisateur, ainsi que des services associés tels que des fonctions permettant d'échanger avec d'autres internautes, de participer à des jeux avec plusieurs joueurs et d'acquérir du matériel informatique, notamment des manettes de jeux.

2. Pour utiliser cette plate forme, les souscripteurs doivent télécharger un logiciel et accepter l' « Accord de souscription Steam ».

3. La mise à disposition en ligne des jeux vidéo et des services associés a été fournie en Europe par la société Valve Sarl, société de droit luxembourgeois, filiale de la société Valve Corporation, puis par cette dernière.

4. Le 28 décembre 2015, l'association Union fédérale des consommateurs - Que choisir (l'association UFC) a assigné les sociétés Valve Sarl et Valve Corporation en constatation du caractère abusif ou illicite et en suppression de plusieurs clauses de l'Accord de souscription Steam, notamment de la clause 1 C interdisant la revente et le transfert de compte Steam et de souscriptions acquises sur la plate-forme, ainsi qu'en indemnisation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'association UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transmission d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), alors « que le logiciel d'un jeu vidéo n'est pas accessoire et relève, par sa nature, de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, et non pas de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 ; qu'en outre, s'agissant du marché des copies de jeux vidéo, ou marché de l'occasion, il n'existe aucune différence selon que la copie est faite à partir d'un support matériel ou à partir d'internet ; qu'en retenant le contraire, pour rejeter la demande de transmission de la question préjudicielle posée par l'UFC Que choisir, la cour d'appel a violé la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 et la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 ».

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que la première vente d'un ou des exemplaires matériels d'une oeuvre a été autorisée par l'auteur ou ses ayants droit sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen.

8. Cet article transpose en droit interne l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information , qui prévoit que le droit de distribution dans la Communauté relatif à l'original ou à des copies d'une oeuvre n'est épuisé qu'en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement.

9. A son considérant 28, la directive 2001/29 énonce que la protection du droit d'auteur en application de la présente directive inclut le droit exclusif de contrôler la distribution d'une oeuvre incorporée à un bien matériel. A son considérant 29, elle indique que la question de l'épuisement du droit ne se pose pas dans le cas des services, en particulier lorsqu'il s'agit de services en ligne.

10. Selon la CJUE, l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2001/29 ne laisse pas aux États membres la faculté de prévoir une règle d'épuisement autre que celle qu'elle énonce et cet épuisement s'applique à l'objet tangible dans lequel une oeuvre protégée ou sa copie est incorporée (CJUE, arrêt du 22 janvier 2015, Art & Allposters International, C-419/13 ; CJUE, arrêt du 19 décembre 2019, Tom Kabinet, C-263/18).

11. Sur une demande d'interprétation de l'article 6 de la directive 2001/29, qui impose aux États membres de prévoir une protection juridique appropriée contre des actes ou des activités contournant ou visant à contourner les mesures techniques destinées à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin du droit d'auteur, elle a indiqué que les jeux vidéo constituent un matériel complexe comprenant non seulement un programme d'ordinateur mais également des éléments graphiques et sonores qui, bien qu'encodés dans le langage informatique, ont une valeur créatrice propre qui ne saurait être réduite audit encodage et que, dans la mesure où les parties d'un jeu vidéo, en l'occurrence ces éléments graphiques et sonores, participent à l'originalité de l'oeuvre, elles sont protégées, ensemble avec l'oeuvre entière, par le droit d'auteur dans le cadre du régime instauré par la directive 2001/29 (CJUE, arrêt du 23 janvier 2014, Nintendo, C-355/12).

12. La directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur prévoit à son article 4, paragraphe 2, que la première vente d'une copie d'un programme d'ordinateur dans la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement y épuise le droit de distribution de cette copie.

13. Selon la CJUE, si l'épuisement du droit de distribution prévu à cette disposition concerne à la fois les copies matérielles et immatérielles d'un programme d'ordinateur, et partant également les copies de programmes d'ordinateur qui, à l'occasion de leur première vente, ont été téléchargées au moyen d'Internet, sur l'ordinateur du premier acquéreur, les dispositions de la directive 2009/24, et notamment l'article 4, paragraphe 2, de celle-ci, constituent une lex specialis par rapport aux dispositions de la directive 2001/29 (CJUE, arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C-128/11).

14. Après avoir rappelé les dispositions des directives précitées et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne à ce titre, la cour d'appel a exactement énoncé qu'un jeu vidéo n'est pas un programme informatique à part entière mais une oeuvre complexe en ce qu'il comprend des composantes logicielles ainsi que de nombreux autres éléments tels des graphismes, de la musique, des éléments sonores, un scénario et des personnages et que, à la différence d'un programme d'ordinateur destiné à être utilisé jusqu'à son obsolescence, le jeu vidéo se retrouve rapidement sur le marché une fois la partie terminée et peut, contrairement au logiciel, être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création.

15. Elle en a déduit à bon droit que seule la directive 2001/29 est applicable aux jeux vidéo, que la règle de l'épuisement du droit ne s'applique pas en l'espèce et qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

17. L'association UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant à ce que la clause 1C de l'accord de souscription Steam soit réputée non écrite, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen emportera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef visé par le deuxième moyen, lequel est justifié par le motif que la clause 1C serait conforme au droit de l'Union européenne, dont la cour d'appel a fait une fausse interprétation critiquée par le premier moyen ».

Réponse de la Cour

18. Le premier moyen étant rejeté, le deuxième, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Union fédérale des consommateurs - Que choisir aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400555
Date de la décision : 23/10/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 octobre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 oct. 2024, pourvoi n°12400555


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400555
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