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23/10/2024 | FRANCE | N°12400578

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 octobre 2024, 12400578


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


VB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 23 octobre 2024








Cassation partielle sans renvoi




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 578 FS-B


Pourvoi n° D 22-19.365












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024


1°/ M. [V] [C] [E], domicilié [Adresse 5],


2°/ Mme [H] [O], veuve [E], domiciliée [Adresse 2],


3°/ Mme [Z] [G], veu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

VB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 octobre 2024

Cassation partielle sans renvoi

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 578 FS-B

Pourvoi n° D 22-19.365

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2024

1°/ M. [V] [C] [E], domicilié [Adresse 5],

2°/ Mme [H] [O], veuve [E], domiciliée [Adresse 2],

3°/ Mme [Z] [G], veuve [E],

4°/ M. [V] [K] [E],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° D 22-19.365 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [J] [E], épouse [L], domiciliée [Adresse 4], représentée par son époux M. [W] [L], en qualité de tuteur,
2°/ à Mme [P] [E], épouse [X], domiciliée [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Mmes [J] et [P] [E] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de MM. [V] [C] et [V] [K] [E] et de Mmes [O] et [G], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mmes [J] et [P] [E], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mmes [K], Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, Agostini, conseillers, M. Duval, Mmes Azar, Lion, Daniel, Marilly, Vanoni-Thierry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 25 mai 2022), [V] [E] est décédé le 18 avril 2001, en laissant pour lui succéder son épouse, [U] [D], avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts, et leurs quatre enfants, [J], [A], [C] et [Y].

2. [Y] [E] est décédé le 30 mai 2012, en laissant pour recueillir sa succession son épouse, Mme [G], et son fils, M. [V] [K] [E].

3. [C] [E] est décédé le 24 décembre 2014, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [O], et son fils, M. [V] [C] [E].

4. Le 6 septembre 2016, Mmes [J] et [A] [E] ont assigné [U] [D], Mme [G], MM. [V] [K] et [V] [C] [E] et Mme [O] en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [V] [E] et en réduction de donations d'immeubles et de donations déguisées sous la forme d'assurances sur la vie dont auraient bénéficié [C] et [Y] [E].

5. [U] [D] est décédée le 2 juin 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, le second moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les donations dont ont bénéficié les héritiers de [V] [E] seront rapportées à la masse successorale, et le moyen du pourvoi incident

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pouvoir principal et le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et sur le second moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les donations dont ont bénéficié les héritiers de [V] [E] seront rapportées à la masse successorale, et la première branche du moyen du pourvoi incident, qui sont irrecevables.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible recevable

Enoncé du moyen

7. M. [V] [C] [E], Mme [O], Mme [G] et M. [V] [K] [E] font grief à l'arrêt de dire l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible recevable, alors « que lorsque la succession s'est ouverte avant le 1er janvier 2007, l'action en réduction se prescrit par le délai de droit commun, lequel a, lui-même, été ramené de trente à cinq ans à partir de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, immédiatement applicable à partir du 19 juin 2008 ; qu'en considérant que cette action, pourtant postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, était, cependant, soumise à l'ancien délai de prescription de droit commun, de trente ans, et non au nouveau délai de prescription de droit commun, de cinq ans, la cour d'appel a violé les articles 2222, 2224 et 930 ancien du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2262, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, et 2224, dans sa rédaction issue de ladite loi, du code civil et l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008 :

8. Il résulte du premier de ces textes, applicable aux successions ouvertes avant le 1er janvier 2007, que l'action en réduction d'une donation de nature à porter atteinte à la réserve se prescrit par trente ans à compter de l'ouverture de la succession.

9. Aux termes du deuxième, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Le troisième dispose :

« Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

11. L'action en réduction, que l'article 921, alinéa 1er, du code civil reconnaît à ceux au profit desquels la loi fait la réserve et à leurs héritiers ou ayants cause, présente le caractère d'une action personnelle soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du même code, quand bien même elle aurait pour effet de résoudre la question de l'existence d'un droit réel sur les biens donnés ou légués.

12. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en réduction relative à une succession ouverte avant le 1er janvier 2007, ramené de trente à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a expiré au plus tard le 18 juin 2013 à 24 heures.

13. Pour dire recevable l'action en réduction de Mmes [J] et [A] [E], l'arrêt, après avoir énoncé que les dispositions transitoires de la loi du 23 juin 2006 prévoient que la prescription quinquennale de l'action en réduction des libéralités excessives n'est applicable qu'aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007, retient qu'à la date du décès de [V] [E], le 18 avril 2001, la prescription en vigueur était trentenaire, que les nouvelles dispositions de l'article 2224 du code civil n'étaient pas applicables et que l'action en réduction des libéralités excessives de l'un ou l'autre des héritiers n'était pas prescrite à la date de la saisine du tribunal.

14. En statuant ainsi, alors que l'action en réduction de Mme [J] et [A] [E], formée le 6 septembre 2016, était prescrite depuis le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif déclarant recevable l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible emporte celle de la disposition décidant que les donations dont ont bénéficié Mmes [J] et [A] [E] et [C] et [Y] [E] et les donations déguisées dont ont bénéficié [C] et [Y] [E] sous forme de contrats d'assurance sur la vie Natio-Vie et Prédica s'imputeront sur la quotité disponible et seront réduites à concurrence de la dite quotité en commençant par la plus récente, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

16. La cassation des chefs de dispositif déclarant recevable l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible et décidant que les donations dont ont bénéficié Mmes [J] et [A] [E] et [C] et [Y] [E] et les donations déguisées dont ont bénéficié [C] et [Y] [E] sous forme de contrats d'assurance sur la vie Natio-Vie et Prédica s'imputeront sur la quotité disponible et seront réduites à concurrence de la dite quotité en commençant par la plus récente n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt disant que chacune des parties conserve la charge des dépens d'appel et rejetant les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

18. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

19. Mmes [J] et [A] [E] ayant agi en réduction le 6 septembre 2016, soit postérieurement à l'expiration, le 18 juin 2013 à 24 heures, du délai de prescription de leur action, celle-ci est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il dit l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible recevable et que les donations dont ont bénéficié Mmes [J] et [A] [E] et [C] et [Y] [E] et les donations déguisées dont ont bénéficié [C] et [Y] [E] sous forme de contrats d'assurance sur la vie Natio-Vie et Prédica s'imputeront sur la quotité disponible et seront réduites à concurrence de la dite quotité en commençant par la plus récente, l'arrêt rendu le 25 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement en ce qu'il dit l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible recevable et que les donations dont ont bénéficié Mmes [J] et [A] [E] et [C] et [Y] [E] et les donations déguisées dont ont bénéficié [C] et [Y] [E] sous forme de contrats d'assurance sur la vie Natio-Vie et Prédica s'imputeront sur la quotité disponible et seront réduites à concurrence de la dite quotité en commençant par la plus récente ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'action en réduction des donations excédant la quotité disponible exercée par Mmes [J] et [A] [E] ;

Condamne Mmes [J] et [A] [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [J] et [A] [E] et les condamne à payer à MM. [V] [C] et [V] [K] [E] et Mmes [O] et [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12400578
Date de la décision : 23/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Analyses

DONATION


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 25 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 oct. 2024, pourvoi n°12400578


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune
Avocat(s) : SCP Spinosi, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:12400578
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