LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 621 F-D
Pourvoi n° N 22-11.691
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
M. [D] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-11.691 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié pôle juridictionnel judiciaire, [Adresse 2],
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié139 [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 novembre 2021), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. [X] a joint à ses déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa Alpha certifiant qu'il avait investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.
2. Considérant que la société Finaréa Alpha n'avait pas cette qualité, de sorte que M. [X] ne pouvait prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification.
3. Après rejet de leur réclamation contentieuse, M. [X] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
En application de l'article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui est irrecevable.
Enoncé du moyen
4. M. [X] fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes alors :
« 1°/ que l'administration est tenue d'identifier avec précision, dans sa proposition de rectification, les documents sur lesquels elle se fonde ; que n'est pas régulière la procédure dont la justification repose sur des bases fluctuantes ; qu'au cas présent, le contribuable avait souligné dans ses conclusions d'appel qu'à s'en tenir aux seuls éléments ayant fondé le redressement, leur identification exacte avait varié au fil des discussions avec l'administration fiscale, empêchant la tenue d'un débat contradictoire qui fût lui-même fiable et reposant sur des bases solides; qu'en ne procédant à aucune recherche à cet égard, pour se contenter d'énoncer que "rien n'obligeait l'administration à fournir une liste des documents fondant sa proposition de rectification que ce soit par l'établissement d'un bordereau ou par le renvoi à tel ou tel document dans le texte même de la proposition de rectification, dès lors que ces documents sont clairement identifiés et ont été communiqués de manière à permettre au contribuable de faire valoir ses observations" , la cour d'appel, qui a négligé la circonstance que la liste eût été de bonne méthode et qu'il était en tout cas indispensable d'identifier avec précision les bases factuelles du redressement, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire, du respect des droits de la défense et du procès équitable ;
2°/ que l'administration doit, si la demande lui en est faite et avant la mise en recouvrement, communiquer au contribuable l'ensemble des éléments considérés par elle pour émettre la proposition de rectification : les éléments à charge comme les éléments à décharge, ceux ayant fondé les motifs de la proposition de rectification comme ceux ayant été considérés par l'administration mais n'ayant pas été retenus par elle dans sa motivation ; qu'au cas présent, le contribuable avait demandé à l'administration fiscale, avant la mise en recouvrement, la communication de son entier dossier, en ce compris les éléments recueillis par l'administration lors du contrôle des sociétés holdings Finaréa, contrôle qui avait conduit à délivrer des avis de non-redressement auxdites sociétés holdings ainsi qu'à les inviter à demander remboursement de crédits de TVA ; que les conclusions d'appel du contribuable rappelaient qu'il n'avait jamais été déféré à cette demande par l'administration ; qu'en réponse, la cour d'appel s'est contentée d'énoncer qu' il ne peut [?] être reproché à l'administration de ne pas avoir communiqué l'ensemble des éléments obtenus dans le cadre des vérifications de comptabilité de la société Finaréa Alpha et du GIE Finaréa services effectuées par la direction spécialisée de contrôle d'Île-de-France Ouest, notamment les éléments à décharge ayant convaincu les vérificateurs à ne pas appliquer à la société Finaréa Alpha l'amende de 25 % pour délivrance d'attestations erronées au contribuable ayant bénéficié indûment de la réduction d'ISF" et qu'aucune précision n'est donnée quant à la nature des autres pièces détenues par l'administration fiscale, susceptibles de caractériser l'existence d'une prise de position de celle-ci sur la qualité de holding animatrice de la société Finaréa Alpha, et qui seraient ainsi utiles à l'exercice des droits de la défense" ; qu'en statuant ainsi, cependant que les principes de loyauté et du procès équitable imposent la communication par l'administration au contribuable qui en fait la demande y compris des éléments en sa possession qu'elle a choisi de ne pas viser mais qui sont susceptibles de jeter un jour nouveau ou simplement différent sur les faits de la cause, la cour d'appel a violé l'article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire, du respect des droits de la défense et du procès équitable ;
3°/ que l'administration doit s'expliquer sur l'origine des pièces prétendument accessibles au public visées à l'appui de son redressement ; qu'au cas présent, le contribuable soulignait dans ses conclusions d'appel n'avoir jamais obtenu d'explication de ce chef de la part de l'administration fiscale ; qu'en retenant qu' il importe peu que la proposition de rectification se réfère seulement à des faits constatés à l'occasion des vérifications de comptabilité de la société Finaréa Alpha et du GIE Finaréa services, puisque le bilan au 30 juin 2010 de la société Finaréa Alpha et les divers documents accompagnant les prises de participation dans des sociétés opérationnelles sont visés dans la proposition de rectification et ont bien été communiqués, sachant que les comptes annuels et les rapports de gestion, qui sont déposés au registre du commerce et des sociétés, sont normalement accessibles au public et ne sont donc pas soumis à l'obligation de communication", la cour d'appel a exonéré l'administration fiscale de son obligation en la matière, en violation des articles L. 76 et L. 76B du Livre des procédures fiscales, de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable et de loyauté ;
4°/ que la communication des documents fondant la proposition de rectification, quand elle est demandée par le contribuable, s'impose à l'administration fiscale, quand bien même ledit contribuable pourrait y avoir accès par ailleurs ; qu'en relevant, à l'appui de sa décision de dire satisfaites les obligations de communication pesant sur l'administration fiscale, la circonstance que "M. [F], président de la SAS Finaréa, [agissait] en tant que mandataire de M. [X]" , donc, si l'on suit la cour, que ce mandataire était susceptible de transmettre aux contribuables des éléments complémentaires d'information également utilisés par l'administration dans son dossier, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire et du procès équitable. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union. Il en va de même de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.
6. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.
7. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.
8. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.
9. Ce texte n'impose pas non plus à l'administration fiscale d'adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu'elle invoque dès lors qu'ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.
10. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.
11. L'arrêt énonce que rien n'obligeait l'administration fiscale à fournir une liste des documents fondant sa proposition de rectification dès lors que ces documents produits sont clairement identifiés et ont été communiqués de manière à permettre au contribuable de faire valoir ses observations et qu'il ne peut être reproché à cette administration de ne pas avoir communiqué l'ensemble des éléments obtenus dans le cadre des vérifications de comptabilité, notamment les éléments à décharge.
12. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que les moyens d'irrégularité soulevés devaient être rejetés.
13. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [X] et le condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.