LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 628 F-D
Pourvoi n° V 22-19.817
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
M. [W] [B], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° V 22-19.817 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2022 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 4] pôle juridictionnel judiciaire, [Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [B], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 mai 2022), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. [B] a joint à ses déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa Gold certifiant qu'il avait investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.
2. Considérant que la société Finaréa Gold n'avait pas cette qualité, de sorte que M. [B] ne pouvait prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale lui a adressé une proposition de rectification.
3. Après rejet de sa réclamation contentieuse, M. [B] a assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
En application de l'article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ce grief, qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter toutes ses demandes alors :
« 1°/ que lorsque le contribuable le demande, l'administration fiscale est tenue de transmettre, avant toute mise en recouvrement, l'intégralité des pièces obtenues de tiers figurant au dossier de l'administration ; qu'en l'absence de liste des pièces figurant au dossier de l'administration fiscale, le contribuable n'a pas à viser les pièces exactes dont il entend avoir communication, pas plus qu'il n'a à argumenter sur l'intérêt de telle ou telle transmission, pas plus qu'il n'est écarté du droit à transmission quand il apparaît, a posteriori, qu'il a pu avoir, fortuitement, connaissance de pièces se trouvant au dossier-source tenu par l'administration fiscale ; qu'au cas présent, l'exposant soulignait dans ses conclusions d'appel, que l'administration fiscale avait constitué un dossier complet, comportant quantité d'éléments factuels, de documents, lors des opérations de vérification réalisées à l'endroit de la holding Finaréa, éléments et documents ayant manifestement convaincu l'administration fiscale francilienne, en son temps, de la parfaite régularité des opérations de Finaréa, et en particulier de sa qualité effective de holding animatrice au sens de l'article 885 0 V bis du code général des impôts ; que l'exposant avait demandé la communication de cet entier dossier avant la mise en recouvrement de l'impôt, et que cette communication lui avait été constamment refusée ; que la cour d'appel a néanmoins validé la procédure ainsi entachée d'un vice substantiel au motif que ce dossier avait été constitué à l'occasion d'une procédure qui "portait sur une entité juridique, un objet et des éventuelles conséquences différentes, tandis que [les contribuables] ne précisent pas quelles pièces non communiquées issues de cette vérification de comptabilité seraient susceptibles de revêtir une importance déterminante dans le cadre de la procédure le concernant", ajoutant que, à propos de la circonstance que, manifestement, l'administration fiscale n'avait pas remis en cause le caractère de "holding animatrice" de Finaréa à la racine, lors du contrôle de cette entité, que l'exposant procéderait "sans étayer cette affirmation et sans préciser quels arguments auraient été basés sur lesdites pièces" ; qu'en statuant ainsi par des motifs qui nient la portée de l'obligation de communication pesant sur l'administration fiscale en pareille hypothèse, la cour d'appel, qui a vidé de sa substance ladite obligation, a violé l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes de loyauté et des droits de la défense ;
2°/ que l'administration fiscale est tenue d'établir une liste des documents sur lesquels elle fonde sa proposition de rectification, avant toute mise en recouvrement, afin que le contribuable puisse utilement exercer son droit de communication, en précisant les pièces dont il entend obtenir transmission ; qu'au cas présent, l'exposant avait souligné dans ses conclusions d'appel tout l'intérêt, et à la vérité le caractère indispensable, de l'établissement d'une liste des éléments fondant la proposition de rectification, aux fins d'exercice de son droit de communication ; que la cour d'appel a retenu, à propos de cette liste, "qu'aucune disposition ne l'impose", que l'exposant n'aurait pas pâti de l'absence de liste, n'établissant pas avoir confondu des pièces fondant le redressement, que l'exposant aurait pu, par ailleurs, accéder à certains des éléments fondant le redressement, et qu'il en mentionnerait certains autres dans ses écritures ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'en l'absence de la liste indispensable, il n'était pas possible de dire si la situation l'exposant avait, ou non, été affectée par les modalités de présentation choisies par l'administration fiscale, requérant une forme de divination de la part du requérant, la cour d'appel a violé l'article L. 76 B du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble les principes de loyauté et des droits de la défense. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union. Il en va de même de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.
6. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.
7. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.
8. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.
9. Ce texte n'impose pas non plus à l'administration fiscale d'adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu'elle invoque dés lors qu'ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification.
10. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.
11. L'arrêt énonce que l'examen de la proposition de rectification adressée le 13 décembre 2012 à M. [B] permet de constater que l'administration a exposé les éléments fondant sa décision, qui résultent du contrôle de la société Finaréa Gold opéré par ailleurs ou des pièces relatives à la situation personnelle du contribuable. Il relève que qu'aucune disposition n'impose à l'administration de présenter une liste de documents et que M. [B] n'invoque aucune confusion liée à la présentation des pièces de nature à faire obstacle à l'exercice du contradictoire et des droits de la défense. Il ajoute que les bilans et rapports de gestion de la société Finaréa Gold, le règlement intérieur du GIE Finaréa Services et les conventions conclues par la société Finaréa Gold constituent des documents auxquels le contribuable a eu la possibilité d'accéder librement en sa qualité d'actionnaire de la société Finaréa Gold ou qui sont en libre accès au public, étant observé que M. [B] faisait lui-même état de ces pièces et de leur contenu dans ses propres écritures.
12. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que les moyens d'irrégularité soulevés devaient être rejetés.
13. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui assisté au prononcé de l'arrêt.