LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 630 F-D
Pourvoi n° K 22-11.827
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
1°/ M. [Z] [I],
2°/ Mme [D] [I],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 22-11.827 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Alt, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 17 novembre 2021), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. et Mme [I] ont joint à leurs déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa du Maine certifiant qu'ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.
2. Considérant que la société Finaréa du Maine n'avait pas cette qualité, de sorte que M. et Mme [I] ne pouvaient prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification.
3. Après rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [I] ont assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa sixième branche
En application de l'article 1014 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en ses six autres branches
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter toutes leurs demandes alors :
« 1°/ que l'administration est tenue d'identifier avec précision, dans sa proposition de rectification, les documents sur lesquels elle se fonde ; que n'est pas régulière la procédure dont la justification repose sur des bases fluctuantes ; qu'au cas présent, les contribuables avaient souligné dans leurs conclusions d'appel qu'à s'en tenir aux seuls éléments ayant fondé le redressement, leur identification exacte avait varié au fil des discussions avec l'administration fiscale, empêchant la tenue d'un débat contradictoire qui fût lui-même fiable et reposant sur des bases solides ; qu'en ne procédant à aucune recherche à cet égard, pour se contenter d'énoncer qu'"il ne résulte pas [des dispositions du Livre des procédures fiscales] que l'Administration fiscale serait tenue de lister les pièces sur lesquelles elle s'east fondée", la cour d'appel, qui a négligé la circonstance que la liste eût été de bonne méthode et qu'il était en tout cas indispensable d'identifier avec précision les bases factuelles du redressement, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire, du respect des droits de la défense et du procès équitable ;
2°/ que l'administration doit, si la demande lui en est faite et avant la mise en recouvrement, communiquer au contribuable l'ensemble des éléments considérés par elle pour émettre la proposition de rectification : les éléments à charge comme les éléments à décharge, ceux ayant fondé les motifs de la proposition de rectification comme ceux ayant été considérés par l'administration mais n'ayant pas été retenus par elle dans sa motivation ; qu'au cas présent, les contribuables avaient demandé à l'administration fiscale, avant la mise en recouvrement, la communication de son entier dossier, en ce compris les éléments recueillis par l'administration lors du contrôle des sociétés holdings Finaréa, contrôle qui avait conduit à délivrer des avis de non-redressement auxdites sociétés holdings ainsi qu'à les inviter à demander remboursement de crédits de TVA ; que les conclusions d'appel des contribuables rappelaient qu'il n'avait jamais été déféré à cette demande par l'administration ; qu'en réponse, la cour d'appel s'est contentée d'énoncer que dès lors qu'elles ne fondent pas la décision, le DRFIP n'était pas tenu de communiquer "l'intégralité des autres pièces obtenues dans le cadre du contrôle fiscal externe de Finarea", ainsi que l'ont sollicité les intimés dans leur réponse du 28 mai 2013" ; qu'en statuant ainsi, cependant que les principes de loyauté et du procès équitable imposent la communication par l'administration au contribuable qui en fait la demande y compris des éléments en sa possession qu'elle a choisi de ne pas viser mais qui sont susceptibles de jeter un jour nouveau ou simplement différent sur les faits de la cause, la cour d'appel a violé l'article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire, du respect des droits de la défense et du procès équitable ;
3°/ qu'il appartient à celui qui est tenu à une obligation d'information ou de communication de rapporter la preuve de son exécution ; que l'administration tenue de communiquer a priori son dossier pris dans son entièreté ne peut s'opposer à la moindre communication au prétexte que certains des éléments de son dossier pourraient ne pas être communicables parce que couverts par un secret ou protégés ; qu'au cas présent, en validant le défaut total de communication de la moindre pièce autre que (en partie seulement et non régulièrement) celles visées à l'appui de sa proposition de rectification, au motif que « dès lors qu'elles ne fondent pas la décision, le DRFIP n'était pas tenu de communiquer "l'intégralité des autres pièces obtenues dans le cadre du contrôle fiscal externe de Finarea", ainsi que l'ont sollicité les intimés dans leur réponse du 28 mai 2013", la cour d'appel, qui s'est retranchée derrière un motif qui n'était pas de nature à exonérer l'administration fiscale de toute obligation de communication, s'est prononcée par un motif inopérant en violation des articles L. 76 et L. 76B du Livre des procédures fiscales, de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable et de loyauté ;
4°/ que, pour être régulière, la procédure de rectification doit donner lieu à communication au contribuable de l'ensemble des documents sous-jacents aux motifs affichés par la proposition de rectification comme fondant le redressement ; qu'il importe peu à cet égard que, rétrospectivement, le redressement apparaisse fondé sur un seul des nombreux motifs invoqués au stade de la proposition de rectification, et que les documents sur lesquels repose ce seul motif aient bien été produits, si les autres documents fondant les autres motifs alors tout autant énoncés n'ont pas été transmis ; qu'au cas présent, pour retenir que la procédure aurait été régulière quant à la transmission des éléments fondant la proposition de rectification, la cour d'appel explique que la proposition de rectification se fonde exclusivement sur le bilan comptable de la société Finaréa du Maine, accessible aux époux [I] en leur qualité d'actionnaires ; qu'en statuant ainsi, cependant que le motif ainsi visé n'était pas le seul à justifier la proposition de rectification, laquelle reposait en outre sur une appréciation du travail d'animation de la société Finaréa du Maine, la cour d'appel a violé de l'article L. 76 du Livre des procédures fiscales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes de loyauté, du contradictoire, du respect des droits de la défense et du procès équitable ;
5°/ que l'administration doit s'expliquer sur l'origine des pièces prétendument accessibles au public visées à l'appui de son redressement ; qu'au cas présent, les contribuables soulignaient dans leurs conclusions d'appel n'avoir jamais obtenu d'explication de ce chef de la part de l'administration fiscale ; qu'en retenant que l'origine des informations retenues au soutien de la motivation factuelle est parfaitement claire, à savoir le bilan comptable arrêté au 30 juin 2010, bilan dont les données pertinentes sont rappelées in extenso sous forme de tableau. Il ne résulte d'aucune pièce que les époux [I] auraient sollicité de l'Administration fiscale qu'elle leur transmette cette pièce. Ils pouvaient d'ailleurs y avoir accès en leur qualité d'actionnaires , la cour d'appel a exonéré l'administration fiscale de son obligation en la matière, en violation des articles L. 76 et L. 76B du Livre des procédures fiscales, de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable et de loyauté ;
7°/ qu'il résulte du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre à l'encontre d'une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision ; que les époux [I] ont sollicité la transmission de l'entier dossier de pièces constitué par l'administration fiscale au cours de ses investigations auprès de la société Finaréa du Maine ; qu'en retenant que dès lors qu'elles ne fondent pas la décision, le DRFIP n'était pas tenu de communiquer l'intégralité des autres pièces obtenues dans le cadre du contrôle fiscal externe de Finarea, ainsi que l'ont sollicité les intimés dans leur réponse du 28 mai 2013", la cour d'appel, qui s'est retranchée derrière un motif qui n'était pas de nature à exonérer l'administration fiscale de toute obligation de communication, s'est prononcée par un motif inopérant en violation des articles L. 76 et L. 76B du Livre des procédures fiscales, de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 6-1 de la CEDH, ensemble les principes des droits de la défense, du procès équitable, de l'égalité des armes et de loyauté. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union. Il en va de même de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.
6. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.
7. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.
8. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.
9. Ce texte n'impose pas non plus à l'administration fiscale d'adresser aux contribuables une liste spécifique des documents qu'elle invoque dés lors qu'ils sont identifiés dans le contenu de la proposition de rectification
10. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.
11. L'arrêt énonce que l'administration n'était pas tenue de communiquer l'intégralité des autres pièces obtenues à l'occasion du contrôle fiscal externe de Finarea, qu'elle n'était pas davantage tenue d'expliquer à des tiers les raisons pour lesquelles elle n'a pas souhaité engager la procédure de sanction qu'elle aurait pu mettre en oeuvre à l'égard de la société Finarea à raison de la délivrance d'attestation fiscales erronées. Il retient que la réponse de l'administration fiscale est à la fois circonstanciée juridiquement, claire et complète.
12. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la procédure était régulière.
13. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [I] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui assisté au prononcé de l'arrêt.