LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 636 F-B
Pourvoi n° D 23-15.183
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
M. [J] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-15.183 contre l'arrêt rendu le 14 février 2023 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant au directeur régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1], pôle judiciaire de Paris, division des affaires juridiques, [Localité 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 14 février 2023), le 10 avril 2014, l'administration fiscale a adressé à M. [D], sur le fondement de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, une demande de justifications relatives à des avoirs détenus dans les comptes de la banque HSBC en Suisse au cours de la période de novembre 2005 à novembre 2006.
2. Après avoir mis en demeure M. [D] de lui fournir les justifications réclamées, l'administration fiscale lui a notifié, le 17 décembre 2014, une proposition de rectification par laquelle elle a procédé à la taxation d'office de ces avoirs sur le fondement de l'article 755 du code général des impôts.
3. Le 27 août 2015, l'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement.
4. Après rejet de sa réclamation contentieuse, M. [D] a assigné l'administration fiscale en annulation de cette décision de rejet et en décharge des droits de mutation à titre gratuit réclamés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
6. M. [D] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation contentieuse, de décharge des rappels d'imposition et d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 27 août 2015, alors « que les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 23 C du LPF sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l'article 777 ; que ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées ; que les intérêts des sommes figurant sur un compte bancaire étranger constituent des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition sont justifiées, quand bien même l'origine et les modalités d'acquisition du capital ne le seraient pas ; qu'en rejetant la demande de l'exposant tendant à ce que soient déduits de la base taxable aux droits d'enregistrements tous les intérêts endogènes des comptes étrangers de M. [D], peu important que l'origine et les modalités d'acquisition du capital n'aurait pas été justifiée, la cour d'appel a violé les articles 755 du code général des impôts et L. 23 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 755 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-463 du 3 juin 2013 :
7. Aux termes du premier alinéa de ce texte, les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d'expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l'article 777.
8. Aux termes du second alinéa, ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées.
9. Pour rejeter les demandes de M. [D], l'arrêt énonce que seule peut être retranchée de la somme maximale figurant sur le compte la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées. Il ajoute que les intérêts perçus par M. [D] sur ces avoirs n'ont pas à venir en diminution de cette somme.
10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contribuable avait, pour la partie des avoirs litigieux constituée des intérêts produits par ces avoirs, renversé la présomption énoncée à l'article 755 du code général des impôts en établissant que ces sommes, dont l'origine et les modalités d'acquisition étaient justifiées, ne constituaient pas un patrimoine acquis à titre gratuit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et le condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui assisté au prononcé de l'arrêt.