LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 641 F-D
Pourvoi n° T 23-11.079
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société Saint Louis sucre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-11.079 contre l'arrêt n° RG : 21/10425, rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à l'Etablissement FranceAgrimer, Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Saint Louis sucre, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'établissement Franceagrimer, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-15.824), par un titre de perception établi le 22 janvier 2015 visant le règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (le règlement n° 1234/2007), FranceAgriMer a réclamé à la société Saint Louis sucre le paiement de la taxe à la production sur le quota de sucre afférente à la campagne de commercialisation sucrière 2014/2015.
2. Soutenant que les dispositions du droit dérivé de l'Union prévoyant cette taxe étaient contraires à celles du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et aux principes d'égalité et de proportionnalité, la société Saint Louis sucre, après avoir formé une réclamation contentieuse contre ce titre de perception, a assigné FranceAgriMer en annulation de la décision implicite de rejet de cette réclamation. A l'occasion de cette instance, elle a demandé que soient renvoyées, avant dire-droit, à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles portant sur la validité de l'article 128 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 (le règlement n° 1308/2013) et de l'article 7 du règlement (UE) n° 1370/2013 du 16 décembre 2013 établissant les mesures relatives à la fixation de certaines aides et restitutions liées à l'organisation commune des marchés des produits agricoles (le règlement n° 1370/2013).
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La société Saint Louis sucre fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, et notamment sa demande d'annulation du titre de perception n° 2015-65 du 22 janvier 2015 émis à son encontre par l'établissement FranceAgriMer, sa demande d'annulation de la décision du 30 septembre 2015, par laquelle cet établissement a rejeté la demande d'annulation de ce titre de perception, et sa demande tendant à la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 7 383 597,95 euros, alors « que, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge n'est pas lié par la qualification ou le fondement juridique que les parties ont donné aux actes dont dépend la solution de ce litige ; que, pour refuser d'annuler le titre de perception émis par FranceAgriMer contre la société Saint Louis sucre, la cour d'appel a retenu que, même si ce titre porte sur la taxe à la production sur le sucre pour la campagne de commercialisation 2014/2015 et relève à ce titre des règlements n° 1308/2013 et n° 1370/2013, ce titre ne vise que le règlement n° 1234/2007 abrogé, et que la société Saint Louis sucre ne demande pas l'annulation du titre pour absence de fondement légal mais pour inconventionnalité des dispositions des règlements de 2013 précités ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a refusé de trancher le litige qui lui était soumis en s'estimant liée par le fondement juridique énoncé à tort par FranceAgriMer dans le titre de perception litigieux et a, par suite, violé les articles 4 du code civil et 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 du code de procédure civile :
5. Aux termes de ce texte, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
6. Pour rejeter la demande d'annulation du titre de perception émis contre la société Saint Louis sucre, l'arrêt retient que, même si ce titre porte sur la taxe à la production sur le quota de sucre afférente à la campagne de commercialisation 2014/2015 et relève, en conséquence, des règlements n° 1308/2013 et n° 1370/2013, il ne vise que le règlement n° 1234/2007 abrogé.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que la taxe à la production sur le quota de sucre dont le paiement était réclamé à la société Saint Louis sucre pour la campagne de commercialisation 2014/2015 relevait des dispositions des règlements n° 1308/2013 et n° 1370/2013, la cour d'appel, qui était tenue de trancher le litige conformément à ces dispositions, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne l'Etablissement FranceAgriMer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui assisté au prononcé de l'arrêt.