LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 643 F-B
Pourvoi n° B 23-11.616
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société snc Bbr Plaine, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-11.616 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 1],
2°/ au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société SNC BBR Plaine, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques et du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2022) et les productions, par un acte du 10 janvier 2012, la société Bbr Plaine (la société) a acquis un immeuble, moyennant le prix de 24 326 000 euros, et s'est engagée à le revendre dans un délai maximum de cinq ans afin de bénéficier de l'exonération des droits de mutation prévue à l'article 1115 du code général des impôts.
2. Le 5 janvier 2017, la société a informé l'administration fiscale que seule une fraction du bien avait été revendue au prix de 8 774 000 euros, et a acquitté les droits de mutation d'un montant de 680 412 euros.
3. Le 31 janvier 2017, l'administration fiscale a notifié à la société une proposition de rectification portant sur les droits du mutation dont elle avait été dispensée, calculés sur la différence entre le prix d'acquisition et le prix total de la fraction revendue, et les intérêts de retard y afférents. Le 16 octobre 2017, elle lui a adressé un avis de mise en recouvrement (AMR) du montant des intérêts de retard, s'élevant à la somme de 157 821 euros.
4. Sa contestation ayant été rejetée le 27 novembre 2018, la société a assigné l'administration fiscale en décharge des intérêts de retard.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Bbr Plaine fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard, alors « que le jugement est signé par le président et par le greffier sauf en cas d'empêchement du président, dûment mentionné sur la minute, ou la décision est signée par l'un des juges qui en ont délibéré, cette formalité étant prescrite à peine de nullité ; que l'arrêt attaqué qui, d'une part, mentionne M. Loos et Mme Simon-Rossenthal, tous deux en qualité de président, d'autre part, indique que la décision est signée par Mme Castermans, magistrat honoraire, et, enfin, mentionne une signature attribuée à M. Loos, comporte des mentions contradictoires qui ne permettent pas de s'assurer qui était le président de la formation de jugement, qui est le véritable signataire de la décision ni, si cette décision n'a pas été signée par le président, que ce dernier aurait été empêché, en violation des articles 456 et 458 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, l'arrêt énonce que l'affaire a été débattue en audience publique, devant Mme Castermans, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de M. Loos, président, et de Mme Simon-Rossenthal, présidente. Il en résulte que l'ensemble des magistrats dont les noms sont mentionnés dans l'arrêt ont bien participé aux débats et au délibéré.
7. En deuxième lieu, la mention selon laquelle l'arrêt a été signé par Mme Castermans, magistrat honoraire, faisant foi jusqu'à inscription de faux, il importe peu que figure au bas de l'arrêt la mention « le président » suivie de celle de « E. Loos ».
8. En troisième lieu, en l'absence de preuve contraire, la signature de la décision par Mme Castermans, un des juges qui a participé au délibéré, fait présumer l'empêchement du président.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. La société Bbr Plaine fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'inobservation de l'engagement de revente, en considération duquel le paiement des droits de mutation a été différé, entraîne la déchéance du régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts et que cette déchéance rend exigibles les droits de mutation qui auraient été dus au jour de la présentation de l'acte à la formalité d'enregistrement, les intérêts de retard ne commencent à courir qu'à compter du premier jour suivant le mois au cours duquel les droits sont devenus exigibles, soit le mois qui suit la rupture de l'engagement de revente ou l'expiration du délai de cinq ans ; qu'en considérant que la société Bbr Plaine devait régler les intérêts de retard à compter du 1er mars 2012, premier jour du mois au cours duquel les droits de mutation auraient dû être acquittés en raison de la rupture partielle de son engagement de revente dans le délai de cinq ans, après avoir constaté l'acquisition avait eu lieu le 10 janvier 2012, que la société avait informé l'administration fiscale le 5 janvier 2017 qu'une partie seulement du bien avait été revendue et avait versé le même jour le montant des droits de mutation sur la partie non vendue de l'immeuble, ce dont il résultait qu'aucun intérêt de retard n'était dû compte tenu du paiement des droits dès leur exigibilité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les article 1115, 1840 G ter et 1727 du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
11. L'article 1115, alinéa 1er, du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, prévoit que, sous réserve des dispositions de l'article 1020, les acquisitions d'immeubles, de fonds de commerce ainsi que d'actions ou parts de sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l'acquéreur prend l'engagement de revendre dans un délai de cinq ans.
12. Selon l'article 1840 G ter du même code, dans sa rédaction applicable, lorsqu'une exonération ou une réduction de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière ou de taxe additionnelle aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière a été obtenue en contrepartie du respect d'un engagement ou de la production d'une justification, le non-respect de l'engagement ou le défaut de production de la justification entraîne l'obligation de payer les droits dont la mutation a été exonérée. Les droits, majorés de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 de ce code, doivent être acquittés dans le mois qui suit, selon le cas, la rupture de l'engagement ou l'expiration du délai prévu pour produire la justification requise.
13. Selon l'article 1727, IV, 1, du même code, dans sa rédaction applicable, l'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement.
14. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de non-respect de l'engagement de revente, la déchéance du régime faveur, prévu à l'article 1115 précité, a pour effet de rendre exigibles les droits de mutation, dont l'acquéreur se trouvait exonéré du fait de son engagement de revente, et que les intérêts de retard afférents à ces droits, dont il doit s'acquitter dans le mois qui suit la rupture de son engagement, courent à compter du premier jour suivant le mois au cours duquel les droits auraient dû être acquittés.
15. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bbr Plaine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bbr Plaine et la condamne à payer au directeur général des finances publiques et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui assisté au prononcé de l'arrêt.