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06/11/2024 | FRANCE | N°52401108

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 novembre 2024, 52401108


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 novembre 2024








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1108 F-D


Pourvoi n° T 22-23.886










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024


Mme [X] [D], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-23.886 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2022 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 novembre 2024

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1108 F-D

Pourvoi n° T 22-23.886

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024

Mme [X] [D], épouse [H], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-23.886 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Elior services propreté et santé, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations écrites de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de Mme [H], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Elior services propreté et santé, après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 17 juin 2022), Mme [H] a été engagée en qualité d'agent de service par la société Elior services propreté et santé (la société) suivant contrat à durée déterminée à temps partiel en remplacement de salariés absents, respectivement du 2 au 16 mai 2014, du 18 août au 1er septembre 2014, du 15 au 30 septembre 2014 puis du 28 au 30 janvier 2015 puis suivant contrat à durée indéterminée à compter du 4 février 2015 pour exercer les mêmes fonctions à temps partiel (10 heures par semaine réparties du lundi au vendredi, de 5 heures à 7 heures). La salariée était affectée sur le site de [Localité 4].

2. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

3. A compter du 1er janvier 2015, une collègue, qui travaillait en binôme avec la salariée, a été promue cheffe d'équipe. Des difficultés sont apparues entre cette cheffe d'équipe et plusieurs salariées, lesquelles s'en sont plaintes auprès du directeur régional, qui a saisi le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Celui-ci a, au cours d'une réunion du 23 février 2017, décidé de procéder à une enquête sur site.

4. Par lettre du 31 juillet 2017, la salariée a été mise à pied à titre disciplinaire durant trois jours pour insubordination.

5. Convoquée à un entretien préalable fixé au 3 avril 2018, elle a été licenciée pour faute simple par lettre du 6 avril suivant.

6. Le 14 décembre 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir un rappel de salaire et de prime d'expérience et pour contester le bien-fondé de sa mise à pied et de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein et à la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires outre congés payés afférents, de rappel de prime annuelle, de rappel de prime d'expérience outre congés payés afférents et par voie de conséquence de limiter à certaines sommes le montant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ceux alloués à titre de solde d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'absence d'écrit, dans le contrat initial ou dans ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition, mentionnant la durée du travail et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet ; que l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte de travail hebdomadaire ou mensuel convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'ayant relevé, ainsi que l'avait fait valoir l'exposante, que "la salariée a été amenée à effectuer des heures complémentaires tel que le mentionnent les bulletins de paie sans qu'un avenant ne lui soit systématiquement proposé, ce qui instaure une présomption simple de travail à temps complet", la cour d'appel qui, pour retenir que l'employeur renverse efficacement cette présomption de travail à temps complet et rejeter la demande de requalification du contrat en contrat à temps complet, se borne à relever que la salariée reconnaît elle-même qu'elle travaillait à la même période pour un autre employeur chaque jour de 7h30 à 10h30 et de 17h à 17h45 "ce qui démontre qu'elle ne se tenait pas à disposition permanente de son employeur et qu'elle était en mesure par cette dernière de connaître ses périodes d'intervention sur d'autres plages horaires que celles occupées par son autre emploi", sans rechercher si l'employeur démontrait la durée exacte de travail hebdomadaire ou mensuelle convenue et sa répartition n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6.2.2. de la convention collective des entreprises de propreté et services associés et L. 3123-14 et L. 3123-25 du code du travail dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

8. Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

9. Pour débouter la salariée de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et de ses demandes subséquentes, après avoir retenu que le contrat de travail à temps partiel ne satisfaisait pas au formalisme légal de sorte que l'emploi était présumé à temps complet, l'arrêt relève que l'employeur renverse efficacement cette présomption de travail à temps complet car la salariée reconnaît elle-même dans ses écritures qu'elle travaillait à la même période pour un autre employeur, chaque jour de 7 heures 30 à 10 heures 30 et de 17 heures à 17 heures 45 ce qui démontre qu'elle ne se tenait pas à la disposition permanente de la société et qu'elle était mise en mesure par cette dernière de connaître ses périodes d'intervention, sur d'autres plages horaires que celles occupées par son autre emploi. Il constate que la salariée ne verse par ailleurs aux débats aucun élément sur de prétendues sollicitations sans respect du délai de prévenance.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que l'employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue et sa répartition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant au prononcé de la nullité du licenciement et de ses demandes afférentes, alors « qu'en vertu des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, est nul le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir dénoncé des agissements de harcèlement moral ; que les juges du fond doivent rechercher la véritable cause du licenciement lorsqu'ils ont constaté que la cause invoquée à l'appui du licenciement n'était ni réelle, ni sérieuse, et que le salarié soutient que son licenciement est la conséquence de sa dénonciation d'un harcèlement moral intervenue avant l'engagement de la procédure de licenciement ; que pour débouter l'exposante de sa demande de nullité du licenciement en ce qu'il constituait une rétorsion à sa dénonciation de faits de harcèlement moral, la cour d'appel qui retient que "il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un harcèlement moral commis à l'égard de Mme [H] qui ne peut donc revendiquer la protection de l'article L. 1152-2 du code du travail et solliciter la nullité de son licenciement" sans rechercher quelle était la véritable cause du licenciement dès lors qu'elle avait jugé que la cause invoquée à l'appui du licenciement, n'était ni réelle, ni sérieuse, en l'absence de tout manquement fautif imputable à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-1 dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail :

12. Il résulte de ces textes que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral et son licenciement.

13. Pour débouter la salariée de sa demande de nullité du licenciement, l'arrêt retient que si les éléments qu'elle produit, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, qu'elle a effectivement dénoncé avec certaines de ses collègues par un courrier collectif du 15 décembre 2016, l'employeur produit aux débats des éléments objectifs démontrant qu'une ambiance délétère régnait au sein de l'équipe de nettoyage sur le site montalbanais, sans qu'il en résulte la caractérisation d'un harcèlement moral à l'encontre de la salariée. Il en déduit qu'il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un harcèlement moral commis à l'égard de la salariée, qui ne peut donc revendiquer la protection de l'article L. 1152-2 du code du travail et solliciter la nullité de son licenciement.

14. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle retenait que le licenciement prononcé n'était pas justifié par l'existence d'une cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il appartenait à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement moral et le licenciement prononcé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [H] de ses demandes en nullité du licenciement, en requalification en contrat à temps complet et de rappel de salaire et congés payés afférents, de prime annuelle, condamne la société Elior services propreté et santé à lui payer
les sommes de 1 764 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 58,32 euros à titre de solde sur indemnité de licenciement, 86,27 euros brut à titre de solde sur indemnité compensatrice de préavis incluant les congés payés afférents, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la société Elior services propreté et santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Elior services propreté et santé et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401108
Date de la décision : 06/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 17 juin 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 nov. 2024, pourvoi n°52401108


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401108
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