LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation partielle
sans renvoi
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1116 F-D
Pourvoi n° W 23-12.669
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société Hôtel du [2], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-12.669 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à Mme [V] [H], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rodrigues, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Hôtel du [2], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rodrigues, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 20-14.586), Mme [H] a été engagée en qualité de femme de chambre par la société Hôtel du [2] selon contrats de travail à durée déterminée saisonniers durant trente-sept années consécutives, de 1976 à 2012.
2. Alors qu'elle a fait valoir ses droits à retraite le 1er novembre 2010, elle a travaillé deux saisons supplémentaires.
3. Le 30 octobre 2013, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée saisonniers en contrat à durée indéterminée et de demandes en paiement relatives à l'exécution et à la rupture de ce contrat.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre d'indemnité légale de licenciement, alors « que l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ à la retraite, qui ont le même objet, à savoir l'indemnisation de la rupture du contrat de travail, ne se cumulent pas ; que la cour d'appel qui, après avoir condamné l'employeur au paiement d'une somme de 7 596,78 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite, a, pour allouer à la salariée une somme de 39 380 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, énoncé qu'en application de l'article L. 1234-9 du code du travail, Mme [H] salariée titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licenciée alors qu'elle comptait une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, avait droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement égale à 1/5e de mois à partir d'une année d'ancienneté, outre 2/15e de mois au-delà de dix ans, a violé l'article L. 1234-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1234-9, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et l'article L. 1237-9 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 :
6. Aux termes du premier de ces textes, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
7. Aux termes du second, tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite. Le taux de cette indemnité varie en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Ses modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement. Ce taux et ces modalités de calcul sont déterminés par voie réglementaire.
8. Il en résulte que l'indemnité de départ à la retraite ne peut se cumuler avec l'indemnité de licenciement.
9. Pour condamner l'employeur au paiement d'une indemnité légale de licenciement, l'arrêt, après avoir requalifié les contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée, à compter de 1976 et jusqu'au 17 octobre 2012, et alloué à la salariée une indemnité de départ à la retraite, retient qu'il n'est pas établi que c'est volontairement que cette dernière a pris l'initiative de la rupture du contrat de travail lorsqu'elle a fait valoir ses droits à la retraite. Il en conclut que le contrat de travail à durée indéterminée ne peut être considéré comme ayant été rompu à cette date et que la date de la rupture de la relation contractuelle se situe donc au 17 octobre 2012, date du terme du dernier contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée. Il ajoute que, par l'effet de la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat de travail, le 17 octobre 2012, s'analyse en un licenciement, en l'occurrence sans cause réelle et sérieuse.
10. L'arrêt énonce encore qu'en application de l'article L. 1234-9 du code du travail, la salariée, titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licenciée alors qu'elle compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit à une indemnité de licenciement égale à [(3 580 x 1/5) x 37] + [(3 580 x 2/15) x 27)] = 39 380 euros.
11. En statuant ainsi, alors que l'indemnité de départ à la retraite ne peut se cumuler avec l'indemnité de licenciement, laquelle n'est alors due que sous déduction de l'indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hôtel du [2] à payer à Mme [H] la somme de 39 380 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 8 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Hôtel du [2] à payer à Mme [H] la somme de 31 783,22 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
Condamne Mme [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.