LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation partielle
sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1119 FS-B
Pourvoi n° D 22-23.689
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La Fédération des employés et cadres Force ouvrière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 22-23.689 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à France travail, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de Pôle emploi, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de France travail, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2022), par actes des 16, 24 et 25 mars et des 21 et 23 avril 2020, la Fédération des employés et cadres Force ouvrière (le syndicat) a saisi un tribunal judiciaire pour qu'il soit interdit à Pôle emploi, aux droits duquel vient France travail, d'exclure tout élément de rémunération versé dans la période de référence de l'assiette de calcul de la prime et qu'il lui soit enjoint de régulariser la situation de tous les salariés dont l'indemnité de treizième mois sur la période 2016 à 2019 a été calculée sans y inclure notamment la monétisation des droits affectés au compte épargne-temps, la prime conférencier et la prime médaille du travail.
Examen des moyens
Sur les troisième et quatrième moyens
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à interdire à Pôle emploi d'exclure de l'assiette de calcul du treizième mois les sommes afférentes à la monétisation des droits affectés au compte épargne-temps versées et de limiter à une certaine somme les dommages-intérêts qui lui ont été alloués, alors « que aux termes de l'article 13 de la convention collective de Pôle emploi du 21 novembre 2009, ''une indemnité dite de 13e mois, égale à 1/12 de la rémunération brute perçue entre le 1er décembre de l'année précédente et le 30 novembre de l'année en cours, est attribuée en fin d'année. Elle ne peut être inférieure au montant du salaire normal du dernier mois de l'année'' ; qu'en l'absence de toute disposition contraire, tous les éléments de rémunération ayant été versés au salarié durant la période susvisée doivent être inclus dans l'assiette de calcul de cette indemnité ; qu'en refusant d'y inclure les sommes perçues au titre du rachat des droits issus du compte épargne-temps en application de l'article 14 de l'accord collectif du 30 septembre 2010 relatif à l'organisation et l'aménagement du temps de travail, lesquelles constituent pourtant des éléments de rémunération versés aux salariés lors de la période de référence de calcul du treizième mois, peu important la liberté des salariés de choisir ou non d'alimenter leur compte épargne-temps, et la discordance entre la périodicité des sommes perçues au titre de ce compte et celle afférente de la rémunération afférente à la prestation de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 3151-2 du code du travail, le compte épargne-temps permet au salarié d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu'il y a affectées.
5. Les sommes issues de l'utilisation, par le salarié, des droits affectés sur son compte épargne-temps ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération, puisque, d'une part, le salarié et l'employeur décident librement de l'alimentation de ce compte et que, d'autre part, la liquidation du compte épargne-temps ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables.
6. Selon l'article 13 de la convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009, une indemnité dite de treizième mois, égale au douzième de la rémunération brute perçue entre le 1er décembre de l'année précédente et le 30 novembre de l'année en cours est attribuée en fin d'année. Elle ne peut être inférieure au montant du salaire normal du dernier mois de l'année.
7. Selon l'article 14 de l'accord du 30 septembre 2010, relatif à la monétisation des droits affectés au compte épargne-temps, l'agent, qui souhaite bénéficier d'une rémunération complémentaire, a la faculté de demander le déblocage sous forme monétaire des droits épargnés sous réserve d'en faire la demande un mois avant. La conversion monétaire ne peut intervenir qu'une fois dans l'année. Les sommes débloquées sont calculées sur la base de la rémunération annuelle brute ramenée à temps plein calculée de date à date précédant le mois de la demande. Ces sommes sont soumises aux prélèvements sociaux et fiscaux dans les mêmes conditions que les salaires.
8. Après avoir énoncé à bon droit que les sommes correspondant au rachat des droits épargnés ne répondaient à aucune périodicité, de sorte qu'elles n'étaient pas relatives à la période de référence définie pour le calcul de l'indemnité de treizième mois, la cour d'appel a exactement décidé qu'elle n'avaient pas à être incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de treizième mois.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais qur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
10. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à interdire à Pôle emploi d'exclure de l'assiette de calcul du treizième mois les sommes afférentes à la prime relative à la médaille d'honneur du travail versées durant la période de référence et de limiter à une certaine somme le montant des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice collectif, alors « qu'aux termes de l'article 13 de la convention collective de Pôle emploi du 21 novembre 2009, ''une indemnité dite de 13e mois, égale à 1/12 de la rémunération brute perçue entre le 1er décembre de l'année précédente et le 30 novembre de l'année en cours, est attribuée en fin d'année. Elle ne peut être inférieure au montant du salaire normal du dernier mois de l'année'' ; qu'en l'absence de toute disposition contraire, tous les éléments de rémunération ayant été versés au salarié durant la période susvisée doivent être inclus dans l'assiette de calcul de cette indemnité ; qu'en refusant d'y inclure les sommes perçues au titre de la prime relative à la médaille d'honneur du travail, lesquelles constituent pourtant des éléments de rémunération versés aux salariés lors de la période de référence de calcul du treizième mois, peu important leur périodicité, la qualification de gratification et leur non éligibilité à la tolérance administrative d'exonération de cotisations sociales, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 13 et 15 de la convention collective nationale de Pôle emploi du 21 novembre 2009 :
11. Selon le premier de ces textes, une indemnité dite de treizième mois, égale au douzième de la rémunération brute perçue entre le 1er décembre de l'année précédente et le 30 novembre de l'année en cours est attribuée en fin d'année. Elle ne peut être inférieure au montant du salaire normal du dernier mois de l'année.
12. Selon le second, l'agent qui obtient la médaille d'honneur du travail bénéficie d'une gratification d'un vingt-quatrième de salaire brut annuel pour la médaille d'argent, d'un seizième de salaire brut annuel pour la médaille de vermeil, d'un douzième de salaire brut annuel pour la médaille d'or et d'un huitième de salaire brut annuel pour la grande médaille d'or.
13. Pour débouter le syndicat de sa demande tendant à interdire à Pôle emploi d'exclure de l'assiette de calcul du treizième mois les sommes afférentes à la prime relative à la médaille d'honneur du travail versées durant la période de référence, l'arrêt retient que les primes relatives aux médailles du travail sont des gratifications qui ne constituent pas un salaire.
14. En statuant ainsi, alors que les gratifications relatives aux médailles du travail, prévues par la convention collective nationale de Pôle emploi et versées à l'occasion du travail, sont obligatoires et constituent une rémunération perçue pendant la période de référence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
17. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Pôle emploi aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la Fédération des employés et cadres Force ouvrière de sa demande tendant à interdire à Pôle emploi d'exclure de l'assiette de calcul du treizième mois les sommes afférentes à la prime relative à la médaille d'honneur du travail versées durant la période de référence et de limiter à une certaine somme le montant des dommages -intérêts dus en réparation du préjudice collectif, l'arrêt rendu le 6 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que France travail doit inclure dans l'assiette de calcul du treizième mois les sommes afférentes à la prime relative à la médaille d'honneur du travail versées durant la période de référence ;
Condamne France travail à verser à la Fédération des employés et cadres Force ouvrière la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif ;
Condamne France travail aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par France travail et le condamne à payer à la Fédération des employés et cadres Force ouvrière la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.