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06/11/2024 | FRANCE | N°52401120

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 novembre 2024, 52401120


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 6 novembre 2024








Cassation partielle
sans renvoi




M. SOMMER, président






Arrêt n° 1120 FS-B


Pourvoi n° Y 22-17.106








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____________

_____________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024


La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-17.106 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 novembre 2024

Cassation partielle
sans renvoi

M. SOMMER, président

Arrêt n° 1120 FS-B

Pourvoi n° Y 22-17.106

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024

La société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-17.106 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant au syndicat Union des navigants de l'aviation civile, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Air France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat Union des navigants de l'aviation civile, les plaidoiries de Me Le Prado et de Me Antoine Lyon-Caen, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mme Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2022), la société Air France (la société) a conclu, le 15 mars 2013, avec le syndicat Union des navigants de l'aviation civile (le syndicat) un accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016.

2. Le 27 novembre 2018, le syndicat a saisi un tribunal judiciaire afin que la société soit condamnée à respecter les dispositions de l'accord précité en limitant l'application de la norme conventionnelle du gel des échelons à son seul effet immédiat sur la rémunération du personnel navigant commercial sur la période du 1er avril 2013 au 1er avril 2016, à repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau de l'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel, à procéder au rattrapage salarial de ces salariés et à lui payer des dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de lui ordonner, sous astreinte, de respecter les dispositions de l'accord collectif 2013-2016 concernant le gel et le dégel des échelons du personnel navigant commercial en limitant l'application de la norme conventionnelle de gel des échelons à son seul effet immédiat sur la rémunération de ce personnel sur la période du 1er avril 2013 au 1er avril 2016, de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée et ainsi leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon, de procéder au rattrapage salarial de ces salariés à compter du 1er avril 2016 tel que découlant de la reconstitution de carrière en termes d'échelon et de leur repositionnement et de la condamner à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l'accord collectif du 15 mars 2013 et du principe d'égalité de traitement, alors :

« 1°/ que l'article B.1.3 de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016 du 15 mars 2013, conclu en application du plan de transformation de l'entreprise, afin de définir les règles régissant les conditions de travail et de rémunération du personnel navigant commercial devant contribuer à la performance économique de l'entreprise nécessaire à son redressement, prévoit que, dans le cadre de la limitation de l'évolution de la masse salariale recherchée par l'entreprise, il est convenu de geler les changements d'échelons d'ancienneté à compter du 1er avril 2013, pour une durée de trois ans, jusqu'au 31 mars 2016 ; que l'accord ne prévoit pas que ce gel de changement d'échelon serait supprimé et ne produirait aucun effet à l'issue de la durée de son application ; qu'en considérant qu'il résulte littéralement et de manière claire et précise des termes de l'accord que le changement d'échelon du personnel navigant commercial, automatique en fonction de l'acquisition de l'ancienneté du salarié, sera bloqué le temps du plan Transform et de l'application des accords collectifs en résultant, qu'il s'agit d'un effet immédiat sur la rémunération des salariés du personnel navigant commercial concernés par le non changement d'échelon à la date anniversaire de l'ancienneté pendant une durée de trois ans et que la mesure de gel de changement d'échelon se limite aux seuls effets immédiats sur la rémunération du personnel navigant commercial sur une période déterminée du 1er avril 2013 au 1er avril 2016 sans que soit affectée l'évolution de carrière individuelle des salariés postérieurement au 1er avril 2016, la cour d'appel qui a substitué au gel de changement d'échelon prévu par l'accord un gel de la seule rémunération pour la durée de l'accord et a dit qu'à compter du 1er avril 2016, la société Air France devait procéder au dégel de l'évolution des échelons en a, ainsi, violé l'article B.1.3 ;

2°/ que l'article B.1.3., alinéa 4, de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016 du 15 mars 2013 prévoit que la période du plan Transform sera mise à profit pour étudier de nouvelles règles d'évolution de la rémunération de la carrière prenant en compte l'allongement de la carrière type, que, dans ce cadre, les règles permettant d'avoir un impact moyenné équivalent à la diminution de GVT (glissement vieillesse technicité) recherchée (0,6 %) seront définies, qu'à l'issue de la période de gel, les mesures d'avancement individuel seront décidées en prenant pour point d'origine fictif le 1er avril 2013 pour l'application des nouvelles règles, que l'accord entérinant les nouvelles règles d'évolution de la rémunération de la carrière se substituera au gel des échelons à compter du 1er avril 2016 ; qu'ayant constaté que le nouvel accord, ainsi prévu pour définir les règles d'évolution de la rémunération de la carrière permettant d'avoir un impact moyenné équivalent à la diminution de GVT recherchée de 0,6 %, qui devait se substituer au gel des échelons à compter du 1er avril 2016, n'était pas intervenu en temps utile, ce dont il résultait que la substitution des nouvelles règles au gel des échelons prévue par l'accord ne pouvait s'appliquer, pas davantage que le point de départ fictif des mesures d' avancement individuel à définir, la cour d'appel qui a jugé, au contraire, que la mention du 1er avril 2013 comme point d'origine fictif signifie que la période de gel est une parenthèse dans la carrière des agents concernés insusceptible de produire des effets au-delà de son terme et qu'il n'avait pas été spécifié qu'à défaut de conclusion d'un nouvel accord en temps utile, le gel des échelons se poursuivrait au-delà du terme fixé, a violé l'article B.1.3. de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016 du 15 mars 2013 ;

3°/ qu'un accord collectif, s'il manque de clarté, doit être interprété comme la loi, c'est-à-dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte ; que la cour d'appel a reproduit un extrait des dispositions de l'article B.1.3 de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016 puis, à sa suite, un extrait des dispositions de l'article B.1.3. de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2017-2022 avant d'énoncer que, sans qu'il y ait lieu à interprétation, il résultait de ces dispositions que la mesure de gel de changement d'échelon prévue par l'accord 2013-2016 se limitait évidemment aux seuls effets immédiats sur la rémunération du personnel navigant commercial sur une période déterminée du 1er avril 2013 au 1er avril 2016 sans que soit affectée l'évolution de carrière individuelle des salariés postérieurement au 1er avril 2016 et que cette interprétation était confirmée par les dispositions de l'accord 2017-2022 du 11 juillet 2017 ; que la cour d'appel a également interprété la clause de gel du changement d'échelon d'ancienneté prévu par l'article B.1.3. de l'accord collectif 2013-2016 du 15 mars 2013 au regard des principes, énoncés par ce texte, sur la base desquels un nouvel accord aurait dû intervenir pour se substituer au gel d'échelon à compter du 1er avril 2016 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui, contrairement à son affirmation, s'est livrée à une interprétation des dispositions de l'accord 2013-2016, sans respecter la méthodologie d'interprétation des accords collectifs et sans rechercher l'objectif social du gel du changement d'échelon d'ancienneté de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016, en a violé l'article B.1.3. ;

4°/ que l'article B.1.3. du l'accord collectif du personnel navigant commercial 2017-2022 du 11 juillet 2017 dispose que le nouveau tableau des échelons d'ancienneté et de progression dans ces échelons qu'il comporte ''vise à pérenniser pour les nouveaux embauchés la mesure Transform de gel des échelons prévues par l'accord collectif PNC 2013/2016. En conséquence, les PNC présents à la date du 1er septembre 2017 et positionnés dans les échelons d'ancienneté 1, 2 ou 3 à cette date seront positionnés dans ce nouveau tableau applicable au 1er septembre 2017 en prenant en compte l'intégralité de leur ancienneté compagnie'' ; qu'en énonçant, en dépit de l'affirmation de l'accord 2017-2022, de la pérennisation du gel des échelons prévue par l'accord 2013-2016, que l'interprétation de l'article B.1.3. de l'accord 2013-2016 en ce sens que la mesure de gel de changement d'échelon se limite aux seuls effets immédiats de la rémunération du personnel navigant commercial sur la période du 1er avril 2013 au 1er avril 2016 sans que soit affectée l'évolution de carrière individuelle des salariés postérieurement au 1er avril 2016 était confirmée a posteriori par l'accord du 11 juillet 2017 qui positionne les salariés dans les échelons en prenant en compte l'intégralité de leur ancienneté compagnie et non cette ancienneté amputée de la période de gel, a violé l'article B.1.3. de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2017-2022. »

Réponse de la cour

4. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est-à-dire, d'abord, en respectant la lettre du texte, ensuite, en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

5. Selon l'article 2 de l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016 du 15 mars 2013, qui est conclu pour une durée déterminée allant du 1er avril 2013 au 31 octobre 2016, les dispositions de l'accord collectif cesseront de produire tout effet au 31 octobre 2016 et ne sauraient en aucun cas se transformer en accord à durée indéterminée à cette échéance.

6. Selon l'article B.1.3. de ce même accord, dans le cadre de la limitation de la masse salariale recherchée par l'entreprise, il est convenu de geler les changements d'échelon à compter du 1er avril 2013, et ce pour une durée de trois ans, soit jusqu'au 31 mars 2016. A l'issue de la période de gel, les mesures d'avancement individuel seront décidées en prenant pour point d'origine fictif le 1er avril 2013 pour l'application des nouvelles règles. L'accord entérinant les nouvelles règles d'évolution de la rémunération de la carrière se substituera au gel des échelons présentés ci-dessus, à compter du 1er avril 2016.

7. Il en résulte que la mesure de gel des changements d'échelon est limitée à la période prévue par l'accord collectif du personnel navigant commercial 2013-2016.

8. La cour d'appel, qui a retenu que la mesure de gel de changement d'échelon se limitait aux seuls effets immédiats sur la rémunération du personnel navigant commercial sur une période déterminée du 1er avril 2013 au 1er avril 2016, sans que soit affectée l'évolution de carrière individuelle des salariés postérieurement au 1er avril 2016, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'ordonner à la société, sous astreinte, de respecter les dispositions de l'accord collectif 2013-2016 concernant le gel et le dégel des échelons du personnel navigant commercial en limitant l'application de la norme conventionnelle de gel des échelons à son seul effet immédiat sur la rémunération de ce personnel sur la période du 1er avril 2013 au 1er avril 2016

Enoncé du moyen

10. La société fait ce grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article L. 2132-3 du code du travail, un syndicat professionnel signataire d'un accord collectif peut agir en justice pour contester l'interprétation de cet accord collectif faite par l'employeur, pour faire constater une irrégularité commise dans l'application de cet accord et pour solliciter des dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, sans pouvoir prétendre obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation des salariés concernés ; que, pour écarter la fin de non-recevoir, soulevée par la société Air France, tirée du défaut de qualité de l'UNAC, en sa qualité de syndicat représentatif du personnel navigant commercial signataire de l'accord collectif du 15 mars 2013, à former des demandes relatives aux droits individuels des salariés et pour ordonner à la société Air France de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée en ce qu'elle se limitait au seul effet immédiat sur la rémunération du personnel navigant commercial pendant une période déterminée du 1er avril 2013 au 1er avril 2016, à voir leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon et à procéder au rattrapage salarial de ces salariés découlant de leur reconstitution de carrière et de leur repositionnement, la cour d'appel qui a énoncé que le syndicat qui sollicitait du juge judiciaire de tirer les conséquences de la violation par l'employeur d'un accord collectif et de respecter ledit accord dont il était signataire, avait nécessairement qualité pour agir, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

12. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte.

13. L'arrêt retient que le syndicat sollicite du juge judiciaire de tirer les conséquences de la violation par l'employeur d'un accord collectif et de lui enjoindre de respecter ledit accord collectif. Il ajoute que le syndicat, qui est signataire de cet accord collectif, a nécessairement qualité à agir.

14. La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action du syndicat, qui tend à la reconnaissance d'une irrégularité au regard de dispositions conventionnelles et à mettre fin à cette irrégularité et à obtenir la réparation du préjudice qui en résulte, relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession.

15. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais, sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de lui ordonner de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée et ainsi leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon, de procéder au rattrapage salarial de ces salariés à compter du 1er avril 2016 tel que découlant de la reconstitution de carrière en termes d'échelon et de leur repositionnement

Enoncé du moyen

16. La société fait ce grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article L. 2132-3 du code du travail, un syndicat professionnel signataire d'un accord collectif peut agir en justice pour contester l'interprétation de cet accord collectif faite par l'employeur, pour faire constater une irrégularité commise dans l'application de cet accord et pour solliciter des dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, sans pouvoir prétendre obtenir la condamnation de l'employeur à régulariser la situation des salariés concernés ; que, pour écarter la fin de non-recevoir, soulevée par la société Air France, tirée du défaut de qualité de l'UNAC, en sa qualité de syndicat représentatif du personnel navigant commercial signataire de l'accord collectif du 15 mars 2013, à former des demandes relatives aux droits individuels des salariés et pour ordonner à la société Air France de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée en ce qu'elle se limitait au seul effet immédiat sur la rémunération du personnel navigant commercial pendant une période déterminée du 1er avril 2013 au 1er avril 2016, à voir leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon et à procéder au rattrapage salarial de ces salariés découlant de leur reconstitution de carrière et de leur repositionnement, la cour d'appel qui a énoncé que le syndicat qui sollicitait du juge judiciaire de tirer les conséquences de la violation par l'employeur d'un accord collectif et de respecter ledit accord dont il était signataire, avait nécessairement qualité pour agir, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

17. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

18. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.

19. Pour faire droit à la demande du syndicat, l'arrêt retient que celui-ci sollicite du juge judiciaire de tirer les conséquences de la violation par l'employeur d'un accord collectif et de lui enjoindre de respecter ledit accord collectif. Il ajoute que le syndicat, qui est signataire de cet accord collectif, a nécessairement qualité à agir.

20. En statuant ainsi, alors que l'action du syndicat, en ce qu'elle tend à ce qu'il soit ordonné à la société de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée et ainsi leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon et de procéder au rattrapage salarial de ces salariés à compter du 1er avril 2016 tel que découlant de la reconstitution de carrière en termes d'échelon et de leur repositionnement, tend à la régularisation de la situation individuelle des salariés concernés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

21. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

22. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

23. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne, sous astreinte, à la société Air France, de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée et ainsi leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon, de procéder au rattrapage salarial de ces salariés à compter du 1er avril 2016 tel que découlant de la reconstitution de carrière en termes d'échelon et de leur repositionnement, l'arrêt rendu le 31 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande du syndicat Union des navigants de l'aviation civile qui tend à ce qu'il soit ordonné à la société Air France de repositionner les salariés concernés à compter du 1er avril 2016 au niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure de dégel telle qu'interprétée et ainsi leur carrière reconstituée en termes de progression d'échelon et de procéder au rattrapage salarial de ces salariés à compter du 1er avril 2016 tel que découlant de la reconstitution de carrière en termes d'échelon et de leur repositionnement ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Air France et la condamne à payer au syndicat Union des navigants de l'aviation civile la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401120
Date de la décision : 06/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Analyses

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action tendant à faire constater la violation par l'employeur d'un accord collectif - Cas - Injonction d'avoir à respecter un accord collectif - Portée

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en régularisation de la situation individuelle de salariés - Action tendant à repositionner les salariés à un niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté, à reconstituer leur carrière et à procéder à un rattrapage salarial - Portée

Il résulte l'article L. 2132-3 du code du travail que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. Dès lors, fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui juge que relève de la défense de l'intérêt collectif l'action d'un syndicat tendant à faire constater la violation par l'employeur d'un accord collectif et à enjoindre à celui-ci de respecter ledit accord. En revanche, encourt la cassation la cour d'appel qui, sur demande d'un syndicat, ordonne à l'employeur de repositionner les salariés concernés à compter d'une certaine date à un niveau d'échelon correspondant à leur ancienneté conformément à la mesure contenue dans un accord collectif, à reconstituer leur carrière et à procéder à un rattrapage salarial, dès lors que cette action collective tend à la régularisation de la situation individuelle des salariés concernés


Références :

Article L. 2132-3 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mars 2022

Sur la recevabilité de l'action du syndicat à rapprocher : Soc., 22 novembre 2023, pourvoi n° 22-14807, (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 nov. 2024, pourvoi n°52401120


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401120
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