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13/11/2024 | FRANCE | N°C2401346

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 2024, C2401346


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° J 23-82.187 F-D


N° 01346




RB5
13 NOVEMBRE 2024




CASSATION




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 NOVEMBRE 2024






M. [M

] [P] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 31 mars 2023, qui, après condamnation des chefs de menace, violence ou acte d'intimidation envers une personne dépositaire de l'autorit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° J 23-82.187 F-D

N° 01346

RB5
13 NOVEMBRE 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 NOVEMBRE 2024

M. [M] [P] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 31 mars 2023, qui, après condamnation des chefs de menace, violence ou acte d'intimidation envers une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion, en récidive, et outrage, a prononcé sur les peines et les intérêts civils.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [M] [P] [L], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A l'occasion d'un contrôle d'identité, des fonctionnaires de police ont été victimes de tirs de mortier d'artifice et de jets de projectiles. Alors qu'une première personne se faisait interpeller après des tirs de mortier, M. [M] [P] [L] s'est manifesté par sa volonté d'empêcher cette opération avant de finir par être interpellé à son tour.

3. M. [L] a été poursuivi des chefs de menaces, de violences ou autre acte d'intimidation pour obtenir de fonctionnaires de la police nationale qu'ils accomplissent ou s'abstiennent d'accomplir un acte de leur fonction ou facilité par leur fonction, en l'espèce en déclarant notamment « caillassez-les, ils veulent me prendre ces bâtards de condés, vous allez rien faire c'est ma cité », de rébellion, ce en récidive, et d'outrage.

4. Son co-prévenu a, quant à lui, été poursuivi du chef de violences aggravées, en l'espèce « en allumant un mortier et en le dirigeant vers les fonctionnaires de police en opération ».

5. Les juges du premier degré ont déclaré M. [L] coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'ont condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement, ont ordonné son maintien en détention et ont prononcé sur les intérêts civils.

6. Le prévenu a relevé appel de cette décision, le ministère public a formé appel incident. Ils ont successivement limité leurs appels sur les dispositions pénales à celles relatives à la peine.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a porté à quatre ans d'emprisonnement ferme la peine prononcée contre M. [L] et a ordonné son maintien en détention, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 502 et 509 du code de procédure pénale que lorsque le prévenu et le ministère public limitent leurs appels d'une décision de condamnation aux peines prononcées, la cour d'appel n'est pas saisie de cette décision sur la culpabilité qui est revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'ainsi, elle ne peut remettre en cause ce qui a été jugé sur la culpabilité et ne peut se fonder, pour apprécier le quantum de la peine, sur des faits autres que ceux imputés au prévenu par les premiers juges dans les motifs de leur décision ; qu'en l'espèce, le tribunal correctionnel a constaté que M. [L] n'a « pas tenu le mortier » dont seul M. [R] a fait usage lors de l'échauffourée (jugement, p. 6, §10 ; p. 5 § 2 et 3) ; que le jugement ne retient contre lui que les propos qu'il a tenus pour qualifier les outrages et les actes d'intimidation dont il est déclaré coupable » (jugement, p. 5, §9) ; qu'en se fondant néanmoins sur l'« usage [par M. [L]] d'un mortier d'artifice afin d'impressionner les policiers et les inciter à quitter les lieux » (arrêt, p. 11, avant-dernier §) pour porter la peine prononcée à quatre ans d'emprisonnement ferme, les juges supérieurs, qui étaient saisis des appels du prévenu et du ministère public limités aux peines prononcées (arrêt p.9 derniers §), ont méconnu l'effet dévolutif de l'appel et l'autorité de la chose jugée par le jugement correctionnel, en violation des textes susvisés et des articles 6 du code de procédure pénale et 4.1 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;

2°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont régulièrement saisis et à l'encontre des prévenus qui leur sont légalement déférés, à moins que ceux-ci n'acceptent expressément d'être jugés sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, les seuls faits reprochés à M. [L] était d'avoir « di[t] notamment ¿bandes de bâtards' », d'avoir « déclar[é] notamment ¿caillassez-les, ils veulent me prendre ces bâtards de condés, vous allez rien faire c'est ma cité' » et de s'être « débatt[u] en leur portant des coups de poing et des coups de pied » (arrêt, p. 4, §2) ; que pour le condamner à une peine de quatre ans d'emprisonnement ferme, l'arrêt se fonde sur l'« usage d'un mortier d'artifice afin d'impressionner les policiers et les inciter à quitter les lieux » (arrêt, p. 11, avant-dernier §) ; qu'en aggravant ainsi la peine prononcée à l'encontre de M. [L] en considération d'un fait non compris dans la prévention, la cour d'appel a non seulement méconnu l'autorité de chose jugée du jugement définitif sur la déclaration de culpabilité mais encore excédé ses pouvoirs en violation des articles préliminaire et 388 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6 et 388 du code de procédure pénale :

8. Selon le premier de ces textes, l'action publique pour l'application de la peine s'éteint notamment par la chose jugée.

9. Il se déduit du second que, s'il appartient aux juges de retenir tous les faits qui, bien que non expressément visés dans le titre de poursuite, ne constituent que des circonstances du fait principal, s'y rattachant et propres à le caractériser, il leur est interdit de statuer sur des faits autres que ceux qui leur sont déférés.

10. Il en résulte que la cour d'appel, saisie d'un appel sur la peine, doit, pour statuer sur celle-ci, se prononcer au regard des circonstances de l'infraction reprochée au prévenu, telles qu'elles ont été constatées par le tribunal correctionnel.

11. Pour fixer la peine prononcée contre M. [L] à quatre ans d'emprisonnement, l'arrêt attaqué fait état des éléments de personnalité ressortant du dossier, de deux extraits de décisions pénales versées en procédure, de sa déclaration de culpabilité dans la présente instance devenue définitive et énonce que les faits, qui ont été commis en état de récidive, sont d'une particulière gravité, le prévenu ayant incité des individus à commettre des violences envers les fonctionnaires de police, indications suivies d'effet puisque ces derniers ont subi des jets de projectiles qui ont atteint deux d'entre eux, et qu'il a également fait usage d'un mortier d'artifice afin d'impressionner les policiers et de les inciter à quitter les lieux.

12. En retenant ainsi, pour aggraver sa peine, que le condamné avait fait usage d'un mortier d'artifice alors qu'il résultait des énonciations du tribunal correctionnel qu'il ne l'avait pas tenu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

13. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions relatives à M. [L], l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 31 mars 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2401346
Date de la décision : 13/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 nov. 2024, pourvoi n°C2401346


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:C2401346
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