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11/12/2024 | FRANCE | N°52401265

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2024, 52401265


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 décembre 2024








Cassation partielle sans renvoi




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1265 F-D


Pourvoi n° X 21-23.748




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE F

RANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024


1°/ La société Daw, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],


2°/ la société Les Mandataires, sociét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 décembre 2024

Cassation partielle sans renvoi

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1265 F-D

Pourvoi n° X 21-23.748

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024

1°/ La société Daw, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], agissant en la personne de M. [T] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Daw,

ont formé le pourvoi n° X 21-23.748 contre l'arrêt rendu le 8 septembre 2021 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [Y] [K], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société Les Mandataires, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [T] [M], en qualité de mandataire judiciaire de la société Daw,

3°/ à France travail, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommé Pôle emploi,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Daw, de la société Les Mandataires, ès qualités, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 septembre 2021), M. [K] a été engagé en qualité de directeur adjoint à compter du 2 janvier 2011, par la société Daw (la société). Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait les fonctions de directeur d'usine.

2. Son contrat de travail a été rompu le 5 février 2019, à l'issue du délai de réflexion dont il disposait, après son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l'entretien préalable, le motif économique de la rupture lui ayant été notifié par lettre du 1er février 2019.

3. Contestant la rupture de son contrat de travail, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes salariales et indemnitaires.

4. Par jugement du 7 décembre 2023, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Daw, la société Les Mandataires étant désignée en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La société et le liquidateur font grief à l'arrêt de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner la société à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts, ainsi que de la condamner, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement à celui de l'arrêt, alors « qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux ou modes de distribution, se rapportant à un même marché" ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Daw, qui fait application de la convention collective de l'industrie textile, fabrique des bas, chaussettes, collants, lingeries, gaines, bonnets couvre-moignons et interfaces pour corset pour l'usage des personnes handicapées ; elle fournit la société Oko solution ; la société Oko solution est, quant à elle, distributeur de matériaux, composants et machines pour l'orthopédie externe ; elle fournit aux orthoprothésistes ce qui est nécessaire à la fabrication d'une prothèse et d'une orthèse" ; que pour dire le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et condamner la société au paiement de dommages-intérêts à ce titre, la cour d'appel a retenu qu'à plusieurs reprises dans le cadre de la procédure de licenciement, la société avait revendiqué de fabriquer des produits textiles pour l'orthopédie externe, en sorte que les activités exercées au sein du groupe relevaient toutes du domaine médical, voire d'un même domaine médical ; qu'ainsi, selon la cour d'appel, s'il existe une différence de métiers ou de produits commercialisés au sein des deux sociétés, le secteur d'activité a une définition plus large qui comprend la finalité des produits qui est, en l'espèce, ce qui a trait à l'appareillage" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que les métiers au sein des sociétés Daw et Oko solution étaient distincts, qu'elles commercialisaient des produits différents, et que leurs circuits de distribution et clientèles l'étaient également, ce qui était de nature à exclure leur appartenance à un même secteur d'activité tel que défini par l'article L. 1233-3 du code du travail, la cour d'appel a violé ledit article dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ou à la cessation d'activité de l'entreprise. Si la réalité de la suppression ou transformation d'emploi ou de la modification du contrat de travail est examinée au niveau de l'entreprise, les difficultés économiques ou la nécessaire sauvegarde de la compétitivité doivent être appréciées au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée.

8. Aux termes de l'avant-dernier alinéa de ce texte, le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

9. Il en résulte que la spécialisation d'une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

10. La cour d'appel, après avoir constaté que la société appartenait au groupe formé par la holding de tête et par une autre filiale, la société Oko solution, a relevé que la société fabriquait des bas, chaussettes, collants, lingeries, gaines, bonnets couvre-moignons et interfaces pour corset pour l'usage des personnes handicapées et fournissait la société Oko solution, laquelle distribuait des composants et machines pour l'orthopédie.

11. Elle a ensuite souligné que la société avait revendiqué à plusieurs reprises le fait d'exercer elle-même dans le secteur de l'orthopédie, d'abord dans un courriel du 10 mars 2017 par lequel elle informait le personnel du changement de direction à la tête de la holding et, ensuite, dans la lettre de licenciement et qu'il était incontestable que la société fabriquait des produits textiles pour l'orthopédie externe.

12. Elle a enfin retenu que les activités exercées par le groupe auquel appartenait l'entreprise relevaient toutes du même domaine médical, que s'il existait une différence de métiers ou de produits commercialisés au sein des deux sociétés, le secteur d'activité avait une définition plus large qui comprenait la finalité des produits, laquelle était en l'espèce, ce qui avait trait à l'appareillage.

13. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire que la spécialisation invoquée par la société ne suffisait pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu et que le périmètre pertinent du secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique de la rupture était celui du domaine médical de l'orthopédie.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. La société et le liquidateur font grief à l'arrêt de condamner la société, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement à celui de son arrêt, alors « qu' en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ; qu'en l'espèce, il était constant que la rupture du contrat de travail était intervenue par suite de l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en ordonnant cependant à la société Daw de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d'indemnités, sans tenir compte de la contribution versée par l'employeur à titre de participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-69 dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 et L. 1235-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-69 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 :

16. Il résulte de ces textes qu'en l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.

17. Après avoir dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt condamne l'employeur à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. Tel que suggéré par la société, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. L'employeur doit être déclaré tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées aux salariés, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Daw, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement à celui de l'arrêt, l'arrêt rendu le 8 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Ordonne à la société Les Mandataires, en sa qualité de liquidateur de la société Daw, de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [K] dans la limite de six mois d'indemnités et sous déduction de la contribution prévue par l'article L. 1233-69 du code du travail ;

Condamne la société Les Mandataires, en sa qualité de liquidateur de la société Daw, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la à la société Les Mandataires, ès qualités, et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401265
Date de la décision : 11/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 08 septembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2024, pourvoi n°52401265


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401265
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