LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 décembre 2024
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1272 F-D
Pourvoi n° B 22-20.260
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024
M. [L] [N], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-20.260 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant au syndicat mixte de la Base de plein air et de loisirs de [Localité 2]-[Localité 3], dont le siège est [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [N], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat du syndicat mixte de la Base de plein air et de loisirs de [Localité 2]-[Localité 3], après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Panetta, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 16 juin 2022), M. [N] a été engagé en qualité de moniteur de golf, le 6 avril 2009, par l'association sportive du golf de [Localité 2]-[Localité 3] (l'association).
2. Par jugement du 10 décembre 2018, cette association a été placée en redressement judiciaire, une période d'observation ayant été ordonnée. Par jugement du 4 février 2019, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire et Mme [P] a été désignée en qualité de liquidateur.
3. Le 15 février 2019, le liquidateur a notifié au salarié son licenciement pour motif économique en précisant qu'il était effectué pour préserver ses droits pour le cas où il serait considéré comme faisant encore partie des effectifs de l'association, le liquidateur indiquant considérer que son contrat de travail avait été transféré de plein droit au syndicat mixte de la Base de [Localité 2]-[Localité 3] (le syndicat mixte) à compter du 1er janvier 2019. Le contrat de travail a été rompu le 7 mars 2019 à l'issue du délai de réflexion dont disposait le salarié, après son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en constatation du transfert de son contrat de travail au syndicat mixte, en résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts de ce dernier et en paiement de rappels de salaire et d'indemnités subséquentes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors :
« 1°/ que l'article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, peu important que cette activité soit secondaire ou accessoire ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'y avait pas eu transfert d'une entité économique autonome entre l'association sportive du golf de [Localité 2]-[Localité 3] et le syndicat mixte de la Base de plein air et de loisirs de [Localité 2]-[Localité 3], la cour d'appel a retenu que ''l'objet de l'association sportive du golf de [Localité 2]-[Localité 3] ne peut en aucune manière se résumer à la délivrance d'un enseignement du golf, cette activité n'étant que l'accessoire de son objet principal qui est d'organiser, animer, contrôler et développer le sport du golf suivant les règlements en vigueur et permettre à ses membres de l'encourager et de le pratiquer en qualité d'amateurs'' ; qu'en relevant le caractère accessoire de l'activité transférée, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ qu'il y a transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise dès lors que des moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité son repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant, peu important que seule une branche d'activité soit transférée ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'y avait pas eu transfert d'une entité économique autonome, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait ''de la convention signée avec le syndicat mixte de la Base de plein air et de loisirs de [Localité 2]-[Localité 3] qui faisait de l'affiliation de l'association à la Fédération française du golf une condition nécessaire, de même que ses membres devaient en être licenciés, sachant que cette affiliation est seule à même de permettre d'obtenir une licence sportive pour participer aux activités sportives et aux compétitions sportives officielles et homologuées'' et qu' ''à défaut pour le syndicat mixte de la Base de plein air et de loisirs de [Localité 2]-[Localité 3] de pouvoir être affilié à la Fédération française du golf en ce que cela ne ressort nullement de son objet social, il ne peut être considéré qu'il y aurait eu transfert d'une entité économique autonome conservant son identité dès lors qu'aucun transfert des ventes de licence et des adhésions n'a pu intervenir, et ce, quand bien même il est justifié que le syndicat a contribué à la poursuite de l'enseignement du golf par le biais de contrats de prestations signés notamment avec les autres salariés antérieurement engagés par l'association sportive du golf de [Localité 2]-[Localité 3]'' ; qu'en statuant ainsi quand le fait que les activités de l'association sportive du golf de [Localité 2]-[Localité 3] permettant à ses membres de participer à des activités sportives et à des compétitions sportives officielles et homologuées n'aient pas été reprises par le syndicat mixte au motif que ce dernier n'aurait pas été affilié à la Fédération française du golf n'était pas de nature à faire obstacle au transfert de l'activité économique autonome que constituait l'activité d'enseignement du golf, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :
6. Selon ce texte, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001, les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique, conservant son identité, dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant.
7. Pour écarter l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'arrêt retient que, s'il y a eu une modification juridique de la situation de l'association au 4 février 2019, en raison de sa liquidation judiciaire ayant entraîné la cessation de son activité et de son occupation des installations mises à sa disposition par le syndicat mixte, si celui-ci a contribué à la poursuite de l'enseignement du golf en signant des contrats de prestations notamment avec deux anciens salariés de l'association, le syndicat mixte n'a toutefois pas repris et poursuivi une entité économique autonome ayant conservé son identité, la délivrance d'un enseignement du golf ne constituant qu'une activité accessoire de l'association, dont l'objet principal était l'organisation, l'animation, le développement du golf suivant les règlements en vigueur, l'affiliation à la Fédération française de golf étant une condition nécessaire pour la vente de licences et adhésions ainsi que pour la participation aux activités sportives et aux compétitions officielles et homologuées alors que le syndicat mixte n'était pas affilié à cette Fédération.
8. En statuant ainsi, par un motif inopérant tiré du caractère accessoire de l'activité d'enseignement du golf exercée par l'association et alors qu'elle avait constaté que l'ensemble des moyens matériels nécessaires à l'enseignement du golf antérieurement assuré par l'association avait été transmis au syndicat mixte, propriétaire des terrains et installations à l'intérieur desquels était assuré cet enseignement et que celui-ci avait poursuivi la même activité, auprès d'un même public d'adhérents, sans modification de l'identité de l'entité ainsi transférée, peu important que ce syndicat mixte ne soit pas affilié à la Fédération française de golf, ce dont elle aurait dû déduire le transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation d'une entité économique autonome, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne le syndicat mixte de la Base de plein air et de loisirs de [Localité 2]-[Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile le condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre.