LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 24-85.764 F-B
N° 01706
RB5
17 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 DÉCEMBRE 2024
M. [F] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 4 septembre 2024, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de viols, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [F] [G], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 18 septembre 2023, la cour d'assises des Alpes-Maritimes a déclaré M. [F] [G] coupable du chef de viols et l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle.
3. L'accusé a relevé appel de cette décision et est en attente de son jugement par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.
4. Par requête du 9 août 2024, le ministère public a sollicité la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire de M. [G] pour une durée de six mois, alors « que la prolongation exceptionnelle de la détention ne peut être ordonnée sur le fondement de l'article 380-3-1 qu'à titre exceptionnel et s'il est fait état des raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire ; que, pour retenir des raisons de fait justifiant que soit ordonnée à titre exceptionnel la prolongation d'une détention d'un accusé privé sa liberté depuis plus de cinq ans, il appartient aux juges de caractériser en plus des circonstances insurmontables qui font obstacle au jugement, les diligences particulières mises en oeuvre pour réduire les délais d'audiencement ; qu'après avoir constaté que les capacités des juridictions criminelles des Bouches-du-Rhône en termes d'audiencement sont inférieures au nombre de dossiers en attente, que pour le premier semestre 2024 elles ont été entièrement utilisées pour l'examen de 13 affaires correspondant à 117 jours d'audience sur les 232 jours ouvrables dédiés au fonctionnement des juridictions criminelles des Bouches-du-Rhône et que dans ces conditions des choix ont dû être réalisés pour l'audiencement des affaires restant à juger qui ont conduit à une fixation de dossiers correspondant à des affaires plus anciennes et qui nécessitent des débats d'une durée importante, la chambre de l'instruction s'est limitée à faire état de ce que « malgré les diligences maximales accomplies pour permettre l'examen des dossiers à délai contraint, tous ceux dont l'échéance annuelle arrivait à terme à la fin du semestre n'ont pu l'être au cours dudit semestre » et que, s'agissant spécialement de la présente affaire, « des diligences ont été entreprises conformément au sens des décisions de la chambre criminelle » ; qu'en l'état de ces motifs, qui ne caractérisent pas de manière concrète les diligences particulières qui ont été entreprises pour réduire les délais d'audiencement, le président de la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 380-3-1 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
6. Pour ordonner la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que les juridictions criminelles des Bouches-du-Rhône sont engorgées en raison de l'augmentation du nombre de dossiers renvoyés devant la cour d'assises et la cour criminelle départementale, parmi lesquels un nombre croissant de dossiers de criminalité organisée devant être audiencés sur une semaine ou plus.
7. Le juge relève que pour le premier semestre 2024, deux cent trente-deux jours d'audience sont dédiés à la juridiction criminelle, quand cent trente-deux dossiers représentant un total de quatre cent trente-cinq jours d'audience sont en attente de jugement.
8. Il souligne que, sur cette période, le parquet général a été contraint d'audiencer une affaire sur quarante-deux jours, trois affaires sur dix jours chacune et neuf affaires sur cinq jours chacune, occupant cent dix-sept des deux cent trente-deux jours d'audience disponibles.
9. Il constate que l'audiencement du second semestre 2024 a subi les répercussions de cette situation, ayant rendu prioritaire l'examen des dossiers les plus urgents n'ayant pu être jugés au cours du semestre précédent.
10. Le juge retient en conséquence que cet obstacle de fait n'a pas permis d'examiner l'affaire dans un délai d'un an, bien que les diligences maximales aient été mises en oeuvre pour y parvenir.
11. En l'état de ces énonciations, dont il résulte notamment que deux formations de jugement criminel siègent de manière presque continue pour le département des Bouches-du-Rhône, le président de la chambre de l'instruction, qui a exposé, sans insuffisance ni contradiction, les raisons de fait et de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal et les diligences particulières mises en oeuvre pour permettre l'examen du dossier par la cour d'assises, a justifié sa décision.
12. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la prolongation exceptionnelle de la détention provisoire de M. [G] pour une durée de six mois, alors « que le président de la chambre de l'instruction saisi d'une demande de prolongation exceptionnelle de la détention sur le fondement de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale devant lequel, dans un mémoire régulièrement déposé au greffe, le détenu concerné présente une demande de mise en liberté sur le fondement de l'article 148-1 du même code en faisant valoir que les conditions de l'article 144 du même code ne sont plus réunies, ne peut ordonner la prolongation à titre exceptionnel de cette détention sans se prononcer sur cette demande en se conformant aux dispositions de l'article 144 du code de procédure pénale ; qu'en retenant le contraire, le président de la chambre de l'instruction a violé les articles 144 et 148-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
14. Pour répondre au mémoire sollicitant la mise en liberté de M. [G] au motif que la détention provisoire ne serait plus justifiée sur le fond, l'arrêt attaqué énonce que si l'accusé appelant bénéficie toujours de la présomption d'innocence et doit être considéré comme étant en détention provisoire, cette détention n'est plus, à ce stade de la procédure, strictement liée aux nécessités d'une instruction en cours, mais consécutive à la mise à exécution d'une condamnation prononcée par une juridiction de jugement.
15. Le juge ajoute que l'article 380-3-1 du code de procédure pénale ne fait pas référence aux conditions de l'article 144 du même code pour la prolongation exceptionnelle qu'il prévoit.
16. En l'état de ces énonciations, le président de la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
17. En effet, en premier lieu, le président de la chambre de l'instruction qui prolonge, en application de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale, à titre exceptionnel, la détention provisoire d'un accusé appelant n'a pas à motiver sa décision au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du même code, lesquelles ne peuvent être discutées que par la voie d'une demande de mise en liberté que l'accusé a la possibilité de présenter à tout moment en application de l'article 148-1 de ce code.
18. En second lieu, le président de la chambre de l'instruction, statuant seul, ne pouvait être saisi d'une telle demande de mise en liberté dont l'examen relève, en application du deuxième alinéa de l'article 148-1 précité, de la compétence de la formation collégiale de cette juridiction.
19. Ainsi, le moyen doit être écarté.
20. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt-quatre.