LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1 MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 564 F-D
Pourvoi n° E 23-13.689
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 décembre 2024
Mme [Z] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-13.689 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [R] [T], domicilié [Adresse 3],
2°/ à M. [X] [S], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [T], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 novembre 2022), le 6 juillet 2007, [G] et [R] [T] ont cédé des parts sociales en vue de la constitution de la société Volter. Assignés, le 13 août 2008, en nullité de la cession, ils ont été assistés par M. [S], avocat (l'avocat). Le 12 octobre 2009, la liquidation judiciaire de la société Volter a été prononcée. Un jugement du 12 mai 2010, confirmé le 10 mai 2011, a annulé la cession des parts sociales et condamné [G] [T] à restituer une partie du prix de cession et à payer divers frais. Un arrêt du 12 février 2013 a rejeté le pourvoi formé par [G] et [R] [T]. Le mandataire liquidateur de la société Volter a poursuivi le paiement des condamnations, dont [G] [T] s'est acquitté sans obtenir la restitution des parts sociales ou de leur valeur.
2. Le 1er février 2017, [G] et [R] [T] ont assigné l'avocat, en responsabilité et indemnisation au titre de son manquement à faire valoir la validité de la créance de restitution leur profitant et d'en assurer l'exécution lors de la procédure de liquidation judiciaire de la société Volter. L'avocat a opposé la prescription
3. [R] et [G] [T] sont décédés respectivement le 11 mai et le 13 décembre 2022. L'instance a été reprise par Mme [Z] [T], agissant en qualité d'héritière de [G] [T].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
5. Mme [Z] [T] fait grief à l'arrêt de juger que l'action engagée le 1er février 2017 est prescrite, alors :
«1°/ que l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission ; que l'avocat remplit les obligations de son mandat sans nouveau pouvoir jusqu'à l'exécution du jugement pourvu que celle-ci soit entreprise moins d'un an après que ce jugement soit passé en force de chose jugée ; que le prononcé de la décision que l'avocat a été chargé d'obtenir n'a pas nécessairement pour effet de mettre fin au mandat qu'il a reçu de son client ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité contre l'avocat, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'exécution de la décision litigieuse n'avait pas été entreprise dans l'année qui a suivi son prononcé, ce qui avait eu pour conséquence de prolonger la mission de l'avocat et de repousser d'autant le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contre celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2225 du code civil, ensemble l'article 420 du code de procédure civile ».
2°/ que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ; que la prescription d'une action ne peut donc pas commencer à courir avant même que le droit fondant cette action ne soit né, aucune inaction fautive ne pouvant être reprochée à son titulaire ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité contre l'avocat, auquel il était reproché de n'avoir pas conseillé à ses clients de déclarer leur créance de restitution au passif de la société cessionnaire, au motif que celle-ci avait été engagée plus de cinq ans après le prononcé de l'arrêt d'appel qu'il avait été chargé d'obtenir, soit à compter d'une date à laquelle l'avocat n'avait pas encore commis la faute qui lui était reprochée, la cour d'appel a violé l'article 2219 du code civil ;
3°/ que toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité contre l'avocat, auquel il était reproché de n'avoir pas conseillé à ses clients de déclarer leur créance de restitution au passif de la société cessionnaire, au motif que celle-ci avait été engagée plus de cinq ans après le prononcé de l'arrêt d'appel qu'il avait été chargé d'obtenir, soit à compter d'une date à laquelle l'avocat n'avait pas encore commis la faute qui lui était reprochée, la cour d'appel a porté une atteinte excessive au droit d'accès au juge de l'exposant, en violation de l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 2225 du code civil, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.
7. Le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, dès lors qu'il a, dans ce délai, une mission de conseil de celui-ci, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date.
8. En premier lieu, la cour d'appel, ayant constaté que la mission de l'avocat avait pris fin à la suite de l'arrêt du 10 mai 2011, n'était pas tenue, en l'absence d'invocation d'actes d'exécution confiés à l'avocat, de procéder à la recherche prétendument omise.
9. En deuxième lieu, contrairement aux énonciations du grief, le droit fondant l'action en responsabilité contre l'avocat pour défaut de déclaration de la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Volter, est né à compter de l'arrêt du 10 mai 2011 constatant cette créance et justifiant alors que l'avocat conseille à ses clients de produire à la liquidation.
10. En troisième lieu, les dispositions de l'article 2225 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours effectif, dès lors qu'elles procèdent à une conciliation entre ce droit et les droits de la défense.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Z] [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du 18 décembre deux mille vingt-quatre.