LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 719 F-B
Pourvoi n° T 23-20.785
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [I] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-20.785 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits et obligations de la société Crédit du Nord,
2°/ à la société Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tréard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [T], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Tréard, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 juillet 2023), le 7 janvier 1998, la société Crédit du Nord (la banque), aux droits de laquelle vient la Société générale qui l'a absorbée, a consenti une ouverture de compte courant « professions libérales » à M. [T] (l'emprunteur).
2. Par deux actes sous seing privé des 4 mars 2004 et 10 août 2007, intitulés « avenant à la convention de compte courant », la banque lui a consenti deux facilités de trésorerie successives, d'un même montant, portant intérêts au taux conventionnel, pour une durée indéterminée.
3. Le 13 avril 2016, la banque a dénoncé ce découvert et le compte courant, puis a adressé à l'emprunteur une mise en demeure de payer. Après nouvelle mise en demeure puis notification d'un accord pour un rééchelonnement de la dette, la banque, faute de règlement, l'a assigné en paiement par acte du 31 janvier 2019. L'emprunteur lui a opposé la prescription de l'action.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. l'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir relative à la prescription de l'action en paiement de la banque, alors « que la vocation professionnelle d'une convention de compte courant, laquelle exclut l'application des dispositions régissant le crédit à la consommation, s'apprécie notamment en fonction de l'utilisation effective du compte qui en est faite par le titulaire ; qu'au cas d'espèce, l'emprunteur soutenait qu'à compter du 1er janvier 2002, date à laquelle il a exercé au sein d'une société civile professionnelle d'avocats, il n'utilisait plus le compte litigieux à des fins professionnelles et que, par suite, la convention de compte courant avait perdu sa vocation professionnelle ; que pour retenir que la convention de compte courant avait conservé une vocation professionnelle, la cour d'appel s'est bornée à opposer qu'aucun texte d'ordre public n'interdit à un avocat de conserver un compte professionnel lorsque, postérieurement à l'ouverture de ce compte, il s'est associé au sein d'une société civile professionnelle ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur l'utilisation effective du compte à compter du 1er janvier 2002, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-3 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce. »
Réponse de la Cour
5. Conformément à l'article L. 311-3 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°93-949 du 27 juillet 1993, les prêts, contrats et opérations de crédit destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle sont exclus du champ d'application du code de la consommation.
6. Par ailleurs, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, ni aux facilités de trésorerie qui y sont expressément rattachées par avenants. La vocation professionnelle d'un compte courant s'apprécie à la date de la convention d'ouverture, peu important les conditions ultérieures dans lesquelles le titulaire l'utilise dès lors que les parties n'en ont pas modifié la destination contractuelle.
7. L'arrêt constate, d'abord, que par convention signée le 7 janvier 1998, M. [T], exerçant la profession d'avocat, a demandé l'ouverture d'un compte courant à son nom intitulé « professions libérales », dans les livres du Crédit du Nord, puis, que par actes sous seing privé des 4 mars 2004 et 10 août 2007, intitulés « avenant à la convention de compte courant », la banque lui a consenti deux facilités de trésorerie commerciale.
8.Il relève, ensuite, qu'il résulte de la simple lecture de la convention de compte courant que celle-ci a été conclue dans un cadre professionnel et eu égard à l'activité libérale exercée par l'emprunteur, de même que les deux facilités de trésorerie qui sont liées à l'existence de la convention de compte courant professionnel ouvert au nom de l'emprunteur. Il ajoute qu'elles ne font aucune référence aux dispositions du code de la consommation.
9. Il retient enfin que, dès lors que la convention de compte courant et les deux accords de découvert avaient une vocation professionnelle, il importe peu que, postérieurement à l'ouverture de ce compte, l'emprunteur se soit associé avec d'autres avocats au sein d'une société civile professionnelle, aucun texte d'ordre public n'interdisant à un avocat de conserver un compte professionnel dans cette situation.
10. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans avoir à rechercher l'utilisation effective qui avait été faite de ce compte courant professionnel après son ouverture que la cour d'appel a décidé que les dispositions du code de la consommation n'étaient pas applicables, justifiant légalement sa décision.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T] et le condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre