LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 768 F-B
Pourvoi n° G 22-16.103
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
Le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées-Atlantiques, domicilié [Adresse 2], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques et du directeur général des finances publiques, a formé le pourvoi n° G 22-16.103 contre l'arrêt n° RG 21/02519 rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [V] [X], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées Atlantiques, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques et du directeur général des finances publiques, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [X], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (Com., 27 janvier 2021, pourvoi n° 18-20.422), en exécution d'un jugement du tribunal correctionnel de Bayonne du 30 juin 2015 ayant déclaré M. [X] solidairement tenu avec la société Sud-Ouest bâtiment construction au paiement de rappels de taxes sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ainsi qu'aux majorations et pénalités y afférentes, le 17 février 2016, le comptable des impôts a délivré à celui-ci une mise en demeure valant commandement de payer une certaine somme.
2. Après rejet de sa contestation, M. [X] a saisi le juge de l'exécution en annulation de la mise en demeure.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de d'annuler la mise en demeure du 17 février 2016 émise par le pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées-Atlantiques à l'encontre de M. [X] à la suite d'un jugement correctionnel définitif du 30 juin 2015 l'ayant condamné à la solidarité fiscale par application de l'article 1745 du code général des impôts, alors :
« 1°/ que les décisions de justice passées en force de chose jugées et devenues définitives doivent faire l'objet d'une exécution ; que l'arrêt attaqué prive le comptable public du droit à l'exécution, du jugement correctionnel passé en force de chose jugée dès lors qu'il refuse d'accorder au jugement correctionnel, passé en force de chose jugée, la qualification de titre exécutoire susceptible de fonder la poursuite en recouvrement forcé de la part du comptable public, en sa qualité de partie civile, qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1745 du code général des impôts ;
2°/ qu'en exigeant que la décision du juge répressif condamnant à solidarité mentionne le montant de l'impôt quand l'établissement du montant de l'impôt relève de l'administration sous le contrôle du seul juge de l'impôt, les juges du fond ont violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ;
3°/ qu'en faisant obstacle à l'exécution de la condamnation à solidarité prononcée par le juge répressif, l'arrêt attaqué a méconnu le droit à l'exécution forcée, composante du droit au procès équitable et violé l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution que la décision judiciaire, définitive, qui déclare un dirigeant de société solidairement responsable avec celle-ci du paiement des impositions et pénalités dues par cette dernière, seule redevable légale, constitue un titre exécutoire suffisant pour fonder l'action du comptable public à l'égard de ce dirigeant, lorsqu'elle porte mention d'une créance liquide, c'est-à-dire évaluée en argent ou comportant tous les éléments permettant son évaluation.
5. Il résulte de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales, alors applicable, qu'à défaut de paiement d'une imposition exigible, l'administration fiscale adresse au redevable une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte de poursuite du recouvrement.
6. Selon l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits , taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité.
7. L'arrêt, après avoir énoncé à bon droit que, pour être exécutoire, le jugement doit constituer un élément suffisant au sens des articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution, ce qui exclut que la détermination du montant de la créance fiscale résulte d'éléments extérieurs, retient que le jugement du tribunal correctionnel de Bayonne ne contenait aucun élément permettant de déterminer la créance du comptable public, ce dernier s'étant référé, pour calculer les sommes objets de la mise en demeure, à des documents qui ont précédé ou succédé ledit jugement.
8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui n'a méconnu ni l'autorité attachée à la décision pénale ni le droit à l'exécution forcée de l'administration fiscale, celle-ci disposant de la possibilité d'émettre elle-même un titre exécutoire au vu de cette décision, a exactement déduit que la décision du tribunal correctionnel de Bayonne ne valait pas titre exécutoire faute de mentionner le montant de la créance.
9. Le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées-Atlantiques, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques et du directeur général des finances publiques aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le comptable public responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Pyrénées-Atlantiques, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques et du directeur général des finances publiques et le condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.