LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1313 F-D
Pourvoi n° S 23-19.381
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
M. [O] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-19.381 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Compagnie de l'Arc Atlantique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Compagnie de l'Arc Atlantique, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 17 mai 2023), M. [F] a été engagé en qualité de directeur exécutif et opérationnel le 11 juillet 2011 par la société Compagnie de l'Arc Atlantique.
2. Le contrat de travail, qui comportait une clause de non-concurrence d'une durée de vingt-quatre mois, a été rompu le 25 janvier 2017.
3. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, qui a homologué un protocole d'accord le 20 octobre 2017, les parties s'accordant sur le fait que la clause de non-concurrence figurant au contrat continuait de recevoir application.
4. L'employeur a versé au salarié l'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence jusqu'en septembre 2018.
5. Le salarié a saisi à nouveau la juridiction prud'homale d'une demande de paiement du solde de la contrepartie financière pour la période d'octobre 2018 à janvier 2019.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'employeur diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence et au titre de la clause pénale et de dire que les intérêts sur ces sommes courront à compter de l'arrêt, alors « que la perte du droit à l'indemnité de non-concurrence ne vaut que pour l'avenir et qu'à compter du jour où la violation de l'obligation de non-concurrence a été constatée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que la clause de non-concurrence devait recevoir application du 25 janvier 2017 au 24 janvier 2019 et d'autre part, pour retenir la prétendue violation de ladite clause, que le 20 octobre 2017, M. [F] avait créé une société Redcat Consulting ; qu'en condamnant M. [F] à restituer l'ensemble des sommes brutes réglées à titre d'indemnité de non-concurrence depuis le début d'application de celle-ci, en janvier 2017, cependant qu'elle avait relevé que ladite clause n'aurait été violée au plus tôt qu'à compter du 20 octobre 2017, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 du code civil :
8. Il résulte de ces textes que la perte du droit à l'indemnité de non-concurrence ne vaut que pour l'avenir et qu'à compter du jour où la violation de l'obligation de non-concurrence a été constatée.
9. Pour condamner le salarié à payer à l'employeur une somme correspondant au montant des sommes brutes réglées au salarié entre le 25 janvier 2017 et septembre 2018 à titre d'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt, après avoir constaté que la clause de non-concurrence devait recevoir application du 25 janvier 2017 au 24 janvier 2019, qu'en mars 2017, le salarié s'était inscrit au répertoire Sirene afin d'exercer une activité professionnelle en profession libérale et que le 20 octobre 2017, il avait créé une société Redcat Consulting, spécialisée dans le secteur des paiements et de la monétique, qui était directement en concurrence avec l'employeur, établissant la violation de la clause de non-concurrence, retient par motifs adoptés que le salarié qui viole, même momentanément l'obligation de non-concurrence, perd son droit à indemnité et doit rembourser les sommes versées à ce titre.
10. L'arrêt ajoute que le salarié, qui avait dès octobre 2017, soit au moment de la conclusion du protocole d'accord qui rappelait le maintien de la clause de non concurrence, entrepris une activité concurrentielle, devait par la suite rembourser les indemnités perçues et que la clause pénale avait pu être valablement mise en oeuvre par l'employeur sans mise en demeure préalable dès lors que l'obligation pesant sur le salarié n'était pas, depuis le début, exécutée.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le salarié à payer à l'employeur une somme représentant le montant des sommes brutes réglées à titre d'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant le salarié à payer à l'employeur une somme au titre de la clause pénale, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne, à titre reconventionnel, M. [F] à payer à la société Compagnie de l'Arc Atlantique la somme de 27 468,40 euros, montant des sommes brutes réglées à titre d'indemnité compensatrice de l'obligation de non-concurrence et de 119 861,76 euros au titre de la clause pénale, dit que les intérêts sur ces sommes courront du jour de l'arrêt, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par les parties en appel et condamne M. [F] aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SELARL DLB avocats, l'arrêt rendu le 17 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société Compagnie de l'Arc Atlantique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie de l'Arc Atlantique et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.