LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 23-86.764 F-D
N° 01549
GM
18 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 DÉCEMBRE 2024
La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, en date du 26 octobre 2023, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs d'escroquerie et travail dissimulé, en bande organisée, a confirmé l'ordonnance de maintien de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Jaillon, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [3], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Jaillon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Les sociétés [5] et [3], regroupées sous la [4] et présidées l'une et l'autre par M. [S] [T], sont spécialisées dans la réalisation d'éléments sécuritaires de menuiserie.
3. A la suite d'une plainte déposée par l'[1] ([1]), chargée d'assurer une partie de la formation des employés des sociétés [5] et [3], une enquête préliminaire a été diligentée, relative à des suspicions d'escroquerie et de travail dissimulé, en bande organisée.
4. Il est ainsi apparu que les dirigeants de ces sociétés, utilisant les dispositifs incitatifs de l'Etat, ont mis en place un système leur permettant de percevoir les financements au titre des formations alors que celles-ci n'étaient pas effectives.
5. Les enquêteurs ont procédé à la saisie de la somme de 250 894,69 euros sur le compte [2] dont est titulaire la société [3].
6. Le 2 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a rendu une ordonnance de maintien de cette saisie pénale.
7. La société [3] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance déférée, alors :
« 4°/ que si le moyen pris de la violation du principe de proportionnalité au regard du droit de propriété est inopérant lorsque la saisie a porté sur la valeur de l'objet ou du produit direct ou indirect de l'infraction, le juge qui ordonne la saisie en valeur d'un bien appartenant ou étant à la libre disposition d'un auteur ou complice de l'infraction, alors qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure de présomptions qu'il a bénéficié de la totalité de l'objet ou du produit, doit néanmoins apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé s'agissant de la partie de l'objet ou du produit dont il n'aurait pas tiré profit, et ce au regard de la gravité des faits et de la situation personnelle de l'intéressé ; qu'en écartant le moyen pris du caractère disproportionné de la saisie litigieuse après avoir constaté que « la saisie a été faite sur un compte appartenant à la seule SAS [3] alors qu'une partie du préjudice serait imputable à la SAS [5] », sans rechercher quelle était la partie du produit de l'infraction reprochée à la société [3] dont celle-ci a personnellement tiré profit, évalué par l'Urssaf à la somme de 65 444,03 €, ni apprécier, s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit, soit la somme de 185 450,66 € toujours selon cette évaluation, le caractère proportionné de l'atteinte portée par la saisie au droit de propriété de cette société, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21 du code pénal et 706-141-1, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
10. Pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt attaqué retient notamment que le montant total des cotisations dues à l'URSSAF est évalué à 250 894,69 euros, que la somme d'un même montant figurant au compte de la société [3] est susceptible de confiscation et peut faire l'objet d'une saisie en valeur sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 9, du code pénal.
11. Les juges relèvent que, s'agissant de la proportionnalité, le montant de la saisie ne dépasse pas le montant des cotisations qui auraient dû être versées à l'URSSAF.
12. Ils ajoutent qu'il n'importe que la saisie ait été faite sur un compte appartenant à la seule société [3] alors qu'une partie du préjudice serait imputable à la société [5], dès lors que toutes deux n'auraient pas d'autonomie l'une envers l'autre, ayant notamment les mêmes dirigeants et les mêmes activités et étant entièrement détenues par la même holding, que leurs prétendus stagiaires auraient indifféremment travaillé pour elles deux et qu'elles auraient agi en bande organisée, la répartition du produit des infractions sur les comptes de l'une ou de l'autre n'étant que de façade.
13. En l'état de ces motifs, qui font apparaître une confusion de patrimoine entre les deux sociétés qui ont ainsi chacune profité de la totalité du produit de l'infraction, la chambre de l'instruction a procédé au contrôle de proportionnalité et a justifié sa décision.
14. Dès lors, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.