LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 49 F-B
Pourvoi n° Y 23-19.341
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2025
Le groupement d'intérêt économique (GIE) Médiatransports, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de mandataire des sociétés Métrobus, société anonyme, (anciennement dénommée Régie publicitaire des transports parisiens Métrobus publicité), Médiagare, société en nom collectif, et Médiarail, société en nom collectif, toutes trois ayant leur siège [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-19.341 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Backstage Event, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat du groupement d'intérêt économique Médiatransports, agissant en qualité de mandataire des sociétés Métrobus (anciennement dénommée Régie publicitaire des transports parisiens Métrobus publicité), Médiagare et Médiarail, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Backstage Event, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2023), le groupement d'intérêt économique (GIE) Médiatransports, agissant en qualité de mandataire des sociétés Métrobus (anciennement dénommée Régie publicitaire des transports parisiens Métrobus publicité), Médiagare et Médiarail, a conclu deux contrats de vente d'espaces publicitaires avec la société Agence OA, qui se présentait comme mandataire de la société Backstage Event (la société Backstage). Elle a réclamé le paiement de ces prestations à la société Backstage, en sa qualité d'annonceur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. Le GIE Médiatransports fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement, alors « que le vendeur d'espaces publicitaires peut rapporter par tous moyens la preuve de l'existence du contrat de mandat entre l'intermédiaire et l'annonceur, auquel il n'est pas partie ; que, dès lors, en énonçant que le GIE Médiatransports ne rapportait pas la preuve de la créance dont il se prévalait contre la société Backstage au titre des contrats de vente d'espaces publicitaires passés avec la société Agence OA, prise en qualité de mandataire de la société Backstage, aux motifs que ces ventes avaient été conclues "au vu d'attestations de mandat qui ne répondent pas aux dispositions impératives pour les mandats en matière de vente d'espaces publicitaires, prescrites à l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993", la cour d'appel a violé ce texte et les articles 1984 et 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et les articles 1984 et 1998 du code civil :
3. Selon le premier de ces textes, tout achat d'espace publicitaire ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat, qui fixe les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant, s'il y a lieu, les diverses prestations qui seront effectuées dans le cadre de ce contrat de mandat et le montant de leur rémunération respective. Tout rabais ou avantage tarifaire de quelque nature que ce soit accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l'annonceur. Même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur.
4. Il en résulte que la méconnaissance de ces formalités, qui ne sont pas requises à peine de nullité du mandat, est sanctionnée par la privation de toute rémunération de l'intermédiaire.
5. Aux termes du deuxième de ces textes, le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.
6. Aux termes du dernier de ces textes, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.
7. Le tiers peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat, auquel il n'est pas partie (1re Civ., 3 juin 2015, pourvois n° 14-19.825, 14-20.518, Bull. 2015, I, n° 132 ; 3e Civ., 3 octobre 2024, pourvoi n° 23-13.242).
8. Il résulte de ce qui précède que le vendeur d'espaces publicitaires qui a conclu un contrat de vente avec le mandataire d'un annonceur, bénéficie d'une action directe en paiement contre ce dernier s'il justifie du principe de sa créance et du pouvoir du mandataire lors de la conclusion du contrat de vente d'espaces publicitaires, sans être tenu de rapporter la preuve que le mandat a été conclu par écrit.
9. Pour rejeter les demandes en paiement du GIE Médiatransports formées contre la société Backstage, l'arrêt, après avoir rappelé que l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 exige que le mandat soit formalisé par un écrit fixant la rémunération du mandataire, retient que les « attestations de mandat » émanant du directeur général de la société Backstage, que produit le GIE Médiatransports, à la fois ne constituent pas un contrat et ne respectent pas le formalisme exigé pour un mandat, dès lors que la rémunération de la société Agence OA n'y est pas mentionnée, et en déduit que le GIE Médiatransports ne rapporte pas la preuve de sa créance.
10. En statuant ainsi, en exigeant du GIE Médiatransports qu'il produise un contrat de mandat écrit conclu entre l'annonceur et son mandataire et répondant aux exigences prévues à l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993, alors qu'il pouvait rapporter par tous moyens la preuve du contrat de mandat auquel il n'était pas partie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Backstage Event aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Backstage Event et la condamne à payer au groupement d'intérêt économique Médiatransports, agissant en qualité de mandataire des sociétés Métrobus (anciennement dénommée Régie publicitaire des transports parisiens Métrobus publicité), Médiagare et Médiarail la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt-cinq et signé par M. Mollard, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau, président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et le greffier de chambre conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.