La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2025 | FRANCE | N°52500132

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2025, 52500132


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 février 2025








Cassation sans renvoi




M. SOMMER, président






Arrêt n° 132 FS-B


Pourvoi n° V 22-24.601






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

r>

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025


La société Keolis, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-24.601 contre l'arrêt rendu le 3 novembre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Cassation sans renvoi

M. SOMMER, président

Arrêt n° 132 FS-B

Pourvoi n° V 22-24.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025

La société Keolis, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-24.601 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à la Fédération nationale des syndicats de transports CGT, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Keolis, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération nationale des syndicats de transports CGT, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2022), statuant en matière de référé, la société Keolis assure l'exploitation et la maintenance de réseaux de transport urbains, périurbains et interurbains.

2. Elle détient plusieurs filiales, dont la société Keolis-[Localité 3], qui exploite, sur délégation de service public du syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL), le réseau de transports en commun lyonnais (TCL) de voyageurs. Deux cents cadres de la société Keolis sont mis à disposition de la société Keolis-[Localité 3].

3. Le 4 février 2022, la Fédération nationale des syndicats de transports CGT (la fédération CGT) a notifié à la société Keolis une alarme sociale en vue du dépôt d'un préavis de grève concernant la situation des personnels mis à disposition au sein de la société Keolis-[Localité 3].

4. Le 15 février 2022, la société Keolis a refusé de reconnaître la validité de cette alarme sociale au motif que, si la fédération CGT était représentative au sein de la branche des transports routiers de voyageurs, elle n'était pas représentative au niveau de la société Keolis.

5. Par lettre du 1er mars 2022, la fédération CGT a déposé un préavis de grève à compter du 10 mars 2022 jusqu'au 30 juin 2022 pour l'ensemble des personnels mis à disposition par la société Keolis au sein de la société Keolis-[Localité 3].

6. Le 18 mars 2022, la fédération CGT, invoquant un trouble manifestement illicite constitué par une entrave au droit de grève à raison de l'opposition exprimée par la société Keolis au préavis déposé le 1er mars 2022, a assigné la société Keolis devant le juge des référés.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Keolis fait grief à l'arrêt de décider que le préavis de grève du 1er mars 2022, déposé par la fédération CGT auprès d'elle est valide et que les salariés qu'elle a mis à disposition de la société Keolis-[Localité 3] sont libres de se joindre, le cas échéant, au mouvement de grève, alors « qu' aux termes de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 applicable aux entreprises chargées d'une mission de service public de transport terrestre régulier de voyageurs, le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis" ; que la représentativité syndicale s'apprécie à l'échelle du conflit collectif envisagé ; qu'il en résulte que seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise sont habilitées à déposer une alarme sociale" et à négocier préalablement au dépôt d'un préavis de grève au niveau de l'entreprise ; qu'au cas présent, il était constant aux débats que la Fédération nationale n'est représentative ni au sein de la société Keolis SA, ni au sein de sa filiale Keolis-[Localité 3] ; que pour considérer néanmoins que la Fédération nationale des syndicats de transports CGT était habilitée à déposer une alarme sociale et un préavis de grève au sein de la société Keolis SA, concernant les salariés de la société Keolis SA mis à disposition de la société Keolis-[Localité 3], la cour d'appel a relevé que la CGT n'est pas représentative au niveau de l'entreprise Keolis-[Localité 3], au sein de laquelle 200 salariés de la société Keolis SA sont détachés, que l'alarme sociale notifiée à la direction de la société Keolis SA concerne exclusivement ces salariés" et que la CGT est représentative tant au niveau de la branche professionnelle [des transports routiers réguliers de voyageurs] qu'au niveau national interprofessionnel et le dépôt d'un préavis de grève par cette organisation dans le champ de la société Keolis est recevable, peu importe qu'elle ne soit pas représentative au niveau de l'entreprise Keolis-[Localité 3]" ; qu'en statuant de la sorte, cependant que seules les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise sont habilitées à déposer une alerte sociale et à négocier préalablement au dépôt d'un préavis de grève au niveau de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1324-2, R. 1324-2 et R. 1324-4 du code des transports et les articles L. 2512-2 et L. 2121-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2512-2 du code du travail et les articles L. 1222-7, L. 1324-2, L. 1324-5, 7°, L. 1324-10 du code des transports :

8. Selon l'article L. 2512-2 du code du travail, lorsque les personnels notamment des entreprises, organismes ou établissements publics ou privés chargés de la gestion d'un service public exercent le droit de grève, la cessation concertée du travail est précédée d'un préavis. Le préavis émane d'une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. Il précise les motifs du recours à la grève. Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il mentionne le champ géographique et l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée. Pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier.

9. Selon l'article L. 1324-2 du code des transports, dans les entreprises gérant les services publics de transport terrestre régulier de personnes, l'employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis. L'accord-cadre fixe les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation. Ces règles doivent être conformes aux conditions posées à l'article L. 1324-5. Le présent article s'applique sans préjudice des dispositions de l'article L. 2512-2 du code du travail.

10. Aux termes de l'article L. 1222-7 du code des transports, dans les entreprises de transports, l'employeur et les organisations syndicales représentatives concluent un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic. L'accord collectif de prévisibilité du service recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d'agents et leurs effectifs ainsi que les moyens matériels, indispensables à l'exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur applicables à l'entreprise, de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transports adapté. Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transports adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non grévistes.
A défaut d'accord applicable, un plan de prévisibilité est défini par l'employeur. Un accord collectif de prévisibilité du service qui entre en vigueur s'applique en lieu et place du plan de prévisibilité. L'accord ou le plan est notifié au représentant de l'Etat et à l'autorité organisatrice de transports.

11. Selon l'article L. 1324-5, 7°, du code des transports, l'accord-cadre prévu à l'article L. 1324-2 détermine notamment les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l'employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

12. Aux termes de l'article L. 1324-10 du code des transports, au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné peut décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation, ouverte aux salariés concernés par les motifs figurant dans le préavis, et portant sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l'employeur, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'employeur en informe l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 du code du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.

13. Il résulte de la combinaison de ces textes que, dans les entreprises de transport gérant les services publics de transport terrestre régulier de personnes, le dépôt d'un préavis de grève ne pouvant intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis, cette négociation ayant pour objet de tenter de parvenir à un accord et d'éviter le déclenchement de la grève envisagée dans l'entreprise, seules les organisations syndicales représentatives au sein de cette entreprise peuvent procéder au dépôt d'un préavis de grève.

14. L'arrêt retient qu'il n'était pas contesté que la fédération CGT est représentative tant au niveau de la branche professionnelle qu'au niveau national interprofessionnel et que le dépôt d'un préavis de grève par cette organisation syndicale est valide, peu important qu'elle ne soit pas représentative au sein de la société Keolis-[Localité 3].

15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, la fédération CGT étant seulement représentative au niveau national, le préavis de grève n'était pas valide, de sorte que le trouble manifestement illicite invoqué à raison d'une entrave au droit de grève n'était pas caractérisé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile , il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à référé ;

Condamne la Fédération nationale des syndicats de transports CGT aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500132
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

CONFLIT COLLECTIF DU TRAVAIL

Il résulte de la combinaison des articles L. 2512-2 du code du travail et L. 1222-7, L. 1324-2, L. 1324-5, 7°, L. 1324-10 du code des transports que, dans les entreprises de transport gérant les services publics de transport terrestre régulier de personnes, le dépôt d'un préavis de grève ne pouvant intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis, cette négociation ayant pour objet de tenter de parvenir à un accord et d'éviter le déclenchement de la grève envisagée dans l'entreprise, seules les organisations syndicales représentatives au sein de cette entreprise peuvent procéder au dépôt d'un préavis de grève. Viole les textes susvisés la cour d'appel statuant en référé, qui, ayant constaté que le syndicat ayant déposé un préavis de grève au sein d'une entreprise de transport gérant un service public de transport régulier de personnes était seulement représentatif au niveau national, aurait dû en déduire que le préavis de grève n'était pas valide, de sorte que le trouble manifestement illicite invoqué à raison d'une entrave au droit de grève n'était pas caractérisé


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2025, pourvoi n°52500132


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500132
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award