LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2025
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 93 F-D
Pourvois n°
H 24-11.786
F 24-13.464 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 FÉVRIER 2025
La Société Prédicateur, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° H 24-11.786, F 24-13.464 contre un arrêt rendu N° RG 22/17945 le 31 janvier 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans les litiges l'opposant à Mme [U] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° H 24-11.786 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° F 24-13.464 invoque, à l'appui de son recours un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Prédicateur, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 24-11.786 et 24-13.464 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2024), le 14 mai 2014, [B] [Z] et M. [X] ont créé la société Prédicateur.
3. Le 25 janvier 2019, [B] [Z] est décédé, en laissant pour lui succéder ses enfants, Mmes [H] et [U] [Z] et M. [V] [Z].
4. Mme [H] [Z] a assigné ses frère et s?ur ainsi que M. [X] devant un tribunal judiciaire en ouverture des opérations de liquidation-partage de la succession de [B] [Z], demandant qu'il soit jugé que les statuts de la société Prédicateur ainsi que tous les actes passés en application de ses statuts lui soient déclarés inopposables. Mme [U] [Z] ayant également assigné ses frère et s?ur et M. [X], les deux procédures ont été jointes.
5. Mme [U] [Z] a assigné la société Prédicateur devant le même tribunal en déclaration de jugement commun. Celle-ci a soulevé, devant le juge de la mise en état, l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire au profit du tribunal de commerce.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
6. La société Prédicateur fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal judiciaire compétent pour connaître de la demande tendant à voir déclarer l'existence de la société Prédicateur inopposable à Mme [U] [Z], alors « que selon l'article L. 721-3, 2° du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales ; qu'il n'est dérogé à la compétence exclusive du juge consulaire pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales que dans l'hypothèse où celles-ci mettent en cause une personne non commerçante qui est extérieure au pacte social et n'appartient pas aux organes de la société, auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce ; qu'en jugeant, en l'espèce, que Mme [U] [Z] disposait d'une option de compétence lui permettant de saisir la juridiction civile cependant que le litige opposait la société Prédicateur, société commerciale par sa forme, à Mme [U] [Z], associée de cette société commerciale, et portait sur une contestation relative à l'existence de cette société commerciale, ce dont il résultait qu'il relevait de la compétence exclusive du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé l'article L. 721-3, 2° du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 721-3, 2° du code de commerce :
7. Selon ce texte, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales.
8. Il n'est dérogé à la compétence exclusive des tribunaux de commerce pour connaître de ces contestations que dans l'hypothèse où celles-ci mettent en cause une personne non commerçante qui est extérieure au pacte social et n'appartient pas aux organes de la société, auquel cas cette personne dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce.
9. Il en résulte que lorsqu'un litige oppose le dirigeant ou un autre mandataire social ou l'associé d'une société commerciale à cette société ou à un autre de ses associés ou de ses mandataires sociaux et porte sur une contestation relative à cette société commerciale, il relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce.
10. Pour déclarer le tribunal judiciaire compétent pour connaître de la demande formée par Mme [U] [Z] à l'encontre de la société Prédicateur, l'arrêt, après avoir retenu que cette société était une société commerciale par sa forme et énoncé que le fait d'être associé d'une société commerciale ne conférait pas à cet associé la qualité de commerçant, relève qu'en l'occurrence, il n'est pas prétendu que Mme [Z] exercerait à titre habituel et professionnel des actes de commerce. Il en déduit que Mme [Z] n'a pas la qualité de commerçant et qu'elle bénéficie donc d'une option de compétence.
11. En statuant ainsi, alors qu'en sa qualité de propriétaire indivise des actions de la société Prédicateur dépendant de la succession de [B] [Z], Mme [U] [Z] avait la qualité d'associée de la société Prédicateur de sorte que le litige, opposant une société commerciale à l'un de ses associés et qui portait sur une contestation relative à sa constitution, relevait de la compétence exclusive du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il déclare que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître de la demande de Mme [U] [Z] dirigée contre la société Prédicateur introduite par l'acte introductif d'instance délivré le 28 octobre 2021, dit que le renvoi devant le tribunal de commerce et la transmission du dossier par les soins du greffe sont devenus dépourvus d'objet et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 31 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la société Prédicateur la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du douze février deux mille vingt-cinq et signé par M. Ponsot, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller référendaire rapporteur et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.