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12/02/2025 | FRANCE | N°52500139

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 février 2025, 52500139


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 février 2025








Cassation partielle




M. SOMMER, président






Arrêt n° 139 FS-B


Pourvoi n° A 23-22.310










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____________________

_____




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025


Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-22.310 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 février 2025

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 139 FS-B

Pourvoi n° A 23-22.310

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025

Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-22.310 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à l'Association gestion centre social Vaise, dite centre social et culturel [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

L'Association gestion centre social Vaise a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de Mme [Z], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de l'Association gestion centre social Vaise, et l'avis de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Degouys, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, Ménard, Filliol, conseillers, Mme Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Charbonnier, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 septembre 2023), Mme [Z] a été engagée en qualité d'animatrice socioculturelle le 6 juillet 2017 par l'Association gestion centre social Vaise (l'association).

2. La salariée a informé l'employeur de sa grossesse le 28 mai 2018.

3. Elle a été licenciée pour faute grave le 4 juillet 2018 et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts, alors « que l'employeur peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté, s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l'état de grossesse ; que pour juger en l'espèce le licenciement de la salariée nul, la cour d'appel a considéré que le directeur de l'association, signataire de la lettre de licenciement, n'avait reçu aucune délégation du pouvoir de licencier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher préalablement si l'association justifiait d'une faute grave de la salariée susceptible de fonder la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail. »
Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.

6. Il résulte de la combinaison des articles L. 1225-71 et L. 1235-3-1 du code du travail qu'est nul le licenciement d'une salariée prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1225-4 précité.

7. La cour d'appel a constaté que, si le licenciement avait été prononcé pour faute grave après l'annonce de sa grossesse, il l'avait été par le directeur de l'association qui n'avait pas reçu délégation à cet effet par le conseil d'administration, lequel exerçait, selon les dispositions statutaires, la fonction d'employeur, et a déclaré nul le licenciement.

8. La cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par le moyen, que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

Mais sur le moyen du pourvoi principal de la salariée, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de paiement d'une somme pour la période de son éviction, outre les congés payés afférents, alors « que l'inobservation par l'employeur des dispositions de l'article L. 1225-4 du code du travail donne lieu, au profit de la salariée, à l'attribution d'une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1 du même code, en plus de l'indemnité de licenciement ; que lorsqu'en application des dispositions de ce premier texte le licenciement est nul, l'employeur verse à la salariée le montant du salaire qu'elle aurait perçu pendant la période couverte par la nullité ; qu'en relevant, pour débouter la salariée de sa demande, qu'elle ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui qui est réparé par les dommages-intérêts ci-dessus accordés, cependant qu'elle n'était pas tenue de justifier d'un préjudice spécifique à ce titre et qu'elle avait droit, du seul fait de la nullité du licenciement prononcée sur le fondement de l'article L. 1225-4 du code du travail, au versement des salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 1225-4 et L. 1225-71 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1225-71 et L. 1235-3-1 du code du travail, dans leur rédaction issue, pour le premier, de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et pour le second, de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, interprétée à la lumière des articles 10 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail et 18 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, que la salariée, qui n'est pas tenue de demander sa réintégration, a droit, outre les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement, aux salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité.

11. Pour débouter la salariée de sa demande de paiement du salaire pour la période de son éviction le 4 juillet 2018 à la date de fin du congé de maternité le 12 mars 2019, l'arrêt retient que l'intéressée ne précise pas le fondement juridique de cette demande et ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui qui est réparé par les dommages-intérêts accordés en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation du chef de dispositif visé par le moyen du pourvoi principal n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Z] de sa demande de rappel de salaire pour la période de son éviction à la fin du congé maternité et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 13 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne l'Association gestion centre social Vaise aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association gestion centre social Vaise et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500139
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Maternité - Licenciement - Motif justifiant la résiliation du contrat - Licenciement pour faute grave - Cas - Licenciement par une personne n'ayant pas qualité - Détermination - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Maternité - Licenciement - Motif justifiant la résiliation du contrat - Licenciement pour faute grave - Cas - Directeur d'association dépourvu de délégation du conseil d'administration exerçant la fonction d'employeur - Détermination - Portée ASSOCIATION - Directeur - Pouvoirs - Licenciement d'un salarié - Cas - Directeur dépourvu de délégation du conseil d'administration exerçant la fonction d'employeur - Portée ASSOCIATION - Directeur - Pouvoirs - Licenciement d'un salarié - Condition

Il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail qu'à peine de nullité, hors période de suspension du contrat de travail auquel une salariée a droit au titre du congé de maternité et des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui, pour retenir la nullité du licenciement, constate que celui-ci a été prononcé pour faute grave par le directeur de l'association qui n'avait pas reçu délégation à cet effet par le conseil d'administration lequel exerçait, selon les dispositions statutaires, la fonction d'employeur


Références :

Articles L. 1225-4, L. 1225-71 et L. 1235-3-1 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 13 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 fév. 2025, pourvoi n°52500139


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SARL Cabinet François Pinet, SCP Melka-Prigent-Drusch

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500139
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