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12/02/2025 | FRANCE | N°52500148

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 février 2025, 52500148


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 février 2025








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 148 F-D


Pourvoi n° D 23-23.693


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de

cassation
en date du 19 octobre 2023.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 février 2025

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 148 F-D

Pourvoi n° D 23-23.693

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 octobre 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2025

Mme [O] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-23.693 contre l'arrêt rendu le 13 avril 2023 par la cour d'appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l'opposant à Mme [L] [Z], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 15 janvier 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,13 avril 2023), Mme [V] a été engagée en qualité d'assistante de vie par Mme [Z], suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 5 novembre 2018.

2. Licenciée pour faute grave le 2 juillet 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale le 2 septembre 2019 de demandes relatives à l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur première à cinquième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 6°/ que le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l'embauche constitue le délit de travail dissimulé ; que, pour débouter Mme [V] de sa demande au titre du travail dissimulé, la cour d'appel - après avoir constaté que ''l'employeur admet avoir eu recours aux services de l'intéressée courant août 2018 en remplacement de son employée empêchée cet été, avant de l'engager en ses lieu et place en novembre suivant'' - a estimé que ''la nécessité d'un remplacement subit à l'occasion d'un emploi familial par un employeur dont le grand âge l'oblige à recourir aux services d'un tiers, durant une brève période de temps, et qu'elle ne déclara pas alors que son salarié habituel l'était et que l'appelante le fut quand elle reprit le poste durablement en novembre de la même année, ne permet pas de caractériser suffisamment l'intention coupable requise'' ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'élément intentionnel de l'infraction de travail dissimulé, lequel résulte au contraire de l'absence de déclaration du salarié, en pleine connaissance de cause, par un employeur habitué à cette obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, ensemble l'article L. 1221-10 du même code ;

7°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en affirmant, par motifs adoptés des premiers juges, que ''de la discussion et des pièces versées aux débats, il ressort que la volonté de Mme [Z] de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, n'est pas démontrée par Mme [V]'', sans viser ni analyser, même sommairement, les éléments sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel n'a pas donné de motifs à sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis au terme de laquelle elle a écarté toute intention de dissimulation d'emploi de la part de l'employeur au titre du mois d'août 2018.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement notifié le 2 juillet 2019 reposait sur une faute grave et de la débouter de ses demandes en paiement des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ; que, pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté Mme [V] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a constaté que ''la déclaration d'appel de Mme [V] est libellée comme suit « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Mme [V] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes (autres que la condamnation aux dépens et la remise de documents sociaux). Statuant de nouveau, elle demande de : condamner Mme [Z] à payer à la salariée les sommes suivantes : » suivies des prétentions formulées en cause d'appel, contenant notamment l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement abusif'', puis retenu qu'''à défaut de contenir la critique de l'alinéa du dispositif du jugement entrepris exprimant : « Dit que le licenciement de Mme [V] notifié le 2 juillet 2019 repose sur une faute grave », cette disposition, qui ne fait l'objet d'aucun appel incident et dont, faute de dévolution, la cour n'est pas saisie, est désormais définitive'' ; qu'il appartenait cependant à la cour d'appel de rechercher s'il n'existait pas un lien de dépendance nécessaire entre les chefs de dispositif du jugement entrepris ayant, d'une part, dit que le licenciement de Mme [V] reposait sur une faute grave, d'autre part, débouté la salariée de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis, auquel cas elle était valablement saisie par la déclaration d'appel visant ce second chef de dispositif d'une contestation du bien-fondé du licenciement ; que pour s'en être abstenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 562, alinéa 1, du code de procédure civile :

7. Aux termes de ce texte, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

8. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et débouté la salariée de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'à défaut de contenir la critique de l'alinéa 1 du dispositif du jugement entrepris disant le licenciement reposant sur une faute grave, cette disposition, qui n'a fait l'objet d'aucun appel incident et dont, faute de dévolution, la cour n'est pas saisie, était désormais définitive et qu'il se déduit du licenciement prononcé pour faute grave que la salariée était mal fondée en ses prétentions d'obtention des indemnités de rupture instituées par les articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-3 du code du travail, qui écartent chacun le principe de leur versement en cas de faute grave.

9. En statuant ainsi, alors que le chef du dispositif du jugement ayant dit que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave se rattachait par un lien de dépendance nécessaire aux chefs de dispositif qui avaient débouté la salariée de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, expressément critiqués dans la déclaration d'appel, de sorte qu'elle était saisie de la contestation du bien-fondé du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'heures supplémentaires, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que, pour débouter Mme [V] de sa demande d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que, ''si l'intéressée exprime ainsi avoir effectué des heures supplémentaires, il doit être observé qu'elle manque aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, faute d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments'' et qu'''elle ne justifie donc pas détenir une créance de somme d'argent à ce titre, dont sa cocontractante, qui dénie ce travail supplémentaire, n'aurait satisfait au paiement'' ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que ''Mme [V] prétend avoir travaillé chaque week-end'', qu'''elle produit aux débats quelques SMS adressés par ses soins au petit-fils de Mme [Z] l'interrogeant sur ses visites de sa grand-mère le week-end, ou le remerciant, un dimanche ou le 1er mai, jour travaillé selon le contrat, de son passage'' et qu'''elle produit pour le week-end du 20 et 21 octobre 2018, un relevé horaire de 14 à 18 heures le samedi, et de 10 à 15 heures le dimanche'', ce qui constituait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier des heures de travail réalisées par l'intéressée au cours la période concernée, la cour d'appel a fait peser sur la seule salariée la charge de la preuve et violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

11. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

12. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

13. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

14. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que la salariée prétendait avoir travaillé chaque week-end, qu'elle ne produisait pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétendait avoir accomplies, que si elle produisait quelques SMS adressés par ses soins au petit-fils de l'employeur l'interrogeant sur ses visites à sa grand-mère le week-end, ou le remerciant, un dimanche ou le 1er mai, jour travaillé selon le contrat, de son passage, ces SMS ne justifiaient pas suffisamment de sa présence en exécution de la convention de travail chez l'employeur le week-end.

15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

16. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déboutant la salariée de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif la déboutant de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour absence de repos hebdomadaire et d'une indemnité pour travail dissimulé, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [V] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et pour absence de remise de l'attestation Pôle emploi et en ce qu'il ordonne à Mme [Z] de remettre à Mme [V] une attestation destinée à Pôle emploi pour la période du 5 novembre 2018 au 2 juillet 2019, sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de 30 jours après la notification du jugement, et ce pendant un mois, l'arrêt rendu le 13 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [Z] et la condamne à payer à la SARL Delvolvé et Trichet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500148
Date de la décision : 12/02/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 avril 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 fév. 2025, pourvoi n°52500148


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Delvolvé et Trichet, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500148
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