LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2025
Cassation
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 145 F-D
Pourvoi n° Z 23-11.430
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2025
1°/ Mme [F] [J], domiciliée [Adresse 2] (Californie),
2°/ Mme [X] [J], domiciliée [Adresse 3] (Belgique),
ont formé le pourvoi n° Z 23-11.430 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant à Mme [I] [C], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mmes [F] et [X] [J], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [C], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 29 septembre 2022), et les productions, [V] [C] est décédé le 3 février 2019, en laissant pour lui succéder son épouse séparée de biens [U] [L], et sa fille, Mme [C], née d'une précédente union, et en l'état d'un testament olographe daté du 8 mars 2002 instituant [U] [L] légataire de l'usufruit de l'intégralité de sa succession. Celle-ci était également bénéficiaire de cet usufruit au titre d'une donation entre époux du 27 novembre 2006.
2. Le 27 mars 2020, [U] [L] a assigné Mme [C] en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et obtention d'une somme provisionnelle à valoir sur ses droits dans la succession de son époux.
3. [U] [L] est décédée le 5 juin 2020, en laissant pour lui succéder ses deux filles Mmes [F] et [X] [J], lesquelles ont repris l'instance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. Mmes [J] font grief à l'arrêt de constater leur absence d'intérêt à agir, de déclarer leurs demandes irrecevables et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que, selon l'article 757 du code civil, si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Mme [C] était née d'une précédente union de [V] [C], d'où il se déduisait nécessairement que [U] [L] recueillait la propriété du quart des biens ; qu'en retenant tout au contraire que faute d'avoir pris parti dans des formes opposables, cette dernière était réputée avoir opté pour l'usufruit, lequel s'était éteint par son décès, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 757 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 757 du code civil :
5. Selon ce texte, si l'époux prédécédé laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant recueille la propriété du quart des biens existants.
6. Pour déclarer Mmes [J] irrecevables en leurs demandes, faute d'intérêt à agir, l'arrêt retient, d'abord, que le document daté du 5 août 2019 indiquant que [U] [L] déclare opter pour le quart en toute propriété des biens de la succession de [V] [C], conformément aux dispositions de l'article 757 du code civil, est dépourvu de force probante.
7. Il retient, ensuite, que l'acte authentique d'inventaire dressé le 6 août 2019, indiquant que [U] [L] est bénéficiaire du quart en toute propriété de l'universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession, ne constitue pas une preuve suffisante permettant de s'assurer de l'option choisie par [U] [L], dès lors que cette mention peut n'être que déclarative.
8. Il retient, enfin, que l'option choisie apparaît d'autant plus incertaine que l'assignation signifiée à la requête de [U] [L] indique qu'elle a été gratifiée de l'usufruit de l'intégralité de la succession de son époux.
9. Il en déduit que [U] [L] est réputée avoir opté pour l'usufruit, lequel s'est éteint par son décès.
10. En statuant ainsi, alors qu'en présence d'un enfant non commun, les droits légaux du conjoint survivant ne pouvaient être que de la propriété du quart des biens existants, sans faculté d'option pour l'usufruit de la totalité de ces biens, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme [C] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [C] et la condamne à payer à Mmes [F] et [X] [J] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.