LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 158 F-D
Pourvoi n° Q 23-12.548
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2025
M. [T] [Z], domicilié [Adresse 4], [Localité 1], a formé le pourvoi n° Q 23-12.548 contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2022 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la caisse de Crédit mutuel de [Localité 5] - [Localité 2], dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], venant aux droits de la caisse de Crédit mutuel [Localité 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Peyregne-Wable, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [Z], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la caisse de Crédit mutuel de [Localité 5] - [Localité 2], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Peyregne-Wable, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 octobre 2022), le 8 novembre 2013, la caisse de Crédit mutuel d' [Localité 2](la banque) a consenti à la société « Le Billot du Boucher » un prêt d'une certaine somme, remboursable par mensualités, garanti par le cautionnement de M. [Z] (la caution).
2. Le 23 juin 2015, un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société « Le Billot du Boucher ».
3. La banque a déclaré sa créance auprès du mandataire liquidateur.
4. Le 13 décembre 2019, la banque a assigné la caution en paiement des sommes dues au titre du prêt.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La caution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de déchéance des droits de la banque à la poursuivre au titre du cautionnement du 8 novembre 2013, à raison de la disproportion manifeste entre ses biens et ses revenus par rapport au montant de l'engagement souscrit, de rejeter sa demande de condamnation de la banque à des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde et de confirmer le jugement la condamnant en sa qualité de caution, alors « que le juge ne peut, pour écarter une prétention, se fonder, sans avoir recueilli les explications des parties, sur l'absence au dossier de pièces figurant sur le bordereau annexé aux dernières conclusions et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'en l'espèce, pour dire que la caution ne rapporte pas la preuve que le cautionnement donné le 8 novembre 2013 en faveur de la banque est manifestement disproportionné à ses biens et revenus, l'arrêt affirme que contrairement aux indications figurant sur le bordereau de communication de pièces joint à ses conclusions d'appel, elle n'a pas produit aux débats ses bulletins de paie des mois de janvier à décembre 2013 ni son avis d'imposition 2014 ; qu'en statuant par de tels motifs, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ces deux pièces essentielles, figurant sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions dont la communication régulière n'avait jamais été contestée par la banque, la cour d'appel a violé les articles 16 et 912 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 16 et 912, alinéa 3, du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 :
6. Selon le premier de ces textes, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
7. Aux termes du second, dans tous les cas, les dossiers, comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l'ordre du bordereau récapitulatif, sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries.
8. Pour rejeter l'existence d'une disproportion manifeste de l'engagement de la caution et condamner celle-ci à payer à la banque les sommes dues au titre du prêt, l'arrêt retient, d'abord, que la caution ne justifie pas des revenus dont elle disposait au jour de la signature de l'acte de cautionnement, qu'elle prétend qu'elle percevait en 2013 un revenu de 1 200 euros par mois, établi sur la base de ses bulletins de paie des mois de janvier à décembre 2013 ainsi que de son avis d'imposition 2014, mais que, contrairement aux indications figurant au bordereau de communication de pièces, joint à ses conclusions d'appel, celle-ci n'a pas produit ces pièces aux débats.
9. En statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des bulletins de paie et avis d'imposition précités qui figuraient sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions de la caution et sans qu'il ressorte de son arrêt que la communication de ces pièces ait été contestée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de M. [Z] tendant à la nullité de l'acte de signification du 22 juillet 2020 et à ce que soit constaté le caractère non avenu du jugement du tribunal de commerce de Nancy du 22 juin 2020, l'arrêt rendu le 19 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel d'[Localité 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse de Crédit mutuel d'[Localité 2] et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.