LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 mars 2025
Cassation partielle
M. PONSOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 125 F-D
Pourvoi n° T 23-22.947
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025
La société Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], [Adresse 3], [X] [Z], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-22.947 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2023 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à M. [R] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], [Adresse 3], [X] [Z], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Ducloz, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 septembre 2023), la société civile immobilière Hillel Ethan (la SCI), qui avait pour associés MM. [M], [L], [B] et [R] [J], a acquis un immeuble financé au moyen d'un prêt d'un montant de 1 070 400 euros souscrit le 8 février 2007 auprès de la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], [Adresse 3], [X] [Z] (la banque) et garanti par les cautionnements solidaires régularisés par actes séparés par chacun des associés.
2. Elle a donné à bail les locaux commerciaux dépendant de cet immeuble à la société Moncey textiles (la société), créée par M. [L] [J].
3. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements.
4. M. [R] [J] s'est opposé à la demande en soutenant que le sien était nul en raison du non-respect du formalisme relatif à la mention manuscrite.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nul l'acte souscrit le 6 février 2007 par M. [R] [J] à son bénéfice, alors « que n'entraîne pas la nullité du cautionnement l'erreur, favorable à la caution, commise dans l'expression du montant de l'engagement de caution dans la mention manuscrite ; qu'en se bornant, pour prononcer la nullité du cautionnement, à relever qu'en l'absence de tout autre élément permettant de s'assurer que la caution avait une parfaite conscience, au moment où elle avait signé l'acte, que son engagement ne dépassait pas 267 000 euros, il ne pouvait être déduit du seul fait que trois membres de sa famille proche avaient souscrit un engagement de caution à hauteur de 267 000 euros, somme très inférieure au montant du prêt contracté, que la mention manuscrite en lettres et en chiffres d'une somme de 1 284 480 euros par M. [R] [J] résultait d'une simple erreur matérielle de sa part et qu'il avait une parfaite connaissance de l'étendue exacte de son engagement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'erreur commise dans l'expression du montant de l'engagement de caution qui était en la faveur de M. [R] [J] ne restait pas sans effet sur la validité du cautionnement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :
6. Aux termes de ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »
7. Il en résulte qu'en présence d'un acte de cautionnement comportant une mention manuscrite conforme à la mention légale ainsi rappelée mais faisant apparaître une différence, quant à l'étendue de l'engagement, avec d'autres mentions figurant dans l'acte, le juge doit rechercher la commune intention des parties sans pouvoir annuler, au motif de l'irrégularité prétendue de la mention manuscrite, le cautionnement litigieux.
8. Pour déclarer nul l'engagement souscrit par M. [R] [J], l'arrêt retient que si l'acte de caution pris par la banque prévoit en page 2 que le montant garanti par le cautionnement souscrit par M. [R] [J] s'élève à 267 000 euros en principal, intérêts, frais et accessoires, la mention manuscrite apposée par la caution précise au contraire que celui-ci s'engage pour un montant total de 1 284 480 euros, somme portée en lettres et en chiffres. L'arrêt ajoute qu'en l'absence de tout autre élément permettant à la cour de s'assurer que la caution avait une parfaite conscience, au moment où elle a signé l'acte, que son engagement ne dépassait pas 267 000 euros, il ne peut être déduit du seul fait que trois membres de sa famille proche ont souscrit un engagement de caution à hauteur de 267 000 euros, somme très inférieure au montant du prêt contracté, que la mention manuscrite en lettres et en chiffres d'une somme de 1 284 480 euros par M. [R] [J] résulte d'une simple erreur matérielle de sa part et qu'il avait une parfaite connaissance de l'étendue exacte de son engagement.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne résultait pas des éléments intrinsèques et extrinsèques à l'acte que le montant porté en chiffres et en lettres dans la mention manuscrite n'était pas erroné et que la commune intention des parties n'était pas que M. [R] [J] s'engage dans la limite du montant indiqué dans les mentions dactylographiées de l'acte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'engagement de caution souscrit le 6 février 2007 par M. [R] [J] au bénéfice de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], [Adresse 3], [X] [Z] est nul, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de M. [R] [J], l'arrêt rendu le 28 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. [R] [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [R] [J] à payer à la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], [Adresse 3], [X] [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.