LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation partielle
M. PONSOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 129 F-D
Pourvoi n° K 23-14.453
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025
La société Marissol, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 23-14.453 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2022 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à la communauté de communes de [Localité 4], établissement public de coopération intercommunale, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Marissol, de la SCP Boullez, avocat de la communauté de communes de [Localité 4], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 septembre 2022), la société Marissol exploite un camping sur le territoire de la commune de [Localité 3], appartenant à la communauté de communes de [Localité 4].
2. Par délibération du 28 septembre 2016, la communauté de communes a décidé d'assujettir, pour l'année 2017, les emplacements dans les aires de camping-cars, les terrains de camping et les terrains de caravanage à la taxe de séjour forfaitaire, et les autres hébergements à titre onéreux à la taxe de séjour au réel.
3. Le 3 août 2017, la communauté de communes a adressé à la société Marissol une facture correspondant à la taxe de séjour forfaitaire due au titre de la période du 15 juin au 1er octobre 2017. Le 21 décembre 2017, la communauté de communes a adressé à cette société un avis de sommes à payer au titre de cette même taxe.
4. Les 3 octobre 2017 et 22 février 2018, la société Marissol a assigné la communauté de communes devant un tribunal judiciaire aux fins, notamment, d'annulation du titre exécutoire du 21 décembre 2017 ainsi que de décharge et de dégrèvement des sommes correspondantes.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens, ce dernier pris en ses deux premières branches
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. La société Marissol fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la saisine du tribunal par la communauté de communes de [Localité 4] pour obtenir le recouvrement de sa créance sur le fondement de la délibération du 28 septembre 2016 et de la condamner à verser la somme de 25 563,27 euros au titre du règlement complémentaire de la taxe de séjour forfaitaire pour l'année 2017, alors « que la taxe de séjour forfaitaire constitue un prélèvement fiscal qui, en cas de contestation formulée par la redevable de l'impôt, ne peut être recouvrée par l'autorité administrative qu'à l'issue de la procédure de taxation d'office prévue à cet effet par la voie de l'émission d'un titre de recettes exécutoire ; qu'en jugeant recevable la demande reconventionnelle de la communauté de [Localité 4] en paiement de la taxe de séjour forfaitaire due par la société Marissol pour l'année 2017, la cour d'appel a violé l'article R. 2333-48 du code général des collectivités territoriales, ensemble les articles L. 2333-45, L. 2333-46 et L. 2333-47 du même code. »
Réponse de la Cour
7. Selon l'article L. 2333-46 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2014, en cas de défaut de déclaration, d'absence ou de retard de paiement de la taxe de séjour forfaitaire, le maire adresse aux redevables une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Faute de régularisation dans le délai de trente jours suivant la notification de cette mise en demeure, un avis de taxation d'office motivé est communiqué au redevable trente jours au moins avant la mise en recouvrement de l'imposition.
8. Il en résulte qu'une collectivité territoriale peut réclamer, sans titre exécutoire, par voie reconventionnelle directement au juge judiciaire, le paiement d'une taxe de séjour contre un assujetti qui ne l'a pas réglée spontanément.
9. Après avoir confirmé le jugement en ce qu'il annule le titre exécutoire du 21 décembre 2017, relatif à la créance de taxe de séjour dont la société Marissol était débitrice, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que le fait pour une collectivité territoriale de réclamer par voie reconventionnelle directement au juge judiciaire, garant des libertés individuelles, le paiement d'une taxe de séjour contre un assujetti qui ne l'a pas réglée spontanément, priverait ce dernier de garanties plus importantes que celles que lui offrirait la procédure de taxation d'office. Il ajoute que, du fait de l'annulation du titre exécutoire, la communauté de communes ne pouvait exercer son pouvoir de taxation d'office.
10. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la demande reconventionnelle en paiement de la taxe de séjour était recevable.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
12. La société Marissol fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la communauté de communes de [Localité 4] la somme de 25 563,27 euros au titre du règlement complémentaire de la taxe de séjour forfaitaire pour l'année 2017, alors « que le principe de non-rétroactivité des actes administratifs fait obstacle à ce que l'autorité administrative se prévale d'un acte administratif établi après la date du fait générateur d'une taxe pour solliciter le paiement de cette imposition ; qu'en condamnant la société Marissol à verser à la communauté de communes de [Localité 4] la somme de 25 563,27 euros au titre de la taxe de séjour forfaitaire due à raison de la totalité de la période comprise entre le 15 juin 2017 et le 30 septembre 2017, la cour d'appel, qui a pourtant constaté que l'arrêté portant répartition des hébergements soumis à la taxe de séjour n'avait été adopté que le 31 août 2017 et publié le 7 septembre 2017, c'est-à-dire à une date partiellement postérieure au fait générateur des taxes réclamées, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé le principe précité, ensemble les articles L. 2333-26 et L. 2333-41 du code général des collectivités territoriales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2333-41, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, et L. 2131-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, du code général des collectivités territoriales :
13. Selon le premier de ces textes, le tarif de la taxe de séjour est arrêté par délibération du conseil municipal prise avant le 1er octobre de l'année pour être applicable l'année suivante. Selon le second, le tarif de la taxe de séjour forfaitaire est fixé avant le début de la période de perception, pour chaque nature et pour chaque catégorie d'hébergement, par unité de capacité d'accueil et par nuitée. Il en résulte que la répartition du tarif de la taxe forfaitaire de séjour doit être arrêtée avant le 1er octobre précédant l'année de la période de perception.
14. Pour rejeter la demande de la société Marissol, l'arrêt énonce qu'il est versé aux débats un arrêté de répartition des hébergements soumis à la taxe de séjour daté du 31 août 2017 et publié le 7 septembre 2017 et que, dès lors que la délibération du 28 septembre 2016 fixe la période de perception de la taxe de séjour du 15 juin au 30 septembre 2017 avec une date de déclaration et de reversement par les assujettis au forfait fixée au 5 octobre 2017, la délibération du 28 septembre 2016 peut valablement fonder la demande en paiement de la taxe de séjour forfaitaire.
15. En statuant ainsi, alors que l'arrêté de répartition avait été publié le 7 septembre 2017, postérieurement au fait générateur des taxes réclamées, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation du chef de dispositif condamnant la société Marissol à verser à la communauté de communes de [Localité 4] la somme de 25 563,27 euros au titre du règlement complémentaire de la taxe de séjour pour 2017 n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt par lequel la cour d'appel, en confirmant le jugement du 26 février 2020, a prononcé l'annulation de l'avis des sommes à payer émis le 21 décembre 2017 par la communauté de communes de [Localité 4].
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il annule l'avis des sommes à payer émis le 21 décembre 2017 par la communauté de communes de [Localité 4], l'arrêt rendu le 20 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet sauf sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la communauté de communes de [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la communauté de communes de [Localité 4] à payer à la société Marissol la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.