LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation
M. PONSOT, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 130 F-D
Pourvoi n° S 23-16.460
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025
M. [W] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 23-16.460 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Palm d'Or, société à responsabilité limitée,
2°/ à la société [S], société à responsabilité limitée,
toutes deux ayant leur siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Alt, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Palm d'Or et [S], et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Alt, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 mars 2023), le 24 juillet 2007, M. [S] a cédé à la société Palm d'Or les actions de la société [S], qu'il détenait, au prix de 1 109 119 euros. Il est resté président de cette société jusqu'au 25 septembre 2014.
2. Les sociétés Palm d'Or et [S] lui ayant reproché une distribution de dividendes antérieure à la cession, qui n'avait pas été portée à leur connaissance, elles ont engagé à son encontre une action indemnitaire sur le fondement du dol.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [S] fait grief à l'arrêt de le condamner à régler à la société Palm d'Or la somme de 242 021 euros, outre intérêts capitalisés à compter du 24 juillet 2007 « en remboursement partiel du prix de cession », alors « que le préjudice du contractant qui fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat pour réticence dolosive ne peut consister qu'en une perte de chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en condamnant le cédant à restituer à la cessionnaire le montant exact de la distribution de dividendes prétendument celée au motif qu'en raison de cette distribution, le patrimoine de la société cédée était minoré et que la société Palm d'Or n'aurait pas procédé à l'acquisition des parts sociales au même prix sans la distribution, sans constater qu'informée de la distribution de dividendes réalisée, la cessionnaire aurait pu négocier une diminution du prix de cession des parts sociales égale au montant exact de cette distribution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1137 et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1137 et 1240 du code civil :
4. Il résulte de ces textes que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
5. Pour condamner M. [S] à régler à la société Palm d'Or la somme de 242 021 euros, l'arrêt relève qu'avant la cession des actions de sa société, celui-ci s'est approprié le résultat de l'exercice 2007 par le biais de la distribution de dividendes, cependant que le prix de cette cession avait été convenu sur la base de la valeur de l'entreprise arrêtée au 31 mars 2007, selon le protocole signé le 24 juillet 2007, que cette distribution a été réalisée sur la base d'un procès-verbal d'assemblée générale totalement discordant avec les autres documents produits par les parties et que la dissimulation des informations relatives à cette distribution constitue un dol. Il ajoute que la société Palm d'Or n'aurait pas procédé à l'acquisition des parts sociales au prix convenu par les parties et en déduit que M. [S] doit payer à la société Palm d'Or la somme précitée, en remboursement partiel du prix de cession.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, informée de la distribution de dividendes réalisée, la cessionnaire aurait pu négocier une diminution du prix de cession des parts sociales égale au montant exact de cette distribution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne les sociétés Palm d'Or et [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Palm d'Or et [S] et les condamne à payer à M. [S] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.