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12/03/2025 | FRANCE | N°52500258

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mars 2025, 52500258


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 mars 2025








Cassation partielle




M. SOMMER, président






Arrêt n° 258 FS-D




Pourvois n°
J 23-22.755
P 23-22.759
S 23-22.762
W 23-22.766
X 23-22.767
Y 23-22.768
D 23-22.980 JONCTION








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S

E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025




1°/ M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 1],


2°/ M. [T] [R], domicilié [Adress...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2025

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 258 FS-D

Pourvois n°
J 23-22.755
P 23-22.759
S 23-22.762
W 23-22.766
X 23-22.767
Y 23-22.768
D 23-22.980 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025

1°/ M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 1],

2°/ M. [T] [R], domicilié [Adresse 5],

3°/ M. [P] [X], domicilié [Adresse 6],

4°/ Mme [M] [C], domiciliée [Adresse 7],

5°/ M. [H] [A], domicilié [Adresse 3],

6°/ M. [B] [V], domicilié [Adresse 4],

7°/ Mme [I] [N], domiciliée [Adresse 2],
ont formé respectivement les pourvois n° J 23-22.755, P 23-22.759, S 23-22.762, W 23-22.766, X 23-22.767, Y 23-22.768 et D 23-22.980 contre sept arrêts rendus le 29 septembre 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les litiges les opposant à la société Laboratoires Arkopharma, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], défenderesse à la cassation.

La société Laboratoires Arkopharma a formé des pourvois incidents contre les mêmes arrêts.

Les demandeurs aux pourvois principaux invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen commun de cassation.

La demanderesse aux pourvois incidents invoquent, à l'appui de ses recours, un moyen commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [Y] et des six autres salariés, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Laboratoires Arkopharma, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 23-22.755, P 23-22.759, S 23-22.762, W 23-22.766, X 23-22.767, Y 23-22.768 et D 23-22.980 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 29 septembre 2023) et les productions, M. [Y] et six autres salariés ont été engagés en qualité d'attachés commerciaux par la société Laboratoires Arkopharma (la société).

3. La société, envisageant une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, a proposé aux salariés, en février 2016, une modification de leur contrat de travail portant sur la répartition géographique et leur rémunération, qu'ils ont refusée.

4. Par décision du 19 septembre 2016, devenue définitive par jugement d'un tribunal administratif du 24 janvier 2017, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif.

5. Les salariés, licenciés pour motif économique le 18 novembre 2016, ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen des pourvois principaux des salariés

Enoncé du moyen

6. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes fondées sur la contestation de leur licenciement économique, alors :

« 1°/ que la cause économique d'un licenciement s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en l'espèce la cour d'appel, pour juger établie l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité des compléments alimentaires et produits phytosanitaires du groupe Arkopharma, produits à hauteur de 49 % par la société Laboratoires Arkopharma, a retenu que ''la société justifie de cette dégradation par la production d'un extrait d'une étude de données IMS-Health-Panel Pharmatrend parue en décembre 2014 laquelle démontre que les parts de marché d'Arkopharma sont passées de 28,1 % en 2002 à 13,3 % en 2014'', que ''certains [concurrents] comme Pileje, Nutergia, Omega Pharma ou Cooper enregistrant sur la période 2010-2014 une croissance de leurs ventes à deux chiffres contrairement à Arkopharma [...]'' ou encore que la société démontrait ''une sous-performance d'activité sur ses marchés phares en 2014'' ; qu'elle en a déduit que ''ces éléments notamment étayés par des données IMS-Health non contredites démontrent que les causes de la perte de compétitivité de la société étaient réelles et constatées sur plusieurs années, peu important dès lors que le secteur d'activité en lui-même ait été alors en croissance globale de l'ordre de 3 à 5 % par an, que le groupe ait gardé sa position de leader sur le secteur, que son chiffre d'affaires ait été en augmentation de près de 2 % en 2015, sa rentabilité brute d'exploitation (taux d'EBE) en hausse de 4,2 points au cours du même exercice, sa rentabilité d'exploitation en augmentation de 8,3 % à 12,9 % ou encore que sa santé financière lui ait permis post réalisation du PSE de refinancer la dette de son LBO, ces indicateurs positifs étant le résultat pour une grande part d'un seul effet « volume » lié à la croissance globale du secteur'' ; qu'en se fondant sur ces motifs insusceptibles de justifier qu'une menace pesait sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient au jour des licenciements, intervenus le 18 novembre 2016, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

2°/ que la cause économique d'un licenciement s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher, comme l'y invitait les salariés à partir d'éléments étayés non seulement par les déclarations du président de la société Arkopharma, mais également par les résultats de l'expertise diligentée par le Cabinet Explicite, expert désigné par le comité d'entreprise en juillet 2016 et par le comportement de la société employeur, qui avait refusé de produire ses bilans 2016 et 2017, si toute menace sur la compétitivité n'était pas écartée à la date du licenciement, du fait des ''excellents résultats'' d'Arkopharma qui, en 2015, avait affiché une croissance supérieure de 10 % à celle du marché, un gain de parts de marchés en pharmacie en volume et en valeur par rapport à 2014, une rentabilité d'exploitation et une capacité d'autofinancement également en augmentation par rapport à 2014, tous éléments dont résultait une amélioration de la compétitivité d'Arkopharma au moment du licenciement par rapport à l'année 2014, qui lui avait permis de se développer en Europe et à l'international par l'acquisition, en 2016, d'un distributeur portugais, la société Distrifa et par la conclusion en 2017 d'un partenariat avec un réseau de e-commerce en Chine, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

3°/ que si le juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique, ne peut se substituer à l'employeur quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation, il lui appartient cependant de vérifier l'adéquation entre la situation économique et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour débouter de leur demande les salariés licenciés après avoir refusé une modification de leur contrat de travail, que ''s'il appartient au juge d'apprécier le bien-fondé des éléments mentionnés par l'employeur au soutien du motif économique allégué, il ne peut se substituer à ce dernier quant au choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation de l'entreprise. Il ne lui appartient pas davantage d'arbitrer entre les différentes possibilités de réorganisation. Par suite, le moyen selon lequel les propositions de modifications de leurs contrats de travail faites aux attachés commerciaux ne seraient pas de nature à restaurer la compétitivité de la société est inopérant'' ; qu'en statuant de la sorte quand il lui appartenait de vérifier l'adéquation entre la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise liée, en l'absence de toute dégradation de sa situation économique interne, ''à un affaiblissement de positionnement sur son marché principal'', et une réorganisation par modification de la rémunération variable de ses attachés commerciaux, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qu'une réorganisation de l'entreprise constitue un motif de licenciement si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi.

8. La cour d'appel a d'abord constaté que la société justifiait d'une baisse significative de ses parts de marché en France métropolitaine s'agissant de la vente de compléments alimentaires et de produits phytosanitaires dans le circuit officinal sur la période courant 2002 à 2016, la production d'un extrait d'une étude de données IMS-Health-Panell Pharmatrend parue en décembre 2014 démontrant que les parts de marché d'Arkopharma étaient passées de 28,1 % en 2002 à 13,3 % en 2014, quand le chiffre d'affaires généré par les ventes au sein du circuit officinal français représentait, en 2016, 49,1 % du chiffre d'affaires du groupe.

9. Elle a ensuite relevé que, sur la même période, la société démontrait que cette dégradation de son positionnement sur le marché français n'avait pu être compensée au niveau du groupe par ses autres filiales européennes, lesquelles avaient enregistré une diminution de leur activité, passant de 100,4 millions d'euros de chiffres d'affaires en 2011 à 89,2 millions d'euros en 2016.

10. Elle a encore retenu que les causes à l'origine de cette perte de compétitivité étaient notamment l'intensification de la concurrence sur le secteur d'activité de la vente de compléments alimentaires et de produits phytosanitaires dans le circuit officinal, passant de quatre principaux concurrents représentant 50 % du marché en 2002 à huit concurrents en 2015, une sous-performance d'activité sur ses marchés phares, dont notamment le segment « stress et sédatifs » pour lequel elle avait enregistré une croissance de 1 % lorsque celle du marché était de 31 %, une absence de lancement de nouveaux produits apparaissant dans le top 10 du marché depuis plusieurs années, et un manque d'adaptation aux évolutions du marché de la pharmacie en France, notamment en termes de stratégie commerciale.

11. De ces constatations et énonciations, elle a pu déduire, sans pouvoir se substituer à l'employeur quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation, l'existence d'une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartenait l'entreprise de nature à justifier sa réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen des pourvois incidents de l'employeur

Enoncé du moyen

13. L'employeur fait grief aux arrêts de le débouter de sa demande indemnitaire pour rétention abusive du véhicule de fonction, alors « que selon l'article L. 1233-72 du code du travail, pendant la durée du congé de reclassement qui excède la durée du préavis, le salarié perçoit une rémunération mensuelle égale à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne perçue au cours des douze derniers mois précédant la notification du licenciement ; que ce texte ne prévoit pas le maintien, pendant la durée du congé de reclassement qui excède le préavis, des avantages en nature dont bénéficiait le salarié ; que si ces avantages en nature doivent être pris en compte pour calculer le montant de l'allocation de congé de reclassement, le salarié n'a en revanche aucun droit à en conserver le bénéfice pendant la durée du congé excédant le préavis ; qu'en l'espèce, la société Laboratoires Arkopharma soulignait que, pendant la durée du congé de reclassement excédant le préavis, l'allocation versée au salarié représentant 70 % de sa rémunération mensuelle brute ; qu'en affirmant néanmoins que le refus du salarié de restituer son véhicule de fonction avant le terme du congé de reclassement est dépourvu de caractère fautif, au motif inopérant que le terme du préavis est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement et que la rupture du contrat n'intervient qu'à cette date, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-72 et R. 1233-32 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-72 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, et R. 1233-32 du même code :

14. Aux termes du premier de ces textes, le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement. Le montant de la rémunération qui excède la durée du préavis est égal au montant de l'allocation de conversion mentionnée au 3° de l'article L. 5123-2. Les dispositions des articles L. 5123-4 et L. 5123-5 sont applicables à cette rémunération.

15. Selon le second, pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis, le salarié bénéficie d'une rémunération mensuelle à la charge de l'employeur, dont le montant est au moins égal à 65 % de sa rémunération mensuelle brute moyenne précédant la notification du licenciement.

16. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un salarié se trouve en congé de reclassement, au cours de la période dépassant la durée de son préavis, il ne peut prétendre au maintien des avantages en nature dont il bénéficiait durant le préavis, mais seulement au versement de l'indemnité prévue au 3° de l'article L. 5123-2 du code du travail.

17. Pour débouter l'employeur de sa demande indemnitaire pour rétention abusive du véhicule de fonction, les arrêts retiennent que lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement et que la rupture du contrat de travail intervient alors à la fin du congé de reclassement. Ils en concluent que le refus de restituer le véhicule avant le terme du congé de reclassement est dépourvu de caractère fautif.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principaux ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent la société Laboratoires Arkopharma de sa demande indemnitaire formée pour rétention abusive du véhicule de fonction à l'encontre de MM. [Y], [R], [X], [A] et [V], et Mmes [C] et [N], et en ce qu'ils statuent sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les arrêts rendus le 29 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [Y] et les six autres salariés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500258
Date de la décision : 12/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, 29 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mar. 2025, pourvoi n°52500258


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500258
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