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12/03/2025 | FRANCE | N°C2500479

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mars 2025, C2500479


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° C 24-87.015 F-B


N° 00479




GM
12 MARS 2025




CASSATION SANS RENVOI




M. BONNAL président,
















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 MARS 2025


[Z] [L] a formé d

es pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de meurtre en bande organisée, a con...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 24-87.015 F-B

N° 00479

GM
12 MARS 2025

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 MARS 2025

[Z] [L] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 novembre 2024, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de complicité de meurtre en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat d'[Z] [L], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Une personne ayant été mortellement touchée par des tirs d'arme à feu, le 29 décembre 2022, une information a été ouverte le 6 janvier 2023.

3. [Z] [L], né le [Date naissance 2] 2005, a été mis en examen, du chef susvisé, le 26 mai 2023.

4. Il a été placé en détention provisoire le même jour.

5. A l'issue d'une première prolongation, ordonnée le 24 mai 2024, le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 25 novembre 2024, prolongé sa détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois.

6. [Z] [L] a relevé appel de cette décision.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé le 6 décembre 2024

7. Selon l'article 576, alinéa 2, du code de procédure pénale, la déclaration de pourvoi doit être signée par le greffier et par le demandeur en cassation lui-même ou par un avocat près la juridiction qui a statué, ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier.

8. Par ailleurs, l'article 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions, auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

9. Il en résulte que le pourvoi formé sans pouvoir spécial, le 6 décembre 2024, par un avocat inscrit au barreau de Paris, contre l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles est irrecevable, dès lors que l'information est menée au tribunal judiciaire de Pontoise.

10. Seul est donc recevable le pourvoi formé pour [Z] [L], le 9 décembre 2024, par un avocat au barreau de Versailles.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté tous les moyens tendant à l'annulation de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire du 25 novembre 2024 et dit n'y avoir lieu à annulation de cette ordonnance, alors « que le recueil de renseignements socio-éducatifs est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention provisoire d'un mineur mis en examen ou convoqué devant une juridiction de jugement même lorsque l'intéressé est devenu majeur le jour où les poursuites sont exercées dès lors qu'il n'a pas atteint ses vingt-et-un ans ; qu'en l'espèce, pour refuser d'annuler l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire qui lui était déférée, la chambre de l'instruction a retenu que le recueil de renseignements socio-éducatifs pouvait alternativement être fait avant le placement en détention provisoire ou avant la prolongation de la détention provisoire et qu'en l'espèce un rapport de recueil de renseignements socio-éducatifs avait été établi lors du déferrement de M. [L] ; qu'en statuant de la sorte cependant qu'un recueil de renseignements socio-éducatifs s'imposait avant toute décision de prolongation de la détention provisoire de M. [L] qui n'avait pas atteint ses vingt-et-un ans le jour où les poursuites étaient exercées, la chambre de l°instruction a méconnu les articles L. 322-5 et L. 322-6 du code de la justice pénale des mineurs. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 322-4, L. 322-5 et L. 322-6 du code de la justice pénale des mineurs :

12. Il résulte des deux premiers de ces textes que, lorsque le procureur de la République saisit le juge des enfants, le juge d'instruction ou le tribunal pour enfants, le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) est obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire puis, le cas échéant, de prolongation de la détention provisoire d'un mineur mis en examen ou convoqué devant une juridiction de jugement.

13. Il résulte du troisième qu'en cas de prolongation de la détention provisoire, cette obligation s'applique même lorsque l'intéressé est devenu majeur le jour où les poursuites sont exercées dès lors qu'il n'a pas atteint l'âge de vingt-et-un ans au jour où cette prolongation est requise ou décidée.

14. Pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance prolongeant la détention provisoire d'[Z] [L], tirée du fait qu'elle n'avait pas été précédée d'un RRSE, l'arrêt attaqué énonce que l'obligation imposée par l'article L. 322-5 du code de la justice pénale des mineurs est alternative, qu'un rapport de RRSE, ne formulant aucune proposition éducative, a été établi en mai 2023, lors du défèrement de l'intéressé, et que son avocat n'a pas, lors du débat contradictoire du 25 novembre 2024, fait valoir la nécessité de recueillir de nouveaux éléments socio-éducatifs.

15. En statuant ainsi, alors que le demandeur, né le [Date naissance 2] 2005, était mineur lors de la commission des faits lui étant reprochés et n'avait pas atteint l'âge de vingt-et-un ans lors de la prolongation de sa détention provisoire, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés, qui ont pour objet d'assurer l'actualisation, lors de la prolongation de la détention provisoire, des éléments de personnalité recueillis auparavant.

16. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

18. Elle entraînera la mise en liberté d'[Z] [L], sauf s'il est détenu pour autre cause.

19. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1er, du code de procédure pénale, auquel renvoie l'article L. 13-1 du code de la justice pénale des mineurs, permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ces codes, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du code de procédure pénale.

20. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation d'[Z] [L], comme complice, à la commission du crime pour lequel il a été mis en examen.

21. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :

- d'empêcher une concertation frauduleuse entre les personnes mises en examen, en ce que le rôle tenu par [Z] [L] dans la commission d'un crime impliquant de nombreuses personnes qui se connaissent et pourraient avoir agi en bande organisée demeure à préciser ;

- de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, en ce que le retour d'[Z] [L] au domicile familial, à [Localité 4], lieu de commission du crime, ne peut être envisagé et l'intéressé, désormais majeur, ne justifie d'aucun projet d'insertion structuré ;

- de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission et l'importance du préjudice qu'elle a causé, en ce que [Z] [L] est mis en examen pour complicité d'un meurtre aggravé, commis sur la voie publique, au moyen d'une arme à feu.

22. Afin d'assurer la réalisation de ces objectifs, [Z] [L] sera soumis aux obligations spécifiées au dispositif.

23. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants, 141-2 et suivants du code de procédure pénale, L. 331-1 et suivants du code de la justice pénale des mineurs.

24. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour :

Sur le pourvoi formé le 6 décembre 2024 :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé le 9 décembre 2024 :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 29 novembre 2024 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE qu'[Z] [L] est détenu sans titre depuis le 26 novembre 2024 ;

ORDONNE la mise en liberté d'[Z] [L] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE son placement sous contrôle judiciaire ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- Ne pas sortir des limites territoriales suivantes, sauf pour répondre aux convocations de l'autorité judiciaire : département de l'Essonne ;

- Fixer sa résidence à l'adresse suivante : chez M. [MD] [R], [Adresse 3] ;

- Ne pas s'en absenter entre 19 heures et 6 heures le lendemain ;

- Se présenter avant le 14 mars 2025 à 12 heures, et ensuite deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, au commissariat de police des [Localité 5], [Adresse 1] ;

- S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [K] [N] [U], [Y] [M], [E] [M], [I] [C], [X] [V], [O] [D], [A] [J], [P] [W], [F] [T], Mme [S] [G], M. [H] [GG], Mme [DV] [TA] et Mme [B] [TA] ;

- Ne pas détenir ou porter une arme ;

- Suivre une scolarité ou une formation ou exercer une activité professionnelle ;

DESIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire de police des [Localité 5] ;

DÉSIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500479
Date de la décision : 12/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

DETENTION PROVISOIRE


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 29 novembre 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 mar. 2025, pourvoi n°C2500479


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SCP Melka-Prigent-Drusch

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500479
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