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02/04/2025 | FRANCE | N°52500367

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 2025, 52500367


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 avril 2025








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 367 F-D


Pourvoi n° J 23-22.088








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI

S
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025


La société Alba sécurité privée, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 avril 2025

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 367 F-D

Pourvoi n° J 23-22.088

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025

La société Alba sécurité privée, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 23-22.088 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [N] [O], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société [L], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orso sécurité privée,

3°/ à l' AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de la société Alba sécurité privée, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, conseiller, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3 alinéa 2,du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Alba sécurité privée du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orso sécurité privée, et l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2023), M. [O] a été engagé en qualité d'agent de sécurité par la société Orso sécurité privée à compter du 4 juillet 2014, puis par la société Alba sécurité privée à compter du 7 janvier 2019.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes à l'encontre des sociétés Orso sécurité privée et Alba sécurité privée en résiliation judiciaire des contrats de travail, en fixation des créances au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la première et en paiement de diverses sommes dues par la seconde, au titre de l'exécution de ces contrats et de leur rupture.

Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié et de le condamner à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et violer l'article 455 du code de procédure civile, tout à la fois rejeter la demande de prime d'ancienneté formée par M. [O] comme mal fondée et se fonder sur les manquements de l'employeur relatifs au non-paiement (?) de prime d'ancienneté" pour prononcer la résiliation judiciaire aux torts de la société Alba sécurité privée ;

2°/ qu'en toute hypothèse, la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être prononcée aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en retenant que les manquements de l'employeur relatifs au non-paiement d'heures supplémentaires, de prime d'ancienneté, de majorations de nuit sont d'une gravité telle qu'ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Alba sécurité privée", sans caractériser que ces derniers étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1224 du code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1231-1 du code du travail :

6. Selon ce texte, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord.

7. Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

8. Pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que les manquements de l'employeur relatifs au non-paiement d'heures supplémentaires, de prime d'ancienneté, de majorations de nuit sont d'une gravité telle qu'ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de celui-ci.

9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait rejeté la demande en paiement d'une prime d'ancienneté, sans rechercher si les autres faits imputés à l'employeur constituaient un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre d'indemnité pour travail dissimulé, alors « que la dissimulation partielle d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en se fondant sur l'infraction de travail dissimulée qu'elle a retenue à l'encontre de la société Orso sécurité privée au titre des heures de travail accomplies par M. [O] au cours des années 2017-2018, la cour d'appel, qui a statué par des motifs étrangers au comportement de la société Alba sécurité privée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 8223-1 et L. 8221-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail :

11. Aux termes du premier de ces textes, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

12. Aux termes du second, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

13. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que le caractère systématique en 2017 et 2018 du non-paiement des heures supplémentaires accomplies par le salarié et leur ampleur, le nombre d'heures supplémentaires non payées ayant atteint cent heures au cours du seul mois d'octobre 2018, caractérisent une intention de dissimulation de nombreuses heures de travail non rémunérées et non intégrées à l'assiette de cotisations, que l'infraction de travail dissimulé est ainsi établie à l'encontre de la société Orso sécurité privée.

14. L'arrêt ajoute que le montant de l'indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat de travail, qu'en l'espèce, le salarié a effectué des heures supplémentaires avant son arrêt de travail et qu'il y a lieu de condamner au paiement la société Alba sécurité privée à ce titre.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est uniquement référée au caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi par le précédent employeur du salarié, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] conclu avec la société Alba sécurité privée et en ce qu'il condamne celle-ci à payer à M. [O] les sommes de 15 033 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, 6 425,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 642,50 euros au titre des congés payés afférents, 3 725,21 euros à titre d'indemnité de licenciement et 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 6 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500367
Date de la décision : 02/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 septembre 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 2025, pourvoi n°52500367


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Zribi et Texier, SCP Alain Bénabent, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500367
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