LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 24-85.696 F-D
N° 00464
ODVS
8 AVRIL 2025
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 AVRIL 2025
Le procureur général près la cour d'appel de Metz a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 10 septembre 2024, qui, dans l'information suivie contre M. [G] [R] du chef de viol aggravé et contre personne non dénommée du chef de dénonciation calomnieuse, a prononcé sur la demande de M. [G] [R] d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 12 novembre 2024, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [G] [R], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 20 novembre 2015, M. [S] [R] a déposé plainte contre son père, M. [G] [R], pour viol par ascendant.
3. Le 26 février 2016, ce dernier a déposé plainte contre son fils pour dénonciation calomnieuse.
4. Par réquisitoire introductif du 21 mars 2017, le procureur de la République a ouvert une information de ces deux chefs.
5. Le 28 mai 2019, le juge d'instruction a procédé à la première audition de M. [S] [R] puis a délivré une commission rogatoire pour poursuite des investigations relatives aux faits de viols.
6. Après retour de cette commission rogatoire, le juge d'instruction a mis en examen, le 25 novembre 2022, M. [G] [R] du chef de viol incestueux commis sur un mineur par un ascendant.
7. Le 23 mai 2023, M. [G] [R] a déposé une requête en annulation notamment du réquisitoire introductif et des actes subséquents.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen est pris de la violation des articles 40, 40-1, 80 et 591 du code de procédure pénale.
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le réquisitoire introductif du 21 mars 2017 et les actes subséquents, alors que l'annulation d'un réquisitoire introductif n'est encourue que si cet acte ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.
Réponse de la Cour
Vu les articles 40, 41 et 80 du code de procédure pénale :
10. Il résulte des deux premiers de ces textes que le procureur de la République a le droit de requérir l'ouverture d'une information au vu de tous renseignements dont il est destinataire.
11. Selon le dernier, le réquisitoire introductif ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.
12. Pour annuler le réquisitoire introductif du 21 mars 2017, l'arrêt attaqué énonce que le procureur de la République a saisi le juge d'instruction à la fois contre M. [G] [R], du chef de viol commis sur la personne de M. [S] [R], et contre ce dernier du chef de dénonciation calomnieuse pour ces mêmes faits de viol.
13. Les juges relèvent, après avoir repris les termes de l'article 226-10 du code pénal, que dès sa saisine, le magistrat instructeur ne pouvait que considérer qu'il lui appartenait en premier lieu d'orienter ses investigations sur les faits de viol dont il était saisi, puisque la démonstration de leur fausseté était un préalable à la caractérisation de la seconde infraction dont il était saisi.
14. Ils en déduisent que le juge d'instruction était dans l'impossibilité de respecter la prescription de l'article 81 du code de procédure pénale d'instruire à charge et à décharge pour les deux infractions dont il était saisi, de sorte que M. [G] [R] pouvait légitimement questionner son impartialité dans l'examen de sa plainte, d'autant qu'il a d'abord été convoqué en vue de sa mise en examen sans avoir été précédemment, à l'inverse de son fils, entendu en qualité de partie civile.
15. Ils en concluent que le réquisitoire introductif porte atteinte au droit au procès équitable.
16. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
17. En premier lieu, un réquisitoire introductif ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, de sorte que la chambre de l'instruction ne pouvait annuler cet acte après avoir constaté qu'il était daté, signé et comportait l'indication des faits poursuivis, le visa des pièces dont ils résultent et leur qualification juridique.
18. En second lieu, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, déclarer recevable le moyen de nullité du réquisitoire introductif qui tendait à critiquer l'opportunité de la décision du procureur de la République d'ouvrir une information des chefs de viol et dénonciation calomnieuse.
19. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 10 septembre 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt-cinq.