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09/04/2025 | FRANCE | N°12500234

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 avril 2025, 12500234


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 1


CF






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 9 avril 2025








Cassation partielle




Mme CHAMPALAUNE, président






Arrêt n° 234 F-D


Pourvoi n° A 22-20.788










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
__________

_______________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025


1°/ M. [B] [E],


2°/ Mme [Z] [B], épouse [E],


domiciliés tous deux [Adresse 5],


ont formé le pourvoi n° A 22-20.788 contre l'arrêt ren...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 avril 2025

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 234 F-D

Pourvoi n° A 22-20.788

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 AVRIL 2025

1°/ M. [B] [E],

2°/ Mme [Z] [B], épouse [E],

domiciliés tous deux [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° A 22-20.788 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2022 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [I] [N], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société [B] [E], société par actions simplifiée,

3°/ à la société Biscuiterie du Blavet, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],

4°/ à Mme [X] [E], domiciliée [Adresse 4],

5°/ à Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 5],

6°/ à M. [G] [B], domicilié [Adresse 1],

7°/ à M. [M] [B], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. et Mme [E], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. et Mme [E] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [B] [E], la société Biscuiterie du Blavet, Mmes [X] et [O] [E] et MM. [G] et [M] [B].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mai 2022), par acte établi le 10 février 2012 avec le concours de M. [N], avocat, M. et Mme [E] ont cédé à la société Loc Maria leur fonds de commerce de fabrication et de distribution de produits alimentaires donné en location-gérance à la société Biscuiterie du Blavet dont M. [E] était le dirigeant. L'acte prévoyait que le stock de marchandises devait faire l'objet d'une valorisation négociée entre les parties et qu'à défaut d'accord, un expert serait désigné en application de l'article 1592 du code civil.

3. Le 24 avril 2013, M. et Mme [E] ont assigné la société Loc Maria en paiement du prix des marchandises. Un arrêt du 27 mars 2018, devenu irrévocable, a rejeté leurs demandes.

4. Le 10 avril 2019, M. et Mme [E] ont assigné M. [N] en responsabilité et indemnisation, lui reprochant, notamment, d'avoir manqué à son devoir d'efficacité dans le règlement de la question du prix du stock de marchandises et d'avoir omis de les informer des relations qu'il entretenait avec le gérant de la société Loc Maria.

5. Les sociétés [E] et Biscuiterie du Blavet sont intervenues volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de déclarer leur action irrecevable, alors « que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation ; que le dommage consécutif à la rédaction fautive d'un acte de cession de fonds de commerce n'est réalisé que par la décision de justice passée en force de chose jugée déniant à la victime le bénéfice attendu de l'acte s'il avait été correctement instrumenté ; qu'en l'espèce, ce n'est que par l'arrêt du 27 mars 2018 que les cédants ont été définitivement privés du prix de vente de marchandises et non au jour où les cédants ont agi contre la cessionnaire en paiement de celles-ci qui n'a fait apparaître que l'éventualité d'une perte ; qu'en faisant courir le délai de prescription de l'action en réparation dès le jour de l'assignation en paiement des marchandises et non le jour de l'arrêt confirmatif du 27 mars 2018 faisant perdre avec certitude aux cédants le prix de vente d'une partie du stock cédé avec le fonds, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. M. [N] conteste la recevabilité du moyen, selon lui, contraire à la thèse soutenue devant le juge du fond par M. et Mme [E] qui affirmaient que la prescription avait couru à compter du 10 février 2012, date de la cession, et avait été interrompue par l'assignation du 24 avril 2013 jusqu'à l'arrêt du 27 mars 2018, lequel avait fait courir un nouveau délai de cinq ans.

8. Cependant le moyen n'est pas contraire, dès lors qu'il conduit aussi à faire courir un délai de cinq ans à compter de l'arrêt du 27 mars 2018 et à écarter la prescription.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 2224 du code civil :

10. Selon ce texte, le délai de prescription de l'action en responsabilité civile court à compter du jour où celui qui se prétend victime a connu ou aurait dû connaître le dommage, le fait générateur de responsabilité et son auteur ainsi que le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur. Il s'en déduit que, lorsque l'action principale en responsabilité tend à l'indemnisation du préjudice subi par le demandeur, né de la reconnaissance d'un droit contesté au profit d'un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l'intéressé en mesure d'exercer l'action en réparation du préjudice qui en résulte, de sorte que cette décision constitue le point de départ de la prescription (Ch. mixte., 19 juillet 2024, pourvoi n° 20-23.527, publié).

11. Pour déclarer irrecevable l'action comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que M. et Mme [E] étaient, dès la signature de l'acte de cession, en mesure de savoir si le prix de cession était sous-évalué, d'autre part, qu'ils disposaient alors déjà d'éléments leur permettant d'agir en responsabilité et, enfin, que, dès le 17 juillet 2012 et au plus tard le 13 juin 2013, M. et Mme [E] avaient pleinement connaissance des éléments nécessaires pour agir.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les demandes formées par les cédants contre le cessionnaire avaient été rejetées par l'arrêt du 27 mars 2018 devenu irrévocable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable l'action en responsabilité engagée par M. et Mme [E] entraîne la cassation des chefs de dispositif les condamnant au paiement de dommages-intérêts pour action et recours abusifs qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit les sociétés [E] et Biscuiterie du Blavet en leur intervention volontaire, l'arrêt rendu le 31 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12500234
Date de la décision : 09/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 31 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 avr. 2025, pourvoi n°12500234


Composition du Tribunal
Président : Mme Champalaune (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Boucard-Capron-Maman

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:12500234
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